mardi 22 avril 2025

17e Festival de Tarentaise baroque Du 31 juillet au 13 août 2008

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Tarentaise baroque
Du 31 juillet au 13 août 2008

14 concerts entre musique arabo-andalouse et Farinelli. Dans les basses et hautes vallées de la Tarentaise, nombreux sont les sanctuaires d‘art spécifiquement barocco-italien, et depuis 17 ans, le Festival y présente des concerts – généralement doublés – selon des thématiques en lien avec les musiques anciennes. En 2008, les voyages intra-européens sont le fil rouge d’une ambulation entre Renaissance et fin du baroque en Ibérie, Flandres, Angleterre, France et Italie.

Le haut pays des antithèses dorées
Un « plat pays » : il y a le sens brellien de l’image, ou l’hugolien – quand le Grand Victor « écrit sur la vitre d’une fenêtre flamande », il chante « le son inattendu et clair que ferait en s’ouvrant une porte de l’air » -, et là – Flandres post-médiévales, renaissantes et ultérieures -, une musique ancienne serait tout à fait en place, historiquement et esthétiquement. Mais existent aussi des pays platement « réalisés », dotés d’architectures néo-quelque-chose (on recommande avec particulière tendresse la floraison des églises faussement et sèchement ogivales de la fin XIXe !), dont « la conversation est plate comme un trottoir de rue » ( ça, c’est une gentillesse de Flaubert pour son Charles Bovary). Touristes et mélomanes de tous les pays, qui parcourez les « chemins de Tarentaise baroque », songez par antithèse purement baroque à votre chance d’ouïr « in situ » vos musiques préférées : les montagnes – des vallées à torrents bondissants jusqu’aux névés, rochers ou glaciers suspendus, et tout l’étagement intermédiaire, alpages, plateaux, replats herbeux, pierrailles arides -, le langage commun, les couleurs, les dorures, les voûtes et les coupoles des églises et chapelles venus d’Italie avec les temps baroques du XVIIe et du XVIIIe, en somme tout ce qui fait le charme (au sens profond) de ce versant occidental du toit alpin, jadis sous même tutelle monarchique piémontaise.

Purcell avant Carthage, Didon avant Enée

Pour la 17e fois, le Festival dont la capitale à ordinateur central est Moutiers propose ses concerts en sites et bâtiments privilégiés, son principe de redoublement des programmes, son vagabondage culturel qui vous incite à ne plus jamais « bronzer idiot », et sa thématique. Or justement, c’est en 2008 un accent (un coup de projecteur, en bonne esthétique baroque ?) sur l’itinérance historiquement scrutée des artistes d’Europe qui sert de fil argenté à la session. Avec l’idée de jadis et d’aujourd’hui que cette Europe se construisit et s’édifie par « rencontres de compositeurs itinérants qui, de Rome à Tolède, de Venise à Lübeck en passant par Naples, Londres ou Paris, ont confronté leur style et mêlé leurs influences, à l’avant-garde des échanges et de la créativité. »
Et 2008 commence encore très en amont, usant du fonds gallo-romain – qui pré-existe dans la vallée de l’Arc, à Aime notamment – pour proposer une « Invitation à Carthage » laquelle établit un lien préalable entre la belle histoire d’amour antique et sa fulgurante illustration musicale en Angleterre post-elisabéthaine par Purcell. Le spectacle est celui – qui a déjà « tourné » en Rhône-Alpes – imaginé par le patron des Boréades, Pierre Alain Four, et mis en scène par Alain Fornier : « Sur le modèle du mask anglais, alternant musiques et paroles, c’est une forme brève pour conter la véritable vie de Didon, reine de Tyr, jeune veuve décidant de fuir son malheur initial et d’aller fonder à l’ouest une ville qui sera capitale de pouvoir… » La musique de Purcell est donc là, mais la phase des amours de Didon et Enée est remplacée par des extraits de La Tempête, Fairy Queen et l’Ode à la reine Mary. Trois instrumentistes des Boréades et un Chœur de Jeunes du Centre de la Voix Rhône-Alpes, ainsi que la jeune Clara Ognibene – Didon – sont guidés par Marie-Laure Teissèdre dans le labyrinthe amoureux. Le lendemain, et encore à Aime – mais dans la belle basilique romane -, la famille est mise à l’honneur par deux Mauillon (Angélique, la harpiste, Marc, le chanteur), à qui « l’envie est venue de refaire de la musique ensemble, rien que tous les deux » (après des études et des carrières séparées). C’est un programme « philadelphe » auraient dit les anciens Grecs, qui aborde en Italie (Caccini, Peri, Monteverdi, Merula, Frescobaldi) avant de gagner (via les passages alpins ?) la France de Louis XIII et du jeune Louis XIV : les compositeurs sont de lignée musicienne, ou se sont mis au service des princes, dans ce que Marc appelle « des satanées histoires de familles ».

