CD événement, annonce. Pergolesi / Pergolèse : ADRIANO IN SIRIA, 1734 (Fagioli, Adamus, 2015). Opéra de jeunesse, seria captivant… Avant Mozart et Schubert, Pergolesi / Pergolèse incarne la figure mythique du génie fauché trop tôt : le napolitain né en 1710 (en réalité né à Jesi dans le sud italien), le compositeur réalise comme compositeur à peine une décennie, avant d’être emporté par la tuberculose à l’âge canonique de … 26 ans (1736). Deux pièces majeures lui permettent d’être encore aujourd’hui vénéré tel un astre atypique inclassable d’une prodigieuse maturité : La Serva Padrona (1733) et le sublime Stabat Mater, véritable testament artistique et spirituel, achevé juste avant de s’éteindre.
La vitalité fulgurante du jeune compositeur se révèle aussi dans son opéra seria Adriano in Siria, le 3ème des 4 ouvrages lyriques que Pergolèse eut le temps de composer : Adriano est créé au Teatro San Bartolomeo le 25 octobre 1734, dans une Naples qui jusque là sous domination autrichienne, vient d’accueillir les Bourbons d’Espagne, surtout le fils ainé de Felipe V, Charles (18 ans), comme son libérateur, le 10 mai 1734. La partition célèbre les Bourbons d’Espagne et en particulier la mère du monarque nouvellement adoubé à Naples, Elisabetta Farnese, grande mélomane dont on fête alors les 42 ans.
A travers Hadrien en Syrie, Pergolesi encense le jeune Carlos à Naples : l’entrée victorieuse des armées au début de l’opéra évoque l’entrée triomphale du jeune Charles à Naples; parallèle célébrait et positif permis par le prétexte antique, que le livret de Mestastase inscrit parfaitement dans l’esthétique des Lumières : apothéose du monarque en place, doué des milles vertus, lesquelles se révèlent – après avatars et péripéties du drame-, en fin d’action. En réalité, le jeuen monarque était plus passionné de chasse que d’art, et il piqua du nez à maintes reprises pendant la création d’Adriano. Mais Charles sut témoigner son enthousiasme d’autant qu’il adorait sa mère ainsi fêtée : la première fut donc un succès politique et artistique, en particulier grâce aux interprètes invités pour la défendre.
Ainsi le castrat mezzo-soprano Gaetano Majorano, dit « Caffarelli » (adulé par Haendel), incarnant le rôle écrasant de Farnaspe : c’est Franco Fagioli qui reprend le flambeau dans l’enregistrement Decca.
Pour plaire aux caprices du castrat vedette, le jeune Pergolesi adapta le livret de Metastase. Il écrivit une partie destinée à faire briller le chanteur aux mélisses spectaculaires, alliant cantabile langoureux et notes suraiguës répétées à l’envi, grâce à une technique époustouflante. Dans le rôle d’Emirena, la soprano (obèse) Maria Giustina Turcotti ; dans celui de Sabina, la fiancée patiente d’Hadrien : la soprano Catterina Fumagalli; c’est le rôle le mieux brossé, fine profond : un vrai défi pour toute cantatrice désirant réussir l’agilité technique et la coloration émotionnelle de son personnage. Même la partie du ténor, habituellement « expédiée » (sur le plan du nombre d’airs comme dans l’écriture psychologique du personnage) : Osroa, est subtilement traitée. Une profondeur inédite traverse la plupart des caractères qui touchent ici par leur profondeur et leur vérité.
CD, événement : PERGOLESI / PERGOLESE, ADRIANO IN SIRIA, 1734. Avec Franco Fagioli… Enregistrement réalisé en août 2015 à Cracovie (Pologne). Le public français a pu mesurer la qualité d’une partition saisissante par sa virtuosité et la profondeur des portraits musicaux lors d’une représentation de l’opéra en version de concert à Versailles en décembre 2015. Parution annoncée : le 4 novembre 2016. Prochaine grande critique dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com
Illustration : portrait de Pergolèse (DR)