mercredi 23 avril 2025

15ème Festival de Verbier (Suisse, Valais). Du 18 juillet au 3 août 2008

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15ème Festival de Verbier
Du 18 juillet au 3 août 2008

72 concerts symphoniques, chambristes et solistes. 15e session d’un Festival marqué par son ancrage alpin, dans une station qui pendant deux semaines est baignée de musiques pour l’essentiel classiques, romantiques et modernes. Qui mêle travail stagiaire de haut niveau, Orchestre d’aînés et de jeunes (UBS Symphonique) et concerts (on en a dénombré 72, hors « off »…), de géométrie variable, donnés par les plus hauts interprètes internationaux, en un cadre studieux et ludique sans affectation.

Le Verbe de Verbier
Et si dans Verbier, il y avait Verbe ? Et la Parole ne résonne-t-elle pas infiniment mieux si elle vient de haut, répercutée par le cercle enchanté des forêts, des alpages, des rochers, et plus loin encore, des glaciers ? C’est ce qu’on se dit les soirs où la montagne se fait un peu solennelle, en attente d’un « Orage », pas loin de « La Vallée d’Obermann » ou du « Lac de Wallenstadt », pour citer des titres dans le Cahier Suisse des Années de Pèlerinage lisztiennes ? (Des extraits de ces Années, celles-là Italiennes, sont au programme été-2008 de deux Grands Russes du Piano, Nicolas Luganski et Boris Berezovsky). A Verbier, donc, il y a parfois ce genre de majesté, potentiellement romantique. Mais si artistes, spectateurs ou même touristes aiment à se retrouver ici, il ne s’agit que du stade extrême de la contemplation – qui surgit mieux au crépuscule et aux approches de la nuit -, et souvent en juillet-août, la lumière est plus familière et plus douce, rendant « le climat » plus aimable, apportant aussi la détente joyeuse. Verbier, avec l’aide de la jeunesse de ces semaines musiciennes (stages, Académie…), c’est aussi et surtout la gaieté entraînante, les pauses du farniente d’après-midi, le va-et-vient studieux mais sans le stress des plaines ou de la ville, les déambulations d’après-concerts, les causeries dans les cafés où l’on refait le monde musical et le monde tout court, une Babel linguistique dont le langage commun demeure l’art des sons….Les silhouettes des artistes les plus connus, voire mondialement fêtés, sont là, reconnaissables mais n’exigeant aucune démarche dévotieuse, on se dit qu’on a vu Brendel à la librairie, Menahem Pressler à une terrasse de café, que Barbara Bonney et Micha Maisky sortent de l’épicerie, qu’on vient d’apercevoir Hélène Grimaud cherchant la trace mémorielle de ses loups au terminus du télécabine de Médran, que Fazil Say fait ses emplettes de farces et attrapes, et tout cela reste naturel, sans théâtre de comm’ exhibitionniste.

Portraits de famille : m’aimez-vous bien ?

C‘est tout cela, la Verbier’s touch. Avec bien sûr beaucoup de professionnalisme, et une férocité d’organisation mais qui ne se montre pas. Un art de la décontraction et de la liberté à l’heure suisse, en somme…Les grandes lignes de ce 2008, sans déclarations officielles d’intentions, ne se tracent guère par thématiques trop contraignantes. A cette altitude et avec ce mode de vie, on est plutôt sous le signe de la rencontre, voire des affinités électives entre artistes. De présences fidèles, aussi, devenues parfois tutélaires au fil des années, car « on revient à Verbier » : en témoignent entre bien d’autres, les violoncellistes Micha Maisky et Lynn Harrell, les violonistes Maxime Vengerov, Julian Rachlin, Joshua Bell, le hautboïste Alexei Ogrintchouk, les pianistes Martha Argerich et Jean-Yves Thibaudet, le chef Valery Gergiev…Mais il est une autre manière de s’orienter parmi tous ces concerts de jour et de soir, c’est de regarder tous ces « portraits de famille » des grands musiciens les plus célébrés, comme si on pouvait les projeter sur écran géant des montagnes nocturnes. Parfois un anniversaire stimule la programmation, comme celui de la naissance de Messiaen : Visions de l’Amen par Michel Béroff et Marie-Josèphe Jude, Harawi par Mireille Delunsch. Mais l’histoire de la musique se fait ici surtout en XVIIIe, XIXe et premier XXe. Ainsi : « M’aimez-vous bien ? », demandait anxieusement l’enfant Mozart. Eh bien oui, Wolfgang, ne t’inquiète pas pour Verbier, on t’y aime à la folie. Et on t’aime au piano tout particulièrement puisque le jeune David Greilsammer jouera en 6 concerts pré-nocturnes l’intégrale de tes sonates, un ensemble qu‘Alfred Brendel estime si important et malgré tout un peu négligé. La 15e (K.533) figure d’ailleurs au programme que cet immense pianiste a imaginé pour sa cérémonie européenne des adieux à la scène et qui fait escale à Verbier : avec les romantiques Variations en fa de Haydn, la 13e Sonate de Beethoven, et le testament poétique de Schubert, son ultime Sonate (D.960). Il y aura aussi le Mozart des concertos de piano – et quel ! le 24e, K.491, avec quel interprète, Radu Lupu !), des sonates de violon-piano, jeunes et ardentes (K.301 et 305), des quatuors en grande dramaturgie (le 2e de la série à Haydn, le 2e avec piano), le capital trio K.563, et même des extraits de Cosi Fan Tutte.