Larmes de Dowland, yeux noirs d’Andalousie
Le périple est ensuite celui des églises et chapelles baroques éclairant les hautes vallées de Tarentaise. Là où soufflent « les vents », cette fois entre Italie et Allemagne, le Batave (Hollandais) Caecilia Ensemble emmène avec ses 4 instrumentistes de Martino Cesare en Johann Rosenmüller, de Storace en Buxtehude.. Puis on devra se croire à Noël, entre angelots et Bébé-Jésus, puisque le Canticum Novum d’Emmanuel Bardon (sept chanteurs, neuf instrumentistes) fait résonner l’art des villancicos et ensaladas nés en Espagne multi-cultu(r)elle de la Renaissance – entre influences des trois religions du Livre -, et transportées à la Cour de Calabre, où le duc aimait ce joyeux brouhaha (« la trulla ») du temps de la Crèche. Encore un mélange de civilisation au XVIIe européen entre air de cour français, song anglais et cantate italienne, là où coulent les larmes de Dowland, se pare de grâces la belle Amarillis de Caccini et rayonne la paisible et ténébreuse nuit de Moulinié, par la voix de Monique Zanetti et les claviers de Jean-Marc Aymes. On retrouvera la harpe d’Angélique Mauillon alliée aux flûtes de Marine Sablonnière, au violon de Benjamin Chénier et à la viole de Hernan Cuadrado en Sesquialtera Ensemble pour goûter les délices de « la bouillonnante musique anglaise du XVIIe » (Locke, Purcell, Lawes, Matteis, Batchelar), y compris dans ses passages difficiles entre faveur aristocratique, rétraction puritaine et diffusion populaire. Puis si Allah et Dieu le veulent bien sans trop de rosée céleste, c’est aux Jardins de Conflans-Albertville qu’aura lieu « sous les étoiles » une belle rencontre européenne avec « la famille de l’Orient » en ses mélodies arabo-andalouses, entre « démarche voluptueuse, épée tranchante, chaconne pour une gazelle, vent de Grenade et yeux noirs… » Une musique troublante et poétique, devenue « méditerranéenne et intemporelle, métissée et improvisée » dans l’art des 8 musiciens de l’Ensemble Aromates. Clôture désormais classique (dans la saga baroque) avec un nouveau portrait du castrat Farinelli, idéal élève de Porpora et psy-clinicien-musicothérapeute de roi espagnol en dérive : les 4 Paladins (Jérôme Corréas, Isabelle Poulenard, Damien Guillon, Annabelle Brey) font visiter Naples avec Scarlatti, Porpora, Durante et Leo. En arrière du Vésuve fumant, demeurent ici tout de même, sous le volcanisme baroque, les sommets jumeaux mais si dissemblables, de Vanoise, la Grande Casse et la Grande Motte…

Festival de Tarentaise baroque. Du 31 juillet au 13 août 2008. Moutiers, Aime et autres (hauts) lieux. 14 concerts. Jeudi 31 juillet, 21h30 ; vendredi 1er août, 21h ; samedi 2, dimanche 3, lundi 4, mardi 5, mercredi 6, jeudi 7, vendredi 8,samedi 9, dimanche 10 à 21h ; lundi 11, 21h30 ; mardi 12, mercredi 13 à 21h. Prélude et rencontre à chaque concert, « in situ » ; circuits-concerts proposant des parcours de découverte autour des thèmes abordés par le festival.

Renseignements et réservations : T. 04 79 38 83 12 et [email protected]

Illustrations: Joueuse de luth par Orazio Gentileschi. Portraits de Henry Purcell et de Johann Rosenmüller (DR)

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