mercredi 23 avril 2025

Christian Chamorel, piano. Premier cd Liszt (Gallo), Entretien

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Christian Chamorel,
piano

Classiquenews.com défend avec passion les premiers disques des jeunes interprètes. Surtout lorsqu’il s’agit de réalisations qui portent outre la sensibilité du musicien, la promesse d’un tempérament saisissant pas son autorité et son élégance. Un premier disque est une déclaration d’intention, un acte volontaire de démonstration qui sans être ni trop virtuose ni trop énigmatique, doit simplement convaincre et émouvoir. C’est un rite de passage qui distingue désormais l’apprenti-écolier du nouvel interprète, un moment clé qui amorce la carrière, où l’exécutant scolaire, apte à voler de ses propres ailes, franchit le seuil de la maturité pour s’approprier un répertoire.
Nous avons ainsi suivi et révélé les premiers disques des pianistes Delphine Lizé, David Fray… S’agissant de Christian Chamorel, né en 1979, totalement inconnu dans le paysage français, -sauf peut-être des spectateurs du festival des Serres d’Auteuil 2006 où il donna son premier récital hexagonal-, le sentiment d’écouter un son neuf, entier, déjà abouti et riche de futurs accomplissements, est tout aussi évident.
Dans son premier disque dédié à Liszt, le pianiste originaire de Lausanne s’attaque à forte partie. Malgré des conditions d’enregistrements « difficiles » (lire notre entretien avec Christian Chamorel ci-après), le jeu du musicien tout en déployant la palette généreuse et architecturée de Liszt, sait écouter par interstices, les climats fantastiques et mystiques, l’ivresse intérieure des partitions choisies (Sonetto 104 del Petrarca, La Leggierezza). Christian Chamorel souhaite d’ailleurs cultiver son expérience de l’accompagnement du lied, approfondie auprès d’Helmut Deutsch. Celui qui fut aussi, l’élève de Gerhard Oppitz à Munich, et plus récemment d’Homero Francesch, répond à nos questions, au moment où vient de paraître son récital Franz Liszt chez Gallo.

Entretien avec Christian Chamorel
Pouvez vous nous préciser en quelques dates votre parcours et votre formation?
Etudes professionnelles dès 12 ans au conservatoire de Lausanne, de 1992 à 1997, puis poursuite de ces études à la Musikhochschule de Munich avec Gerhard Oppitz jusqu’en 2004. Pratique de la musique de chambre et de l’accompagnement du Lied avec Helmut Deutsch. Après l’obtention du diplôme de soliste en 2004, j’ai pu me perfectionner à la Musikhochschule de Zurich avec Homero Francesch, où j’ai obtenu un deuxième diplôme de soliste en 2006.

Sonorité, articulation… Quels aspects du jeu pianistique vous « habitent » le plus?
Je dirais que les aspects du jeu pianistique qui m’intéressent le plus varient suivant le répertoire. Ainsi, Chopin et les Français du début du 20ème siècle me poussent toujours à affiner la palette sonore, à soigner avant tout l’aspect plastique du jeu. En revanche, les classiques viennois, Schubert y compris, m’incitent à chercher le timing adéquat, la mise en valeur de la structure par un jeu organisé et à l’agogique conséquente. Chez Liszt ou Schumann, ces deux éléments sont réunis…

Quels compositeurs vous permettent de mettre en pratique et de travailler ce qui vous inspire le plus? Vos musiciens préférés?
C’est un peu le prolongement de la question précédente. Je crois avoir plus d’affinités avec les « architectes » (Liszt, Brahms, voire Schumann où l’intensité expressive fait parfois office de structure) qu’avec les « esthètes » comme Chopin et Debussy. Mozart aussi a toujours été un pilier. Mais ce sont ses opéras dont je suis amoureux. Selon moi, mêmes ses Concertos pour piano et sa musique de chambre la plus raffinée n’atteignent pas tout à fait leur niveau…

Pourquoi un premier disque Liszt? Comment s’est déroulée la sélection des partitions, d’après quels critères?