Les 3 B

Un autre absolu, Beethoven : une autre intégrale de l’extrême soir vierbérien, les 10 sonates piano (Aleksander Madzar) et violon (Ilya Gringolts), en 3 épisodes. Et aussi la somme pianistique de la Sonate op.106 (par un si jeune interprète, J.F.Neuburger), en même temps que 3 autres Sonates (op.27/1, 31/2, 53), les monumentales Variations Diabelli (Aleksandar Matzar), la 5e violoncelle-piano (Menahem Pressler, Frans Helmerson) et des Trios – dont l’Archiduc (encore M.Presslet et F.Helmerson)-, un quintette, le septuor. Et en symphonique, la 6e, Pastorale – ô combien en situation, mais on l’espère sans l’orage…du ciel valaisan : par l’UBS-Verbier que dirige Manfred Honeck, et le Triple Concerto, op.56 . Brahms n’est pas maltraité non plus en sa musique de chambre : 1er Sextuor, les 3 sonates piano (Nicolas Angelich) et violon (Renaud Capuçon) (et l’op.78, une autre fois, le Quatuor op.25, au piano les Rhapsodies op.79 et les architecturales Variations Haendel (Jonathan Gulad). « 3e B » – comme on disait naguère -, et 1er de ces 3 dans la chronologie, Johann-Sebastian : lui aussi pas oublié du tout, mais en ajoutant tout de suite qu’il ne s’agit pas du Bach des baroqueux : joué au piano par Fazil Say (qui « l’arrange » !), par Piotr Anderszewski ou Martha Argerich (la même Partita, BWV 826), au violoncelle (la 6e Suite), et même en « symphonique », pour tout un concert (fût-il dirigé par Paul McCreesh – qui lui donnera pourtant sa coloration personnelle -, avec l’UBS, R Capuçon, Julien Quentin et re-Fazil Say). S’agirait-il que ce dernier point d’une avancée « en marche arrière chronologique » ? Pour l’heure, la musique ancienne en véritable amont et en interprétation actuelle n’est pas affaire de Verbier, qui préfère après le « Vater-Bach » se tourner derechef vers l’aurore du classicisme avec Haydn (deux Quatuors, un Trio ; et un concerto pour violoncelle : Micha Maisky qui est soliste et aussi dirige là l’UBS.).

Et les autres, d’hier et aujourd’hui

Et le romantisme –pré, tout court et post – parle, commande et règne sur la montagne. De Schubert, peu de partitions, mais majeures, même s’il ne demeure pas en comme en d’autres années des ensembles de lieder, à plus forte raison de cycles (l’absence de Thomas Quasthoff ? à moins que la présence de Matthias Goerne pour un concert aux titres imprécisés de « Liederabend » n’inclue la merveilleuse ou angoissante vision du Soir schubertien…) : bien sûr le testament de la 21e Sonate (dans « l’adieu de Brendel »), l’essentiel 2e Trio (H.Grimaud, L.Kavakos, L.Harrell), le 14e Quatuor (une fois par les Ebène, une autre dans la transcription de Mahler par l’UBS et Joshua Bell, là où sont aussi données 5 transpositions orchestrales de lider), l’Arpeggione (Yuja Wang, L.Harrell). Schumann est superbement honoré au piano : le Concerto (H.Grimaud, l’UBS et Valéry Gergiev), l’Humoresque et les troublants-ultimes Chants de l’aube (P.Anderszewski), Les Danses des Compagnons de David, et au coeur du Quatuor op.47 et des Märchenbilder (avec alto : L.Power, J.Quentin). Chopin brille d’un sombre éclat, en particulier dans les 4 Ballades (le jeune Jonathan Gillad), Liszt resplendit avec l’indispensable Sonate (B.Berezowski) et les Jeux d’eau à Este (N.Luganski). Puis les Russes de la fin du siècle : Tchaikovski (surtout le Grand Trio op.50 et le 2e Quatuor), Borodine (2e Quatuor), et Dvorak (Quintette op.81), Mahler (5e Symphonie, par Gergiev et l‘UBS ; les terribles Chants pour les Enfants Morts, M.Goerne, UBs, dir. Gianandrea Noseda). Le XXe est lui aussi surtout russe, et beaucoup de Prokofiev, de Rachmaninov et de Chostakovitch. Du Sibelius (le concerto de violon, avec LKavakos), du Janacek (Sonate « 1905 »), Britten, Szymanowski, un quatuor (le 1er) de Bartok, Barber, Villa-Lobos. Et des « contemporains » bien accessibles, Corigliano, Tüür, Hillborg,Golijov, Schchedrin (une création, est-ce le fils de Rodion ?), sans oublier les interprètes qui s’auto-créent ( le clarinettiste Martin Fröst, les pianistes F.Say, Conrad Tao).

Et avant ou après tout, ne pas oublier la formation supérieure, assurée aux stagiaires de haut niveau par des enseignants prestigieux et « traduite » par master-classes publiques ou concerts spécifiques dans le cadre de la Verbier Festival Academy. Ni évidemment l’UBS Verbier Orchestra (et Chamber Orchestra), fondé il y a huit ans par J.Levine, confié en 2008 à R.Frühbeck de Burgos, J.Bell, V.Gergiev, M.Honeck…Ouverture à la musique du Monde par Cesaria Evora et le tout-féminin Sweet Honey in the Rock. Conférences et animations poly-culturelles. Et encore un Off permanent, généreux, également jazzy, nocturne et aux coins de rues…

Du 18 juillet au 3 août, tous les jours concerts à 11h, 14h30, 19h, 20h, 22h. Renseignements et réservations : T. 41 (0) 848 771 882 ; www.verbierfestival.com

Illustrations: Martha Argrich, Paul McCreesh, Fazil Say (DR)

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