mercredi 23 avril 2025

Charles Mellin (1598-1649), peintre baroqueExposition. Nancy, Caen. Jusqu’au 31 décembre 2007

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Charles Mellin
, exposition
Nancy, Musée des Beaux-Arts. Du 4 mai au 27 août 2007.
Caen, Musée des Beaux Arts. Du 21 septembre au 31 décembre 2007

La sensualité baroque d’un grand maître français du XVII ème siècle s’expose pour l’été à Nancy, avant de faire escale jusqu’à la fin 2007 à Caen. Comme Georges de La Tour, Charles Mellin (1598-1649) est originaire de Lorraine et comme son contemporain, il est totalement tiré de l’oubli. Mais au ténébrisme spirituel du premier, répondent l’éclat de la couleur et la souplesse dynamique du dessin du second. Apparemment peu influencé par le Caravage (le créateur du réalisme et du clair-obscur), Mellin passe sa carrière en Italie, comme Poussin dont il ne dépasse cependant pas le génie. C’est un peintre lumineux et généreux dont les sujets ambitieux attestent d’une main experte dans le style décoratif romain des années 1630.

Suiveur de Poussin? Pas que cela…

Car il ne faut pas s’arrêter à cette comparaison finalement hasardeuse lancée par Doris Wild pour laquelle Mellin ne serait qu’un « suiveur de Poussin ». Erreur tragique ou réductrice. Et l’expostion nous le montre parfaitement. Certes, nombre de dessins de Charles Mellin sont à s’y tromper très proches de la manière suave et fluide du Maître du Pincio (Poussin)… mais la proximité doit s’arrêter là car l’invention dont fait preuve Mellin dans ses tableaux achevés, révèle un maître des dispositions, alliant la séduction chromatique à la rigueur des compositions.

Contemporains et même rivaux

Car Mellin emporte la commande de la décoration de la Chapelle de la Vierge pour Saint-Louis des Français, devant… Poussin et Lanfranco. C’est dire la reconnaissance de son talent dès son arrivée à Rome. Et même Poussin « imite » la manière de Mellin pour l’un de ses tableaux, le Martyre de Saint Erasme au Vatican…
En définitive, c’est un maître doué d’une vision puissante et originale, qui se montre aussi perméable au style de Simon Vouet (ample et suave) qui fut son premier professeur.

