Giuseppe Verdi
La Traviata , 1853
Du 16 juin au 12 juillet
Palais, Opéra Garnier
Direction musicale: Sylvain Cambreling. Mise en scène: Christophe Marthaler. Avec Christine Schäfer, Jonas Kaufmann. Nouvelle production
Du 23 juillet au 10 août 2007
Lyrique en mer, Belle-île-en-Mer
Citadelle Vauban
Du 27 juillet au 16 août 2007
Festival de Saint-Céré
Château de Castelnau
Direction musicale: Dominique Trottein. Mise en scène: Olivier Desbordes. Avec Isabelle Philippe, Andrea Giovannini
Opéra en trois actes. Livret de Francesco Maria Piave d’après La Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas fils. Création: Venise, Teatro La Fenice, le 6 mars 1853. Version révisée:Venise, Teatro San Benedetto, 6 mai 1854
Un sujet scandaleux
Au moment de sa création, le 6 mars 1853 à La Fenice de Venise, La Traviata suscite la désapprobation du parterre. Les chanteurs n’ont guère été à la hauteur. La corpulence de Fanny Salvini-Donatelli incarne une Violetta bien peu crédible… Mais le sujet est plus à critiquer: la scène noble de l’opéra ne doit pas accepter de représenter la vie scandaleuse d’une femme sans morale. C’est que le jeune Alfredo Germont en s’éprenant de la Courtisane met en péril l’honneur de sa famille. Germont père demande alors à Violetta de rompre sans donner d’explication. Dans une salle de jeux, Alfredo qui se sent trahi, humilie son ancienne maîtresse sans connaître la grandeur de son sacrifice.
Mais son père prend la défense de Violetta qui mourra terriblement malade.
Verdi imagine, fidèle au texte de Dumas fils, le Paris des années 1850. De son vrai nom, Alphonsine Plessis, célèbre prostituée, devient l’ambassadrice de charme des soirées fines de la capitale. Sa chute est aussi fulgurante que son ascension sociale: la jeune femme meurt à 20 ans, ruinée, accablée par la phtisie. Le roman de Dumas fils qui fut l’amant de l’héroïne, paraît en 1848. La pièce de théâtre sera créée en 1852. Entre temps, Alphonsine, était devenue Marguerite Gautier, la Dame aux camélias.
Le chorégraphe John Neumeier a écrit un ballet sur le sujet, en associant à l’histoire d’Armand et de Marguerite, celle de Manon et de Des Grieux, le couple imaginé par l’Abbé Prévost, avec la musique de Frédéric Chopin. Lire notre critique du dvd la Dame aux Camélias par John Neumeier.
Sacrifice pudique d’une pêcheresse
Verdi et Piave semblent insister sur l’hypocrisie et la cruauté d’une société étouffée par d’apparentes bienséances, incarnée par l’inflexible Germont père. En Violetta, ils illustrent le statut des femmes, soumises, victimes sacrificielles. Plus grave, si la demi-mondaine accepte de sacrifier l’amour pur que lui voue Armand, elle trouve assez d’énergie pour retrouver le milieu parisien qu’elle a connu. C’est donc une femme libre, et par ce côté, téméraire: maîtresse de son destin, donc dangereuse.
Pourtant, Violetta qui a fait commerce de ses charmes, doit payer pour ses fautes. Pêcheresse, elle accepte donc d’expier: sa rupture avec Armand est un premier don; sa mort, sera le second, l’ultime, salvateur. En définitive, celle que l’on nommait « Traviata » (dévoyée), retrouve le juste chemin, morale oblige, en fin d’action.
Comme il l’avait fait dans Rigoletto (1851), Verdi s’économise. Place aux sentiments intimes, nuancés, voire mesurés. Plus d’airs ni de cabalettes, de faire valoir d’une virtuosité vocale individuelle. Le compositeur, en dramaturge, fusionne expression des sentiments et action. Maître des contrastes, il cible la vérité humaine dans son éloquente grandeur et dans sa triste condition: l’ouverture est déjà une mise en bière, que rompt, comme dans un songe funèbre, les éclats d’une fête galante. De sorte que La Traviata peut aussi être représentée comme le rêve éveillé d’une condamnée. La fresque sociale approche souvent le macabre et l’ironie acerbe. Profonde solitude et incompréhension, tout n’est que paraître et hypocrisie. Seul l’amour juvénile qu’éprouve Alfredo pour Violetta est le miracle de l’histoire, mais il est sacrifié sans délai ni négociation au nom de la morale sociale. La Traviata est comme Rigoletto, un opéra tragique.
Illustration
Ingres, Baigneuse