Annonce. Tourcoing: nouvelle production de Pelléas et Debussy par Jean-Claude Malgoire. 19,21, 23 avril 2015. Défricheur constant et surprenant, Jean-Claude Malgoire ne cesse de prouver la justesse d’une intuition qui fait défaut ailleurs. Il est même étonnant que le fondateur de L’Atelier lyrique de Tourcoing défende avec toujours autant d’énergie et de cohérence une programmation aussi éclectique et pourtant exemplairement équilibrée : la baroque, le classique, le romantisme… le défrichement et les œuvres du répertoire… le maestro jongle avec les esthétiques ; la saison dernière, il nous régalait de l’opéra orientaliste et humaniste d’après Chateaubriant : Aben Hamet de Théodore Dubois… rare offrande lyrique mélodiquement savoureuse dont il avait restitué la parure orchestrale.
En avril 2015, voici un nouveau défi propre à l’opéra français à la fois résolument moderne et symboliste, Pelléas et Melisande de Debussy (1902). Pour éclairer les enjeux de l’ouvrage, le chef a su comme toujours s’entourer d’une équipe choisie de solistes : la subtile Sabine Deviehle y chante sa première Mélisande; prise de rôle aussi pour le baryton Alain Buet : il incarne le jaloux et déchirant Golaud; et hier Aben Hamet, le baryton Guillaume Andrieux chante Pelléas.
Guillaume Andrieux (Pelléas) et Sabine Devielhe (Mélisande) : deux interprètes fins et subtils qui font à Tourcoing deux formidables prises de rôles (© CLASSIQUENEWS.COM)
Aux résonances régénérées de l’orchestre réunissant selon le voeu du maestro, que des instruments d’époque, répond la mise en scène claire et limpide de Christian Schiaretti qui en homme de théâtre fait souffler dans la succession des tableaux, un rythme « shakespearien », proche du verbe et du séquançage des tableaux. Il en résulte une épure symboliste sans « bruits visuels » qui reste concentrée sur l’articulation énigmatique du verbe. Maestro et metteur en scène ont retiré les intermèdes symphoniques les plus tardifs pour rétablir la version originale, celle du premier projet de 1898. Le profil de chaque personnage comme la tension des situations en gagnent une intensité nouvelle.
D’autant que Christian Schiaretti rétablit la place des servantes de scène dont il fait des figures permanentes (sirènes noires émergeant de l’ombre, filles sœurs discrètes mais agissantes, ou Parques tissant le fil des destinées…). Elles assurent la fluidité des enchaînements, réalisent le symbolisme de la partition, jouent avant la dernière scène (celle de la mort de Mélisande), une séquence purement théâtrale provenant de la pièce originale de Maeterlinck (et que Debussy n’avait pas mise en musique) : le texte du dramaturge éclaire davantage l’atmosphère étouffante d’Allemonde et le secret qui enserre ses habitants…
Alain Buet incarne Golaud, le beau frère de Pelléas, époux maladivement jaloux, vrai pilier du drame et pour le baryton français, prise de rôle exemplaire (© CLASSIQUENEWS.TV 2015 : ici avec l’Yniold de Lillana Faraon). La présence du théâtre, le choix des solistes, l’activité spécifique de l’orchestre font un Pelléas captivant à Tourcoing, nouvel événement lyrique d’avril 2015.
A Tourcoing, théâtre municipal Raymond Devos, les 19, 21, 23 avril 2015.
Illustrations : Pelléas et Mélisande de Debussy par l’Atelier lyrique de Tourcoing ©CLASSIQUENEWS.TV 2015