mercredi 23 avril 2025

1959-1963 : Ulysse et Pénélope (Onassis/Callas)

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Feu vocal, silhouette de rêve

Sur la scène de la Scala de Milan, en mai 1955, Maria Callas a non seulement ébloui la salle par son éloquente présence scénique qui en fait une actrice géniale, mais elle a fasciné tout autant par la métamorphose de son propre corps. La jeune femme enveloppée d’hier, a fait la place à une sirène élégante dont la beauté plastique, la dignité royale, le maintien naturel sidèrent et captivent à présent tous ceux qui l’approchent. La plus grande diva est devenue en l’espace de quelques mois une icône glamour et sexy qui ajoute encore à son mythe. En plus d’être la plus grande chanteuse de son temps, La Callas ensorcelle par son magnétisme physique digne des plus grandes stars d’Holywood. A 32 ans, Callas/Traviata est une femme au sommet de sa gloire et de ses possibilités.

1957, Bal à Venise…
La cantatrice qui a domestiqué toutes les scènes lyriques du monde, qui bénéficie du soutien et des encouragements constant d’un mari/impresario (Meneghini ou « Tita ») est prête pour vivre la passion. Non pas sur la scène, mais dans sa vie. Lors d’un bal donné à Venise en son honneur par la journaliste mondaine, Elsa Maxwell, Maria Callas rencontre le riche armateur Aristote Onassis. Immédiatement sans mots dire, les deux « grecs » s’aimantent. Ils sont pourtant mariés tous deux, mais la force de la passion peut déplacer des montagnes… Il ne s’agit tout d’abord que d’œillades discrètes, qui en disent plus long que les banalités mondaines…
Revenue à Milan, Maria chante Leonora dans le Bal Masqué de Verdi (auprès du ténor Giuseppe di Stefano, son partenaire de prédilection). Nouveau triomphe. Puis survient un événement inattendue : fatiguée, indisposée, la plus grande diva du siècle, après le premier acte de Norma, déclare forfait : elle ne chantera plus, après le premier acte, en ce 2 janvier 1958 sur la scène de l’Opéra de Rome. Le scandale est fracassant et la réaction du public, des plus haineuses…. comme à l’égard du ténor Roberto Alagna dans le rôle de Radamès, en décembre 2006. Les chanteurs ne sont pas des machines et chaque représentation vivante est un miracle fragile qui dépend des possibilités physiques du chanteur, fût-il le plus grand!
La ville éternelle lui interdit même de se représenter au théâtre car elle a commis l’irréparable, trahir son public et sa gloire, d’autant que le président de la République italienne était dans la salle. Pourtant la houle passe, et en mai, Milan l’acclame à nouveau.

