Marc-Antoine Charpentier
Messe de Minuit & Magnificat
Les 18, 19 et 20 décembre 2007
Lyon, Eglise Saint Paul de Lyon
Concert de l’Hostel-Dieu
Franck-Emmanuel Comte, direction
C’est le temps des célébrations musicales de Noël : le Concert lyonnais de l’Hostel-Dieu (F.E.Comte), ensemble vocal et instrumental centré sur la période classico-baroque, et spécialiste de la musique française XVIIe et XVIIIe (3 de ses 6 programmes de 2007-2008 sont consacrés à Charpentier, Bouzignac et Campra) se tourne vers le versant joyeux et plus intime de ces musiques du Grand Siècle.
Un tube eurovisionnel et 549 pièces
«Ce grand méconnu », aurait-on pu s’interroger à partir d’un double prénom pour l’histoire romaine, un certain, Marc-Antoine donc…Puis l’Eurovision, et un tube absolu qui crève les étranges lucarnes de la France gaullienne, cet extrait de solennité pour exploit guerrier de Louis XIV en 1692, la victoire de 1692 à Steinkerque, élémentaire mon général, et d’ailleurs contre qui ?
Allez, le Te Deum de Marc-Antoine…Marc-Antoine…Charpentier, voyons ! Au début du XXIe, mélomane friand de fastes baroqueux, vous seriez tout de même un peu bas de plafond si vous ne situiez pas celui qu’un livre de 1945 appelait pourtant « un musicien français oublié ». Te Deum-Eurovision, plus justice rendue par musicologues (les travaux décisifs de Catherine Ceyssac) et interprètes (W.Christie, M.Minkowski, H.Niquet, G.Lesne et tant d’autres), plus et surtout génie du compositeur égalent une reconnaissance parfaitement légitime. Et l’admiration pour celui qui fut le rival de Lully – et déstabilisé par cet autre grand musicien qui était, lui, un homme de pouvoir absolu et tortueux comme son Seigneur Louis XIV -, l’élu de Molière (mais cela ne dura pas, à cause d’une irrévocable décision de la Grande Faucheuse contre celui qui se moquait des médecins dans le Malade Imaginaire), le compositeur de 550 pièces dans tous les domaines qui ne sont pas uniquement « le religieux », où pourtant triomphe sa conception de l’oratorio, sur l’inspiration italienne de son maître italien, Carissimi, des Messes, de toutes les cérémonies du culte catholique, et des plus secrètes Leçons de Ténèbres. Instrumental pur, et bien des formes du théâtre, en particulier la musique pour les comédies-ballets (revoilà Molière), sans oublier l’opéra – où éclatait le génie de Lully -, mais dont il sut donner une forme « sacrée » avec un David et Jonathas dont l’Opéra de Lyon ouvrit les reprises « modernes » en 1981.
Mystique musicale
Pour la période « crèches et sapins », voilà donc le compositeur très légitimement choisi par Le Concert de l’Hostel-Dieu en cette fin de 2007. Car M.A.Charpentier ajoutait à la part plus solennelle, parfois triomphale, de son œuvre, sa façon personnelle de se tourner vers l’art populaire et les chants des fidèles qui célébraient jusqu’aux tréfonds de la France profonde le « minuit chrétiens ». Ce côté alerte, joyeux, et intime dans le collectif surgit dans les Messes de minuit et les Pastorales qui sont comme la face miséricordieuse de ce temps de brutale inégalité où la devise du « malheur aux pauvres ! » inspirait puissants de la Cour ou de la Ville, et dont la leçon de ténèbres sociales ne s’est hélas pas perdue à travers la fin de l’Ancien Régime et la vaillante continuation du Nouveau Régime des Riches. Une trêve compassionnelle de Dieu, en somme…M.A.Charpentier y apporte sa couleur, ses emprunts aux « cantiques d’en-bas » (Joseph est bien marié, Laissez paître vos bestes…), et aussi, en des interludes d’une admirable gravité d’émotion, son hommage de mystique. Ainsi de cette Nuit qui ouvre le concert dirigé par Franck-Emmanuel Comte, et qui murmure instrumentalement la poésie et le mystère de l’Incarnation, renvoyant a ux splendeurs intimes du peintre Georges de la Tour ou aux tendres frémissements d’écriture de Fénelon. Les extraits de la Pastorale sur la Naissance de Jésus-Christ, l’intégrale de la Messe de Minuit répondront à un Magnificat. L’Ensemble instrumental de l’Hostel-Dieu (14 musiciens) et son Atelier vocal ( 11 vocalistes) sont renforcés par l’Orchestre Lyonnais des Cornemuses (Stéphane Méjean), tous placés sous la direction de F.E.Comte. L’Eglise Saint-Paul où ont lieu ces trois concerts sera aussi point de départ d’une promenade guidée dans ce quartier au nord du Vieux-Lyon. Histoire(s) de mieux penser à la multiforme création du musicien qui naquit lorsque Louis XIII mourut et disparut quand la France enténébrée d’un Louis XIV devenu dévot mais non-repentant s’enfonçait dans les famines et les horreurs qui allaient culminer lors du terrible hiver 1709.
Marc-Antoine Charpentier (1643-1704). Messe de Minuit, Magnificat, Nuit.
Le Concert de l’Hostel-Dieu, dir. F.E.Comte, Atelier Vocal et instrumental, Orchestre de cornemuses.
Eglise Saint-Paul de Lyon, mardi 18, mercredi 19 et jeudi 20 décembre 2007. 20h30
Information et réservation 04 78 42 84 03 ou www.concert-hosteldieu.com
Illustrations: (1) Lorenzo Veneziano: Nativité (Musée de Belgrade). (2) Marc-Antoine Charpentier (DR).