De Maria Garcia à Maria Malibran (1808-1826)
La légende que suscite aujourd’hui Maria Malibran fut effective dès son vivant. La mort, survenue après un regrettable accident de cheval, une chute malencontreuse pour cette cavalière passionnée pourtant expérimentée, le 23 septembre 1836 à Manchester, relance la fascination pour la diva romantique. De l’adoration, les admirateurs ont élévé le mythe. Dont Musset, Fétis, Lamartine. Celle qui fut La Sonnambula et Norma, éclipsant Giuditta Pasta, autre étoile du chant bel cantiste mais de la génération précédente, continue de poursuivre sa carrière au firmament. Mourir à seulement 28 ans, certainement au sommet de ses possibilités vocales ajoutent de toute évidence au culte romantique de l’icône du chant bellinien.
Maria Garcia chante Rosina
A Paris, au 3 rue de Condé, une plaque commémore le lieu qui vit la naissance de l’élue de l’opéra, le 24 mars 1808. Mais les parents de Maria, le baryténor Manuel Garcia et la cantatrice Joaquina Sitches se fixent en Italie. A Naples, le père s’impose comme une personnalité du chant rossinien. Rossini compose même pour lui ou en pensant à sa voix, le rôle du comte Almaviva du Barbier de Séville, rôle qu’il assure pour la première (créé à Rome, le 20 février 1816). Mais Paris semble lui manquer et la petite famille, Maria et son frère aîné Manuel, et leurs parents regagnent Paris en 1816, après la création du Barbier. Dès lors, Manuel Garcia professeur de chant éduque sa fille prodige avec une poigne de fer. L’apprentissage portera certes ses fruits mais au prix de souffrance et d’un labeur jamais attendri.
De New York, La Malibran va conquérir l’Europe
A 17 ans, en 1825, Maria débute sa carrière à Londres, où la famille Garcia s’est fixée l’année précédente. Elle se fait remarquer du directeur du King’s Theater après avoir donné la réplique au dernier grand castrat de l’heure, Velluti. L’adolescente subjugue son auditoire et elle reçoit un premier contrat pour chanter en juin, Rosina du Barbier de Séville. Débuts fulgurants même car à New York, en cette même année 1825, elle se produit toujours dans Rosina, aux côtés de son père, Almaviva. Les Garcia père et fille captivent le public. D’autant que le duo est même quatuor familial puisque, la mère chante Berta et Manuel fils, Figaro!
Sa tessiture lui permet déjà d’aborder des caractères fort éloignés: après Rosina, Maria Garcia chante Desdemona dans Otello de Rossini (notre photo), puis Zerlina dans Don Giovanni de Mozart (1826). Entre temps, Maria a épousé l’américain Eugène Malibran (23 mars 1826); moins par amour que pour s’émanciper de la tutelle paternelle devenue insupportable. Très vite, la jeune femme avisée prend la mesure de son mariage sans avenir (ni fortune). Ne comptant que sur ses propres capacités, elle rejoint l’Europe, seule. La Malibran est née: reste à trouver (très rapidemment) son public!
Illustration
Henri Decaisne, Maria Malibran en Desdémone dans l’Otello de Rossini (salon de 1831. Paris, musée Carnavalet (DR)