Eté 1959, passion sur le Christina

Au printemps 1959, Venise à nouveau, est le cadre d’une nouvelle rencontre avec Onassis. Plus d’un an a passé depuis le bal de 1957… l’attraction ne fait que croître. Pendant que les deux « grecs » attisent leur passion naissante, leur moitié respective, Tita et Tina, discutent, comblent les silences qui en disent long… Maria et Aristote refont le monde, se découvrent de nombreuses affinités, leur passé est commun: ils sont tous les deux, des monstres de volonté et de travail. La Grèce est leur patrie de coeur…
Onassis et sa famille (Tina et leurs deux enfants, Alexandre et Christine) suivent Maria Callas à Covent Garden de Londres, pour l’écouter dans Médée, le 17 juin 1959 (un rôle qu’elle reprendra pour le cinéma avec Pasolini, onze années après, en 1970). La soprano a 36 ans: elle rugit, invective, surprend et saisit son public par l’expressivité déployée pour ce nouveau rôle.
A l’été, les Meneghini se rendent sur le yacht Onassis, le « Christina » où ils retrouvent, Greta Garbo et Winston Churchill !
Flambeur, richissime, Onassis collectionne les personnalités. Il adore leur contact voire plus si affinités. Le 22 juillet 1959, le yacht appareille à Monte Carlo… salué par Rainier et la Princesse Grace. Maria Callas semble éblouie par ce monde fastueux et facile, où têtes couronnées, politiques, stars et milliardaires se retrouvent en toute simplicité, comme de bon vieux amis. A bord du Christina, véritable palace flottant, l’idylle Callas/Onassis brûle d’intensité. La croisière d’un luxe inouï dure plus de 15 jours. Devenues femme fatale, la plus grande chanteuse capable de magnétiser par sa voix et sa présence scénique, toute une salle d’opéra met à genoux l’un des plus riches armateurs de l’époque, qui a fait fortune en constituant une flotte de pétroliers. Au large des îles grecs, en mer Egée, l’Ulysse richissime et Maria la chanteuse se déclarent leur flamme : le sort en est jeté et le pauvre Meneghini, qui n’a pas le charme, les moyens ni le charisme d’Onassis, ne peut que s’incliner. Début août, les Meneghini retrouve leur villa de Sirmione, au bord du lac de Garde. Mais leur entente affectueuse n’a pas résisté à l’ouragan Onassis. Maria/Pénélope qui attend son nouvel Ulysse, quitte le foyer conjugal pour suivre Onassis venu la chercher…

1959-1963: Maria Pénélope

Dès lors dans le cœur de Callas, « Ari » a remplacé Tita. Si la cantatrice chante en septembre 1959 à Milan, La Gioconda (sous la direction de Tullio Serafin), un rôle qui l’avait révélée, douze années auparavant aux Arènes de Vérone, l’artiste met de côté sa carrière pour vivre pleinement sa nouvelle vie de femme. Le 8 septembre, elle officialise sa rupture avec Meneghini (leur divorce sera prononcé le 14 novembre suivant). Ses prestations se font de plus en plus rares. Enivrée par cette passion dont elle a chanté l’ivresse sur la scène, Maria Callas se livre corps et âme à son nouvel amour. Entretemps, la révélation de l’union Callas/Onassis à présent à la Une de toute la presse, défraie la chronique. L’attente et le désir de Maria sont d’autant plus dévorants qu’Onassis se sépare aussi de son épouse, Tina. Libres, les deux amants peuvent s’afficher librement. En 1960, elle attend une demande en mariage… qui ne vient pas. Pour Onassis, elle a mis de côté sa carrière et n’accepte en toute et pour tout que sept représentations pour toute l’année dont Poliuto de Donizetti en décembre.
La diva de plus en plus rare sur scène, s’est installée à Paris, dans un bel appartement de l’avenue Foch. Son art connaît le silence. La chanteuse s’est peu à peu éteinte : plus de désir de chanter, feindre la passion amoureuse sur les scènes du monde entier ne l’intéresse plus. Maria entend se consacrer au seul rôle de sa vie qui lui importe à présent: être une épouse et une mère comblée. Jusqu’en 1963, ses engagements se réduisent à peau de chagrin. Années sombres pour l’enregistrement et la vie musicale et lyrique… mais Maria a choisi de vivre sa vie de femme. A 40 ans, elle n’aspire qu’à cultiver l’amour de l’homme qu’elle aime. Lequel pourtant se montre de plus en plus absent, et plus inquiétant, séducteur d’autres femmes…
Heureusement, grâce à l’intervention et l’insistance de son agent Michel Glotz, la cantatrice accepte d’enregistrer quelques albums dédiés à l’opéra français, en 1963, salle Wagram à Paris, préparés avec Janine Reiss (qui restera une amie fidèle), dont le rôle de Carmen, pour lequel la femme amoureuse offre l’intensité ardente de sa féminité épanouie. Georges Prêtre dirige.

Crédits photographiques
(1) Maria Callas (DR)
(2) Maria Callas et Aristote Onassis sur le Christina (DR)
(3) Maria Callas et Aristote Onassis (DR)

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