Virtuose polymorphe, entre Rome et Naples
Maître du dessin et de la couleur auprès des fils du marquis Muti Papazzurri, Mellin nous laisse tout d’abord la preuve de son évidente assimilation de la manière de Simon Vouet. Mouvement et ductilité des drapés, audaces caressantes des couleurs, comme l’affirme son Apollon (collection particulière). A Caen, Charles Mellin retrouve sa Lapidation de Saint-Etienne (attribué par Jacques Thuillier à « Pierre » Mellin): le mouvement de la composition, l’audace (parfois confuse. C’est là que la différence avec Poussin se mesure) des attitudes confirment cette nouvelle attribution.
L’attrait de l’exposition, conduite sous le discernement scientifique et critique de son commissaire, Philippe Malgouyres, réévalue chaque ouvrage. Il s’agit aussi d’évoquer des ensembles essentiels, malheureusement détruits tels la décoration du choeur de l’abbatiale de Monte-Cassino, ou le décor de la Chapelle du Palais Royal de Naples…
Dans sa maturité, l’artiste se dévoile encore sous d’autres influences. Fixé à Naples, il semble même y redécouvrir le style caravagesque qu’il n’avait pas semblé « assimiler » auparavant…
Pareil à Poussin, la virtuosité du dessinateur, au travers des nombreuses sanguines, est judicieusement analysée. Mais beaucoup d’exemplaires restent encore à identifier pour composer un catalogue sûr. L’art « mellinesque » semble infiniment plus subtil et nuancé qu’on a bien voulu l’écrire. L’exposition magistrale par son ouverture d’esprit, qui tente pour la première fois, une compréhension habile et générale de l’oeuvre, aborde aussi le cercle des peintres visiblement sous influence. Ainsi la figure de Nicolas Labbé se précise-t-elle, comme disciple de Mellin.
Sans égaler l’étoile romaine qui reste évidemment Nicolas Poussin, natif comme notre peintre de France, l’art de Charles Mellin mérite assurément cette première « explication » par l’image. La science des couleurs comme l’énergie des compositions, l’aisance évidente du dessin qui le place très près, aux cotés de Poussin, confirment l’autorité artistique de son métier. Souvent, l’idée première du sujet gagne sous la plume du peintre, tension, équilibre, force, avant que l’artiste ne prenne le pinceau pour exprimer dans la couleur la disposition arrêtée. Qu’il ait été tenté par les grands créateurs de son époque, mêlant l’art classique de Nicolas Poussin, l’éloge de la matière de Simon Vouet, la suavité vaporeuse des Bolonais (Lanfranco et Dominiquin), Charles Mellin, à la croisée des chemins, se dresse tel un nouveau repère dans le paysage baroque italien. Comme pour mieux dissoudre les lignes et renforcer la combinaison des manières, Mellin signait  » de Lorraine », nouvelle ambiguïté jetée vers son autre contemporain, Claude Le Lorrain… pourtant paysagiste, ce que Charles n’était pas. C’est pourtant bien un réquisitoire, identifiant sous un nom, un groupe homogène d’oeuvres magnifiques, auquel nous convie l’exposition itinérante de 2007.
Le visiteur de l’exposition, désireux d’en savoir davantage, se reportera au catalogue, rédigé par le commissaire de l’exposition, Philippe Malgouyre (éditions Somogy).

Nancy, Musée des Beaux Arts, jusqu’au 27 août 2007.
3, place Stanislas, 54000 Nancy. Téléphone : 03 83 85 30 72. Ouvert tous les jours, de 10 h à 18 h, sauf le mardi. Entrée : 6 euros, tarif réduit : 4 euros.
Caen, Musée des Beaux-Arts. A partir du 21 septembre 2007, jusqu’au 31 décembre 2007.

Lire

Charles Mellin, « un lorrain entre Rome et Naples« . Somogy, Editions d’art. 328 pages, 45 euros. Catalogue de l’exposition. A la différence de l’exposition, tous les tableaux ou chantiers actuellement attribués au « Lorrain de Rome et de Naples », y sont superbement reproduits, permettant au regard du texte, de passionnantes découvertes picturales sur l’évolution du style de Charles Mellin (1598-1649). Pierre Rosenberg démêle ce qui est propre à Poussin de ce qui l’est à Mellin. Le contexte romain à l’époque où le peintre commence son oeuvre, est précisé. Comme nous l’avons dit, tous les tableaux et dessins exposés sont reproduits fidèlement, dont en particulier la dernière oeuvre, caravagesque, récemment découverte, achetée par le Louvre: le Portrait d’un jeune homme dont la mise austère et espagnole, pourrait identifier un romain hispanophile, vers 1625… La facture est aussi passionnante: elle démontre l’influence de Caravage vers 1625/1627, offrant une autre facette de l’art pluriel d’un artiste immensément doué.

Approfondir
Lire notre analyse du tableau allégorique à la gloire de la famille Barberini et du pape Urbain VIII, où Charles Mellin a représenté au centre de sa compostion, une joueuse de théorbe qui pourrait être l’incarnation de la Musique
La Paix et les Arts de Charles Mellin, analyse.

Crédits photographiques
(1) La Sainte-Famille avec le petit Saint-Jean (coll. part.) (DR)
(2) Apollon (coll. part) (DR)
(3) La lapidation de Saint-Etienne (San Cassiano, coll. Bandini-Granelli) © D.Rykner
(4) Dessin: l’Annonciation (Montpellier, Musée Fabre)

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