17 èmes Vendredis Baroques
Dardilly (69)
Du 29 mai et 28 juin 2008
Rossi, Biber, Couperin, Purcell, Dowland, Rameau… Un petit festival baroque avec de grandes ambitions pour vous faire réfléchir…Dans le nord-ouest de l’agglomération lyonnaise se tient tous les ans un festival baroque invitant ensembles confirmés ou médiatiquement moins en lumière, selon une programmation qui fait appel à thématique : en 2008 : « plaintes, complaintes et lamentations », une belle occasion musicale de se réjouir !
La perle irrégulière
Le baroque, c’est gai ? c’est triste ? c’est mélancolique ? De toute façon, elle échappe à la classification, cette « perle irrégulière » comme disaient les Portugais consacrant l’inverse de la rigueur. Le baroque ne cesse de naître, de se ramifier, semble incliné vers la mort mais c’est pour mieux renaître, tel un certain Phénix ressorti de ses cendres. Et puis le baroque, c’est un tout (double) continent d’espace-temps, deux siècles d’Europe et d’Amérique complexement soudés entre Renaissance et classicisme, avec de telles variations d’un pays à l’autre, d’un domaine artistique à l’autre, qu’on se désespère de le saisir en son être. D’ailleurs il sacrifie follement au paraître, à la fuite, à l’inconstance, à la métamorphose ! Séduisant monstre de paradoxes, on le retrouve là où on ne l’attendait plus, et il fait peur tant il est beau mais peut paraître laid tout ensemble. Alors, vous pensez, quand on lâche innocemment : « quel plaisir que ces musiques baroques ! » (comme s’il n’y en avait que trois ou dix catégories bien cernables ), on reste en confondante naïveté.
Au delà du strass-et-paillettes baroques
C’est pour cela qu’on aime les festivals dont le titre, les intentions et les programmes posent davantage de « questions sans (donner de)réponses » , comme si on vous invitait à aller visiter une ville bâtie au bord des eaux qui la reflètent et en démultiplient l’image. Nous avions dans notre tour d’horizon baroque lyonnais mentionné le rôle des Vendredis Baroques de Dardilly, qui en bon « change baroque », ont lieu à d’autres jours de la semaine…: voici pour leur la 17e fois l’occasion d’éprouver qu’il s’agit là d’une aventure pleinement originale, conçue, maintenue et augmentée par l’imagination d’un doux obstiné, discret (trop ?), en tout cas insoucieux des effets strass-baroques, Dieu merci), Henri Marchand. A Dardilly, on aime travailler par thématiques, et en 2008, Henri Marchand a choisi d’explorer la dimension des « plaintes, complaintes et lamentations », mais en la rapportant à « notre humaine condition : la plainte du désir, du non-abouti, du non-obtenu, la complainte collective de nos épreuves, les lamentations sur nos malheurs et ceux d’autrui, enjeux de nos luttes et quête d’un bonheur ». Dans ces conditions d’approche, nous devrions sortir du jeu non seulement ravis musicalement mais plus riches d’interrogations. Et entre autres, sur ce qui – en deux siècles de « baroquie » religieuse (XVIIe et XVIIIe) se dérobe derrière la convention du drame sacré pour mettre au jour (plein d’ombre-et-lumière, c’est baroque !) l’étrange, l’extase douloureuse-délicieuse (celle de la Sainte-Thérèse du Bernin à Rome ?), les pièges de la douleur christique, les ambiguïtés du « frottement musical qui nous emmène bien plus loin que la stricte prière à Dieu ».
La douleur et les correspondances dans l’art
Dans ce territoire du sacré, deux partitions essentielles et troublantes. Du premier XVIIe italien, l’Oratorio pour la Semaine Sainte, de Luigi Rossi, une œuvre « d’avant la joie de la Résurrection », baignée de doute et « la tragédie de l’humain, pour dénoncer le monde où règnent l’hypocrisie et le mal, sur tonalités mineures. » On ne l’avait redécouverte qu’il y a un peu plus de 50 ans à la Vaticane de Rome, et le jeune ensemble Orante – des musiciens issus du CNSM de Lyon, 6 chanteurs et 6 instrumentistes – l’exaltera. Moins inconnus désormais, et même franchement assez visités par le public mélomane, les Mystères du Rosaire, de l’autrichien Biber qui dans le 2nd XVIIe sonde avec délectation et imaginaire la douleur christique. C’est (paradoxalement) Les Plaisirs du Parnasse, autour du violoniste David Plantier, qui mène la recherche, tout auréolé de ses récents succès discographiques (œuvres de Paul Westhoff, chez Zig-Zag Territoires). Triade franco-italo-allemande, de Schütz et Bach à Clérambault, Brossard et d’indispensables Leçons de Ténèbres (Charpentier), par Noema de Francis Jacob. Et pour l’Angleterre du XVIIe, qui résonne aussi de plaints et complaints dites par Purcell, Blow ou Dowland (l’Homme des Larmes…), Unisoni, autour de Jean-Paul Bonnevalle, en écho avec des œuvres contemporaines (le baroque est sans frontières gardées…) de Ligeti, Florentz ou Kurtag choisies par le Chœur Britten de Nicole Corti, toujours si attentive aux « correspondances dans l’art ».
La France sera écoutée chez Marin Marais, Robert de Visée, Couperin, Rebel ou Hotteterre grâce aux 6 Américains Latins en escale à Lyon, les Lumine de Renata Duarte. La claveciniste finlandaise Maija Massinen, formée au baroque en Hollande, Allemagne, Suisse et France( CNSM Lyon) va de Couperin (Louis) en J.S.Bach, en transitant chez Froberger pour accentuer le thème Dardilly 2008 : Tombeau de Monsieur Blancheroche, Plainte de Londres pour passer la Melancholie. Enfin, on n’oublie pas qu’ici tous les arts de toutes époques communiquent : les Boréades en proposeront démonstration avec leur partenariat Jean-Philippe Rameau (portraits) – Othon Friesz (1879-1949), un peintre connu surtout pour sa période fauviste, et qui fut justement surnommé « le fauve baroque », rutilant de couleurs et de formes exaltées…
17 èmes Vendredis Baroques de Dardilly (69), Eglise Saint-Claude.
Jeudi 29 mai, jeudi 19 juin, dimanche 22, mardi 24, jeudi 26 à 21h ; samedi 28 juin, 21h et 23h. Ensembles Orante, Lumine, Boréades, Les Plaisirs du Parnasse, Noema, Unisoni, Britten. Informations et réservations : 04 78 47 46 23 ou 06 83 12 92 00 et [email protected]
Illustration: Henry Purcell (DR)