jeudi 24 avril 2025

Wolfgang Amadeus Mozart: Cosi fan tutte, 1790 Paris, Théâtre des Champs Elysées. Du 12 au 22 novembre 2008

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Mozart
Cosi fan tute
, 1790

Paris, Théâtre des Champs Elysées
Du 12 au 22 novembre 2008

Le dernier opéra de Mozart écrit avec Da Ponte, recueille les frasques amoureuses et l’expérience de vieux loup sentimental de l’écrivain, véritable Don Juan: Lorenzo Da Ponte (1749-1838) qui, chassé de Venise (1779, à 30 ans) pour un scandaleux adultère, rejoint Vienne. Nommé poète impérial en 1783, l’écrivain compose les vers des opéras de Salieri et de Martin y Soler. Il voyage à Londres puis à New York où il mourra, attelé à la rédaction de ses Mémoires.
Cosi est le dernier ouvrage de la trilogie conçue par Mozart et Da Ponte, avec Les Noces de Figaro (1786), Don Giovanni (1787). Le sujet de Cosi, commandé par l’Empereur Joseph II aurait été inspiré d’un fait réel: deux jeunes fiancés auraient parié sur la fidélité loyale de leurs bien aimées: deux soeurs qui dévoilant la duplicité volage du coeur féminin se seraient laissées charmées par un autre que leur promis. L’infidélité et la versatilité sont propres au coeur de la femme, et leur ami, vieux philosophes plein de bon sens avec lequel les deux dupés avaient parié, voit sa connaissance de l’amour, vérifié: « Cosi fan tutte« , ainsi font toutes les femmes (inconstantes, oublieuses, traîtresses…).
L’opéra est créé le 26 janvier 1790, au Burgtheater de Vienne, mais interrompu après la 5ème représentation en raison de la mort de Joseph II, survenue le 20 février 1790.

Immorale liberté des coeurs
La représentation de ces femmes inconstantes, d’une liberté sensuelle qui les dépasse, ce qui rend le pouvoir des attractions d’autant plus terrifiant, désigne ce poison d’une sexualité libérée, séditieuse, véritable menace pour l’ordre social. Les libertins dont fait partie évidemment Da Ponte ont largement utilisé la puissance subversive de la sexualité, agent de désordre, conspiration active qui fissure le pacte délicat des relations humaines. Misogyne, inepte socialement, acide, cynique même: la morale de l’ouvrage n’a pas manqué de déplaire au milieu bourgeois, mais aussi aux compositeurs tels Beethoven ou Wagner, lesquels s’ils reconnaissaient la qualité de la partition, ne comprenaient pas que Mozart se soit ainsi commis dans un livret aussi discutable.

Ecole de la vie
Alfonso inculque à ses élèves, les fiancés Guglielmo et Ferrando, une brillante leçon de réalisme. D’ailleurs, l’opéra est sous-titré l’école des amants. Pour mieux séduire le coeur des femmes, il faut nécessairement éprouver leur indignité morale, leur qualité de mensonge et d’infidélité. Les permutations illimitées et l’inconstance dés coeurs font dire en filigrane aux personnages, terrassés par leur découverte, qu’il faut jouir de l’instant avec qui est disponible. Incroyable réalisme cynique que n’aurait pas renié Sade en personne. Ici les femmes sont misandres et les hommes, misogynes. Sous l’apparente séduction de la musique, se cache une leçon amère et désenchantée sur la véritable nature humaine. Mais depuis, un précédent duo tout aussi jubilatoire, composé à l’âge baroque par Busenello et Monteverdi, l’opéra n’est-il pas cette scène qui dévoile dans son édifiante horreur chaque passion de l’âme?

La nouvelle production présentée par le TCE à Paris est mise en scène par Eric Genovese, conseillé par Chantal Thomas, elle-même spécialiste du libertinage au XVIIIème siècle, ayant écrit sur Sade et Casanova. Il s’agira d’éclairer la mélancolie et la nostalgie d’un monde sans duplicité ni calcul. Or la scène de Cosi démontre tout ce que la puissance du désir et la magie des attractions, stimulées par la lâcheté des coeurs et leur perpétuelle versatilité, produisent en désenchantement et en défaite du rêve. La très longue scène des adieux, au début de l’ouvrage n’exprime-t-elle pas justement la difficulté des êtres à quitter ce monde d’illusions caressantes, tant espéré, pour jouer par la suite, le vrai théâtre de la solitude, de l’épreuve, de la trahison? La divine musique de Mozart dit toute la grâce des individus nostalgiques d’un état qui ne peut peut-être jamais exister…

La production du TCE. Eric Génovèse, sociétaire de la Comédie-Française, met en scène l’ultime opéra de la trilogie Mozart/Da Ponte. Sa lecture reste distante vis à vis d’un ouvrage cynique et amer sur les rapports amoureux. Pas de violence ni d’effets spectaculaire, mais une vision douce, voire caressante que certains trouveront ennuyeuse et sans relief, desservant l’ouvrage de Mozart, d’une subtilité redoutable.

A cette fadeur scénique, peu conforme à l’ironie séditieuse de la partition qui aime portraiturer le vertige de coeurs en déséquilibre, l’orchestre Matheus est-il a la hauteur d’un ouvrage fin et complexe? Le feu et l’ardeur si appropriés dans Vivaldi, et qui ont fait la réputation de l’ensemble dirigé par Jean-Christophe Spinosi ne confond-t-il pas précipitation et profondeur? A force d’outrer les contrastes musicaux, l’orchestre malmène l’émotion mozartienne, sa riche ambivalence. Veronica Cangemi hélas déçoit: même si la sensibilité n’a pas varié, l’éclat des aigus a disparu. Heureusement, la Despina de Jaël Azzaretti relève le niveau, surtout le trio des hommes, véritables individualités assumant pleinement leur pari, quitte à subir d’amères expériences… vocalité complice, caractères saillants, Alfonso (Pietro Spagnoli), Gugielmo (Luca Pisaroni) et Ferrando (Paolo Fanale) sont les vedettes de la production.

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