jeudi 24 avril 2025

28ème Festival d’Ambronay (01): « Music for a while »Du 14 septembre au 14 octobre 2007

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28 ème Festival d’Ambronay (01).
« Music for a while »
Du 14 septembre au 14 octobre 2007
32 concerts à l’Abbatiale d’Ambronay
et dans d’autres lieux de l’Ain

De Rembrandt à Rubens
Ambronay, 28e : et
on se tourne vers le nord-ouest de l’Europe. Il est vrai que les
musiques du temps baroques ont une réputation plutôt méridionale, car
elles sont souvent filles de la Contre-Réforme catholique et des
décisions du Concile de Trente, après le milieu du XVI ème siècle. Dans
la grande déchirure du monde chrétien entre l’Eglise de Rome et les
réformés de Luther et Calvin, les catholiques avaient choisi
l’ostentation et la théâtralisation par des images visuelles et
sonores. Le dépouillement et la méditation du texte sacré revenant
ainsi, à ceux qui protestaient contre cette trahison de la foi. La
peinture du XVII ème siècle symbolise ainsi une flagrante antithèse
entre la Hollande septentrionale, pudique et austère de Rembrandt et la
Flandre méridionale, flamboyante et sensuelle de Rubens…En musique, on
admettra au contraire que les choses sont plus complexes ou
fluctuantes, tout au long de ces deux siècles et demi, et selon la
cartographie religieuse…

Anglicans et catholiques

Ambronay 2007 tente donc d’y voir plus clair, « la nuance et la
surprise jouant un grand rôle, et là on ne les attendait pas, croyant
les affaires classées », en cette Angleterre renaissante et baroque. A
priori, on y évoquerait d’emblée des compositeurs tout voués à la
célébration réformée de l’anglicanisme, cette variante fort
politico-monarchiste de la rupture avec Rome. Mais le déroulement même
de l’Histoire, hanté de querelles, de conflits, de guerres privées,
familiales ou nationales et publiques, et de retournements dramatiques,
appelle un regard attentif et souvent dérouté. Le (double) Siècle d’Or
de la musique anglaise a des allures aussi changeantes qu’un ciel
atlantique. Sait-on bien, ainsi, qu’au XVII ème un compositeur
« catholique et anglais toujours » préféra s’expatrier sur le continent
vers les pays de sa foi religieuse, en Italie, Flandre, Espagne ou
France : ce Peter Philips, la Cappella Mediterranea de Leonardo Garcia
Alarcon nous en trace un surprenant portrait. A l’inverse, il faut se
rappeler le conciliant Thomas Tallis, serviteur tour à tour de
l’anglicanisme, du catholicisme, et encore de l’anglicanisme :
n’introduisit-il pas l’acrobatie polyphonique du motet à 40 voix
réelles ? Connaît-on vraiment la musique écossaise du XVIe et son
compositeur le plus illustre, Robert Carver, qui pratiquait la
polymodalité ? Ici le Ludis Modalis de Bruno Boterf nous en fera
découvrir les subtilités. Ou, plus tôt encore : dans le si tourmenté
XVe – l’ultime du Moyen-Age -, John Dunstable fut « prince de la
musique, mathématicien et astronome » : le groupe lyonnais Musica Nova
(Lucien Kandel), entendu cet été au Festival de Tarentaise, démontre la
complexité de cette œuvre d’humaniste, au temps où les fonctions de la
science, de la mathématique et de l’art étaient inséparables. Et
comment oublier l’irrésistible Captain Tobias Hume, aux humeurs
changeantes et à l’imagination itinérante – un Descartes, soldat comme
le fut d’aventure(s) le philosophe français – : un double du cher Jordi
Savall, qui le joue comme personne, et qui sera fêté en 20e
anniversaire de présence à Ambronay…

Campagnes et brumes du nord

Au milieu, bien sûr, de plus connus – mais peut-être davantage en
Angleterre que par chez nous. Tallis, Weekles, Gibbons, Blow ou Byrd et
quelques autres nous sont contés par le Chœur du Festival que dirige
Graham O’Reilly, conseiller artistique de cette session anglaise. On
sera également sensible à l’antithèse campagne-ville dans les
melting-pot des « Cris de Londres » (Sacqueboutiers de Toulouse),
repris par l’Ars Nova (Risto Joost) dans un « Vent d’ouest » qui
introduit aussi Taverner, Tye et Parsons. Et là, soyons honnête,
avez-vous bien dans l’oreille le Chant du Harpiste…irlandais, Turlough
O’Carolan, que le Concert de l’Hostel-Dieu (F.E.Comte) nous propose ?
On n’aura pourtant pas le masochisme d’ »oublier » le génie éclatant de
Purcell. On l’écoutera ici dans la célébration glorieuse puis mortuaire
de la Reine Mary (La Fenice, Jean Tubéry). Et dans son chef d’œuvre
opératique, court et brûlant, Didon et Enée, qui est donné en «baroque
alternatif » avec des échos instrumentaux méditerranéens, des voix
dirigées par Marie-Laure Teyssèdre et mis en scène par André Fornier,
et avec Majdouline Zerari dans le rôle de la reine tragique). On ne
fera pas davantage l’impasse sur le plus Anglais des adoptés, ce
Haendel saxon-italien dont Le Messie tant aimé fera battre les cœurs
grâce à l’Arsys de Bourgogne et à Pierre Cao. Et en allant « plus
haut », à travers les brumes des mers du Nord, on rencontrera encore
des baroques scandinaves (Palschau, Agrell, et surtout J.A.Roman), avec
le Concerto Copenhagen de L.U.Mortensen. Et c’est dans une bibliothèque
de Stockholm qu’on a retrouvé une Messe du Français J.A.Dénoyé, un
inédit qui nous sera restitué par Martin Gester et son Parlement de
Musique.

Du Grand Will à Buxtehude, via l’été indien

Baroque anglais, vous avez le droit d’interroger : et Shakespeare ?
Ambronay y a évidemment pensé, et même ouvre sur la place devant
l’abbatiale un « Théâtre du Globe », chapiteau sous lequel on entendra
des Witches (sorcières instrumentales) , « entre poésie intense et
ivresse de la danse », un atelier de percussions (Henri-Charles
Caget), le Carolan’s Dream, de l’Irisch Pub, des dialogues pour
« passeurs de mémoire », de la cornemuse galicienne (Susanna Seivane),
un atelier pour les récits de voyages des Terre-Neuvas. Sans compter le
retour en abbatiale avec les musiques de scène du Grand Will écrites
par Locke et Purcell. A l’inverse, les « Z’Arts Flo » de William
Christie vont dans le XVIIe français, austère (M.A.Charpentier) et
chatoyant (Lulli). L’Académie Baroque Européenne, expérience
pédagogique depuis longtemps mise en œuvre par Ambronay, se confie
cette année à Hervé Niquet pour le Carnaval et la Folie de Destouches.
Gustav Leohnardt a carte blanche pour nous enchanter. L.G. Alarcon –
disciple de Gabriel Garrido – redevient claveciniste pour jouer les
Suites…Anglais de Bach. Le rayonnant Ton Koopman et son Baroque
Amsterdam rendent les honneurs à Buxtehude ( 300 ème anniversaire de la
mort). Bref, bien des « moments de magie festive, le temps d’un été
(qu’on espère) indien »….

Concerts du 14 septembre au 14 octobre 2007. Informations et réservations: 04 74 38 74 04 ou www.ambronay.org »

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