jeudi 27 juin 2024

Falvetti: Il Diluvio Universale. Alarcon, 20101 cd Ambronay éditions

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Sommet dramatique, le Dialogo « Il diluvio Universale » du Calabrais Michelangelo Falvetti (1642-1692) mérite assurément cet éclairage ciselé par Leonardo Garcia Alarcon: la résurrection prend valeur de nouveau jalon pour notre connaissance du Baroque italien, à la fin du XVIIème siècle (l’ouvrage est créé à Messine en 1682). C’est aussi pour le festival d’Ambronay l’une de ses plus remarquables productions dont le disque fixe opportunément l’apport musical, artistique, humain… Inestimable. Classiquenews.com avait souligné l’intérêt de la partition et l’engagement des interprètes, dès la création du programme à Ambronay (septembre 2010). Le disque qui paraît en septembre 2011 est de la même étoffe, celle d’une indiscutable réussite.


Sommet dramatique


La construction de l’oratorio suit cette affection essentiellement baroque pour vertiges et contrastes
: la première partie voit la haine irrépressible de la justice divine, juge exaspéré par l’indignité des hommes: aux éléments, l’inflexible déité commande déluge et tempêtes pour éradiquer l’espèce humaine; puis, le tableau suivant se fait plus intimiste : Noé et son épouse Rad sont confrontés à la colère de Dieu, résolu lui-aussi à perdre l’humanité sous les eaux. Au couple élu revient la mission de fonder une nouvelle ère humaine; captivant est alors le tableau expressionniste du déluge proprement dit, lequel donne le titre du « Dialogo »: chœurs des noyés, compassion des témoins; c’est d’ ailleurs ce sentiment de déploration pour toutes les victimes sacrifiées, emportées dans le cataclysme qui colore la partition; l’œuvre de Falvetti serait comme la formulation expiatoire de l’asservissement humiliant dans lequel les dominateurs espagnols tiennent les habitants de Messine (Sicile) qui ont osé se soulever contre l’occupant : écoutez le chœur déchirant des humains accablés qui suit l’exposé acide et glacial de la mort… « Qui peut m’aider? J’avale la mort… » Étonnante partition chorale où le chant des désespérés atteint le grand macabre, exprimé musicalement avec une liberté formelle géniale.

Le temps fort de ce drame du cataclysme est évidemment le numéro 22: exhortation de la nature humaine dont la voix angélique (miraculeuse Caroline Weynants) se fait ambassadrice et intercesseuse pour le Salut des hommes perdus… Prière vaine car la mort veille et guette. Toute issue est impossible… D’ailleurs, l’ouvrage aurait pu s’appeler le triomphe de la mort (écoutez la tarentelle funèbre n°26).

Saluons dans l’ensemble le très beau travail du Chœur de chambre de Namur : idéalement articulé, actif autant qu’acteur, exalté, habité, palpitant (en particulier dans le chœur a 5, n°25).

Côté solistes, outre Caroline Weynants déjà citée (et vraie révélation de ce programme exaltant), c’est peu dire que le couple Noé / Rad (Fernando Guimaraes, Mariana Flores) irradie d’une éblouissante intensité, faite de vérité et de sincérité: souci d’intelligibilité, justesse d’intonation (air de paix marquant la fin du déluge de Noé), duo enivré et vibrant … les deux chanteurs ont tout pour eux: en plus d’une musicalité ardente et implorante, ils sont aussi au concert, de superbes acteurs.


Alarcon affirme à nouveau une évidente maestria dans cette résurrection qui s’inscrit parmi les meilleures réalisations produites par le Festival d’Ambronay
. Les festivaliers, heureux spectateurs (comme nous) de la création du programme en septembre 2010, pourront y relever certaines différences dans cet enregistrement réalisé en studio à la même période. Pour autant, le disque perd toute la séduction du live et l’écoute souligne une lenteur déclamatoire absente de l’interprétation vivante; de même, le dernier duo Noé et Rad est ici chanté par les deux sopranos vedettes Caroline Weynants et Marianna Flores; c’est un chant d’extase que le chef fait chanter au concert par les mêmes chanteuses auxquelles se joint en un trio irrésistible, la troisième soprano Magali Arnault. Côté avantages, la voix de Fabian Schofrin, si faible au concert, après le 3è rang, est favorisée par la prise de son.

Alarcon convainc dans l’un des oratorios les plus libres et les plus inventifs du baroque sicilien. La diversité des formes, le choix d’options étonnantes pour mieux servir les images dramatiques (comme le chœur des noyés et leur fin de phrase sans résolution), toute la construction de la partition (conservée à Messine) témoigne d’un génie musical oublié, superbement révélé. Jamais les solistes et musiciens de La Cappella Mediterranea, très inspirés décidément par les rythmes épicés, orientaux des rives du Baroque méditerranéen, n’ont été aussi convaincants. D’ailleurs, le concours du percussionniste Keyvan Chemirani (zarb, oud, darf) renforce et exalte ce geste interprétatif qui féconde la musique d’accents irrésistiblement africains. Superbe résurrection.

Falvetti: Il Diluvio (1682). La Cappella Mediterranea. Leonardo Garcia Alarcon, direction. Choeur due chambre de Namur. Sortie: 29 septembre 2011. Réf. AMY026. 1 cd Ambronay éditions. Reprise de l’oratorio Il Diluvio Universale de Falvetti en concert du 3 octobre au 9 novembre 2011, de Toulon à Besançon.


voir
les vidéos d’Il Diluvio de Falvetti par Leonardo Garcia Alarcon (Ambronay 2010)


Illustration: Trio féminin (Accent Tonique)
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