Georg Friedrich Haendel
Giulio Cesare in Egitto, 1724
Bruxelles, La Monnaie
Du 20 janvier au 3 février 2008
Amsterdam, Stadsschouwburg
Du 16 au 23 février 2008
Nouvelle Production
René Jacobs, direction
Karl-Ersnt & Ursel Herrmann, mise en scène
Il y a quelques années, les Herrmann mettaient en scène le dernier opéra de Mozart, La Clemenza di Tito, une production exemplaire, à la fois embrasée et âpre que Gérard Mortier a su défendre de La Monnaie à l’Opéra Garnier, au long de sa carrière de Bruxelles à Paris. La mise en scène comme les versions discographiques parues en 2006, celles simultanées de René Jacobs justement et de Mackerras, mettaient l’accent sur la cohérence d’une oeuvre qu’on avait tôt fait (et injustement) de bannir du catalogue parce qu’elle était apparentée au genre seria. Depuis, la perception de l’ouvrage a nettement évolué: la Clemenza mozartienne est tenue aujourd’hui pour une partition exemplaire du point de vue de sa construction, autant dramatique que musicale. Tel n’a pas été le moindre apport de l’année Mozart, celle des 250 ans de la naissance.
Pour Giulio Cesare, autre seria mais ici de l’époque baroque, à la tête de l’une des phalanges les plus expressives, les instrumentistes du Freiburger Barokorchester, René Jacobs dispose d’une distribution cohérente: Lawrence Zazzo (contre-ténor), Marijana Mijanovic (alto), Sandrine Piau (Cleopatra), en alternance avec la nouvelle soprano Danielle de Niese en signature chez Decca, Dominique Visse (Nireno)…
Cesare londonien
La cinquième partition lyrique de Haendel, créée au King’s Theater de Haymarket, le 20 février 1724, a été conçue pour la Royal Academy of music. L’ouvrage illustre l’apothéose lyrique d’un musicien né Saxon, qui a fait ses classes en Italie pour maîtriser l’écriture opératique, dans le registre de l’opéra seria, afin de conquérir le marché londonien.
Le compositeur dispose alors des plus grandes vedettes du chant dont la Cuzzoni et la Durastanti, sopranos adulées, et les castrats, Berenstadt et Senesino (ce dernier dans le rôle-titre). Dès sa création, Giulio Cesare fait naître l’enthousiasme du public, plus de 30 représentations, entre 1724 et 1738, dont une représentation privée offerte par le mécène, Pierre Crozat à Paris.
Nicola Haym, librettiste de Haendel, s’inspire d’un texte de Bussani pour le compositeur Sartorio dont l’opéra sur le même sujet fut créé à Venise en 1676. La scène met en relief la grandeur épique de César, vainqueur de Pompée, puis maître de l’Egypte et de sa souveraine, l’irrésistible Cléopâtre. L’opéra est une fresque militaire, historique et héroïque: rivalité entre Ptolémée et Cesar, entre Cléopâtre et Ptolémée, portrait de Cléopâtre en séductrice. Au final, César vainqueur de Ptolémée, épouse Cléopâtre, incarnant la grandeur de Rome sur toute autre nation. Génie du dramaturge: la psychologie des personnages. Amoureuse, Cléopâtre, au début sanguine, irascible, découvre auprès de César, sa grandeur de souveraine. En fin connaisseur de l’âme humaine, Haendel approfondit la dimension morale des personnages, leur évolution, leur métamorphose, leur cheminement spirituel, tout au long de l’action. Sur le plan formel, le musicien qui se sent à l’étroit dans le genre strict de l’opéra seria, fait évoluer succession airs/récitatifs vers une modulation libre, récitatif accompagné et arioso, dont la ligne continue du chant permet d’explorer chaque repli du caractère. Duo, orchestre léger mais harmoniquement changeant participent à un style impétueux qui saisit avec maestrià, la passion et les contrastes de sentiments.
Illustration: Sir Lawrence Alma Tadema, Sculpteurs de la Rome antique (1877, DR)