Liszt s’est imposé par élimination, en quelque sorte. Les conditions d’enregistrements étaient difficiles. Peu de temps à disposition, et un piano que j’aurais réglé fort différemment…Dans un tel contexte, un programme baroque ou classique, où chaque défaillance, chaque irrégularité peut compromettre l’ensemble, aurait été une erreur. Le pianisme de Liszt est plus généreux, la dramaturgie de son écriture plus évidente – elle a presque un côté désinhibant. Bref, si l’on maîtrise bien sûr le vaste spectre de difficultés techniques, moins de risques de faux pas!

Quel serait votre projet le plus cher dans les prochaines années?

Je souhaite tout simplement faire reconnaître mes qualités et pouvoir m’exprimer le plus et le mieux possible. En plus d’une activité de concertiste, la musique de chambre et le Lied sont deux domaines que je voudrais particulièrement soigner avec des partenaires qui me comprennent et m’enrichissent…

Quels seraient les pianistes dont vous aimez particulièrement le jeu et pourquoi?

J’ai toujours eu plus de sympathie pour les « intellectuels » du piano comme Brendel que pour les « instinctifs ». Lorsqu’une interprétation est pensée en terme d’architecture et de progression dramatique, avec un sens naturel de la respiration des phrases et de leur interaction, je suis conquis. Mais je dois ajouter que j’écoute en ce moment beaucoup plus de musique vocale que de piano. Il y a dans le timbre d’une voix un élément de jouissance et de fascination qu’on ne retrouve au piano que par des chemins détournés…

Propos recueillis par Alexandre Pham, en juin 2007.

3 dates clé de la carrière de Christian Chamorel

Octobre 2004
Début du travail avec Homero Francesch. Ce merveilleux pianiste et pédagogue sud-américain est réputé dans un cercle d' »insiders », mais il mériterait de jouir d’une popularité plus grande encore. C’est incontestablement ma plus grande influence artistique à ce jour. En plus d’une connaissance à la fois vaste et intime du répertoire, il m’a fait comprendre plusieurs vérités sur le développement artistique…

6 juin 2005
Enregistrement de Lieder de Beethoven à Londres (pour la radio BBC) avec Ruth Ziesak et Christian Gerhaher – deux magnifiques interprètes du Lied. Une expérience brève mais intense qui a consolidé mon amour de la voix. Ces Lieder semblaient plutôt anodins sur le papier, mais ce que Ruth Ziesak en a fait était merveilleux. Lorsque l’intelligence musicale s’allie à la beauté du timbre, le ciel s’ouvre…

Septembre 2006
Un beau concert aux « Serres d’Auteuil » près de Paris. Un cadre magnifique, un public attentif et chaleureux, l’impression d’une communion… C’est ce genre d’expérience qui donne envie de persévérer…

CD
Christian Chamorel: Franz Liszt (1 cd Gallo, 2005)
Après une lecture de Dante fait valoir malgré l’intensité harmonique, la gestion du souffle, la clarté du jeu et sa transparence liquide, une lecture chantante et fluide qui maîtrise les passages entre chaque épisode. L’agilité digitale douée d’un vrai sens de l’articulation se transmet aussi à la main gauche: le chant lugubre et souterrain renouvelle l’activité du jeu. Christian Chamorel traverse la multiplicité des paysages avec un admirable sens de la correspondance des parties et de l’unité de la « Fantasia quasi sonata ». L’interprète démontre une semblable affinité, qui se fait ivresse amoureuse dans la Sonetto 104 del Petrarca. Il convoque une houle hallucinée (en hommage à Chopin) dans Funérailles et sa sensibilité murmurée et liquide s’affirme pleinement dans La Leggierezza…

Visitez le site de Christian Chamorel

Crédits photographiques
© Christian Chamorel

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