vendredi 5 juillet 2024

Cd, compte rendu critique. Edouard Lalo (1823-1892) : Complete Songs / Intégrale des Mélodies. Tassis Christoyannis, 2015 (1 cd Aparté)

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lalo melodies tassis christoyannis baryton cd critique review classiquenews cd classiquenewsCd, compte rendu critique. Edouard Lalo (1823-1892) : Complete Songs / Intégrale des Mélodies. Tassis Christoyannis, baryton (1 cd Aparté). Edouard Lalo (1823 – 1892) reste ce génie du XIXème  français totalement mésestimé qui malgré les essais ici et là de réhabilitation, demeure dans l’ombre. Frilosité aberrante des producteurs ou tout bonnement manque de curiosité de prise de risque ou de culture, Edouard Lalo évoquant immanquablement les salons feutrés ou les fumoirs dorés du Second Empire demeure confiné au pilori dans un silence poli et déférent. L’élève de Habeneck, protégé de Gounod, demeure une espèce d’autodidacte qui sut avec discrétion (par tempérament) cultiver sa différence et ne participa jamais au Conservatoire de Paris (comme élève ou comme professeur) si ce n’est que comme juré lors de compétitions…  Pourtant depuis quelques années plusieurs réalisations exemplaires dont une très bonne lecture de son opéra Fiesque (1866), source d’amères désillusions, ont rappelé l’envergure et le métier d’une manière fascinante. Sa seconde épouse Julie Bernier, fortunée et excellente contralto chanta les mélodies dont elle fut dédicataire : Souvenir,  La fenaison, L’esclave, Chant breton, Marine…

Le style de Lalo offre un métier solide qui cependant use et abuse du principe du refrain. La maturité et les oeuvres les plus abouties demeurent propre aux années 1870 : Concerto pour violon, Concerto pour violoncelle (1877), Symphonie Espagnole (1874) et le Roi d’Ys (1875-1881). Son ballet Namouna (commande de l’Opéra de Paris en 1882) reste un ovni à redécouvrir.

Le présent récital respecte la chronologie de la composition : d’abord deux pièces de la jeunesse signées en 1848 par un auteur de 25 ans  (L’ombre de Dieu, Adieu au désert). A la narration réaliste pathétique et tragique  (la pauvre femme, qui est une cantatrice obligée de mendier) des Six romances développées d’après Béranger qui en 1849 est resté le chantre chansonnier emblématique de la Monarchie de juillet, l’excellent diseur Tassis Christoyannis affirme une éloquence intelligible d’une irrésistible vérité. Tel répertoire pouvait-il trouver meilleur interprète ?
Même dans  Suicide (autre mélodie de plus de 10 mn) qui évoque la fin des deux jeunes auteurs de Raymond, retentissant échec théâtral de 1832, puis dans les affres intérieurs du pauvre Novice  (pleurs et soupirs d’une âme désireuse et indécise), le baryton qui nous a tant convaincu dans Il trittico de Puccini et avant Don Giovanni à l’Opéra de Tours, convainc de bout en bout grâce à un français impeccable, une articulation sobre, riche, nuancée.
Hugo se taille la part du lion : ses vers inspirant particulièrement Lalo dans de nouveaux cycles de mélodies de 1856 puis 1870  (Souvenir tiré des Contemplations).  C’est surtout Guitare  (articulations titre décidément inspirateur car Liszt mit en musique le même texte, il est vrai dans une bien meilleure exigence prosodique et doué d’une plus belle inspiration), Puisqu’ici bas. ..,  L’aube naît  (la plus juste, mélodie de l’amant qui chante et pleure aussi); c’est osons le dire un cycle de chansons plutôt convenables et polies, trop certainement, pas assez imprévisibles ni audacieuses sur le plan harmonique. Les mélodies inspirées  de Musset semblent plus précises, plus soucieuses de s’ajuster aux nuances et aux climats du texte (À  une fleur. .. est emblématique à ce titre).

Dans sa mise économe, avec ses accents de Don Quichotte à sa dulcinée tout enivré et désirant, le diseur Christoyannis fait à lui seul la valeur de ce récital qui sans son sens des couleurs et des climats aurait  fini par sonner … neutre et gris.
Aux côtés des mélodistes mieux connus et à juste titre, Rossini, Berlioz, Delibes, Liszt, ou Bizet, sans omettre les plus tardifs dans le siècle : Duparc, Chaussson, Fauré, Debussy… l’inspiration plutôt conforme de Lalo (même au service de Lamartine) telle qu’elle jaillit dans cette sélection n’aide pas réellement à sa réhabilitation. De fait, on peut se poser la question : tant de grisaille et de climats sur le même thème (langueur, prière, blessure, impuissance)  – impression malheureusement confirmée malgré le hautbois dans le Chant breton-,  finissant par tourner en rond, méritaient-ils d’être enregistrés?
On continue de penser que Lalo a du génie;  il aurait été souhaitable que pour sa défense des oeuvres plus consistantes et plus convaincantes, aient été choisies. Dommage. Nos réserves n’ôtent rien du mérite de l’impressionnant baryton Tassis Christoyannis, méritant artiste, qui a le goût du risque, capable de défendre ici une collection de mélodies … plutôt décevantes.

Cd, compte rendu critique. Edouard Lalo (1823-1892) : Complete Songs / Intégrale des Mélodies. Tassis Christoyannis, baryton. Jeff Cohen, piano. Johannes Grosso, oboe hautbois. 1 cd Aparté AP110. Enregistrement réalisé en
mars 2015.

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