Montpellier : Eugène Onéguine de Tchaïkovski.Les 17, 19, 21 janvier 2014, 15h ou 20h. Opéra Berlioz / Le Corum. Eugène Onéguine est l’un des opéras les plus bouleversants du romantisme russe. L’indifférence du dandy Eugène, la fragilité de Tatiana, la douceur d’Olga, la prière désespérée de Lenski n’ont jamais cessé d’émouvoir. Adaptée par Piotr Ilitch Tchaïkovski (dont la musique est très présente tout au long de la saison 2013-2014 à Montpellier),l’œuvre de Alexandre Pouchkine en 1832, conserve toute sa cruauté, son cynisme glaçant qui cependant en fin d’action laisse aux protagonistes, le sentiment d’un immense échec (surtout pour le solitaire et fier Onéguine) et d’une amertume partagée. Après Janàček et La Petite renarde rusée en 2012, Marie-Eve Signeyrole propose sa lecture des émois amoureux de la jeune Tatiana.
Tchaïkovski
Eugène Onéguine, 1879
Opéra (scènes lyriques) en trois actes et 7 tableaux
Livret russe de Constantin Chilovsky et du compositeur, d’après le roman éponyme d’Alexandre Pouchkine
Créé au Petit Théâtre du Collège Impérial de musique (Théâtre Maly), à Moscou, le 29 mars 1879
Nouvelle production
Mourir d’amour ou vivre d’ennui ?
Ici, les deux êtres portraiturés par Tchaïkovski se murent dans une insatisfaction maladive : ce sont deux inadaptés frappés d’inertie clinique. Ils s’ennuient à en mourir et même si leur rencontre fait espérer l’inimaginable (pour Tatiana), Onéguine demeure impassible, comme handicapé, dans l’impossibilité à aimer.
Dans la mise en scène proposée à Montpellier, l’action s’inscrit à l’époque contemporaine, entre 1999 et 2003, pendant la perestroïka, où les nouveaux riches tel Onéguine, s’enrichissent sous la présidence de Boris Eltsine… face à cet oligarque arrogant, la famille de Tatiana, les Larinas, sont des petits propriétaires rassemblés dans un immeuble collectif ou appartements communautaires à Saint-Pétersbourg (Kommunalka) : les Larinas vivent frustrement (entassés à 20 dans un espace réduit) mais ils condamnent les mœurs occidentales et rêvent au retour de l’ancien empire russe… Peu à peu, Onéguine rachète les parcelles, scrute les faits et gestes de ses voisins pour rompre ses longues heures d’oisiveté. Il observe, froidement comme un vieux loup solitaire, coupé de toute passion, muré dans sa solitude cynique et glaciale. Pour la metteure en scène Marie-Eve Signeyrole : Onéguine n’est pas l’histoire d’un amour au décalage fatal ou mal synchronisé ; c’est plutôt l’histoire d’un homme qui ne peut pas aimer ni vivre. Qui préfère mourir plutôt que d’aimer. Un anti romantique. Un maudit pour lequel il n’y a aucune issue. Au final, Onéguine ne serait-il pas le miroir de Tchaïkovski lui-même ? On sait que la composition de l’opéra est simultanée à son mariage, fiasco intime sur toute la ligne et qui laisse l’homme détruit, en rien apaisé car son homosexualité tenue secrète fut la source de terrible blessure : Piotr Illyitch connut les affres d’une identité jamais respectée à son époque. Terrifiante hypocrisie qui a profondément marqué son existence toute entière.
La représentation du dimanche 19 janvier 2014 sera donnée en audiodescription pour les personnes déficientes visuelles.