jeudi 24 avril 2025

Livres: notre sélection Olivier Messiaen Les ouvrages indispensables édités à l’occasion du Centenaire

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Olivier Messiaen
3 livres pour le centenaire 2008

Le Centenaire Olivier Messiaen n’en finit pas de produire ses effets:
concerts, conférences, programmations et thématiques des festivals,
surtout publications diverses et forcément variées dans le foisonnement
desquelles se détachent trois ouvrages tout à fait remarquables et les
uns vis à des autres, idéalement complémentaires. Voyez notre sélection.

1. Olivier Messiaen par Peter Hill et Nigel Simeone

Voici
une approche anglosaxonne du personnage, volontiers critique grâce à
l’accès à de nouvelles sources. Les auteurs appuient leur passionnante
recherche et collecte d’informations sur les apports de la veuve
Messiaen, Yvonne Loriod-Messiaen laquelle a « ouvert » l’accès aux notes,
lettres, agendas de poche, classés depuis la mort du compositeur, en
1992. Fondée donc sur des documents inédits, il s’agit d’un nouveau
corpus qui présente une lecture critique sur l’oeuvre et le catalogue
de Messiaen. En temps de célébration où souvent prime le sentiment
d’admiration, il est pertinent d’être aussi plus exigeant voire mordant
sur tel aspect ou fausse idée, collectés et diffusés à torts. A
l’origine en langue anglaise, l’édition en français a permis de nourrir
encore l’apport documentaire grâce à l’adjonction de deux parties
nouvelles (le langage de Messiaen et le catalogue de ses oeuvres). Si
l’auteur s’est longuement expliqué sur ses oeuvres, les décrivant plus
que les analysant, il reste étrangement avare sur les conditions de
travail, et la genèse des partitions. L’homme a cultivé le secret sur
sa façon d’écrire, sa vie personnelle, son caractère et ses plans de
composition… L’apport de cette nouvelle biographie construite en 14
chapitres qui suivent la chronologie, jusqu’au dernier chef d’oeuvre « Eclairs de l’Au-delà » (1988-1992), souvent effacé en faveur de Saint-François d’Assise,
tente de dévoiler un peu de cet univers intime que Messiaen aimait
tenir caché. La teneur des agendas conservés depuis 1939, de même que
de nombreuses photographies inédites, apportent un éclairage original.
Ainsi sont reconsidérés le portrait de ses parents, la formation de son
style si personnel, la constitution d’un réseau social et amical porté
par l’assurance du jeune homme qui n’hésite pas à égratigner les icônes
révérées: Ravel ou Stravinsky (!), son premier ménage avec Claire
Delbos, son incarcération pendant la guerre après 1940, genèse et
premiers jets pour la Turangalîla-Symphonie, esquissée dès
1944… Les textes précisent aussi la passion avec laquelle le
compositeur guide ses interprètes dans l’accomplissement et la création
de ses oeuvres: place et valeur des indications de doigtés ou de
pédale… Rien n’est omis: ni la campagne médiatique de dénigrement
orchestrée contre le profanateur et l’iconoclaste, habile et insolent
pourfendeur des traditions grâce à sa Turangalîla-Symphonie, … le scandale allait bientôt rejaillir sur l’auteur en 1961 à l’époque de la création de Cronochromie,
dont la polémique houleuse oblige même Messiaen à se justifier par une
déclaration très officielle; ni le rythmicien et surtout l’ornitologue
qui à partir des années 1950, se consacre exclusivement à l’écoute et
la transcription du chant des oiseaux, notant désormais tout dans les
fameux « Cahiers ». Parmi les apports passionnants de l’ouvrage, les
précisions sur la genèse de La Transfiguration de Notre-Seigneur Jésus-Christ (entre
1965 et 1969) s’avèrent désormais indispensables. Le travailleur
acharné, celui qui eut toujours une curiosité décuplée pour la nature
et ses manifestations miraculeuses se dévoile ainsi. Peter Hill et Nigel Simeone: Olivier Messiaen. Editions Fayard, 598 pages.

2. Messiaen, l’empreinte d’un géant par Catherine Lechner-Reydellet

Ecrivaine
et pianiste, l’auteur est aussi professeur au Conservatoire de
Grenoble. L’idée est de faire parler les témoins. d’évoquer la figure
du défricheur, la carrure visionnaire et stimulante du pédagogue auprès
de ses élèves, le questionnement d’un homme de Dieu, habité par la
présence divine et pourtant aussi tendu dans sa confrontation à un
« monde qui renie Dieu mais créé par lui ».
Pour mesurer l’autorité musicale d’un créateur de cette stature, rien
n’est mieux que d’énumérer ses disciples organistes, de Louis Thiry à
Olivier Latry,
Pianiste, l’auteur s’intéresse en particulier aux oeuvres composées par
la maître pour l’instrument, dans l’inspiration suscitée par son
épouse, elle-même pianiste remarquable Yvonne Loriod. Evidemment, la
rencontre de Roger Muraro est détaillée: Yvonne stimule le jeune
interprète à jouer les oeuvres de son mari. Avec Roger Muraro, l’auteur
inaugure un cycle de propos rapportés des témoins sur l’oeuvre de
Messiaen ou sur l’homme qu’ils ont connus approché, toujours admiré. En
filigrane, le lecteur comprend qu’il s’agit immanquablement d’un
hommage rendu à son épouse Yvonne, partenaire, muse, interprète
elle-même de Messiaen. Au travers de thèmes qui recueillent dans la vie
du compositeur une importance particulière, par les résonances qu’ils
soulignent dans l’oeuvre produite (Les oiseaux, Grenoble ou la présence
structurante de la montagne, notions de métrique grecque et de
rythmique hindoue…), le lecteur apprend à connaître les partitions et
leur auteur grâce à une série de témoignages, tous riches
d’enseignements sur la chaleur humaniste et ce perfectionnisme ardent
de Messiaen: Georges Prêtre, René de Obaldia (« l’ami poète »), Michel
Fano (ou l’art musical dans l’art cinématographique)… Catherine Lechner-Reydellet: Messiaen, l’empreinte d’un géant. Editions Séguier, 370 pages.

3. Olivier Messiean: le livre du centenaire

Troisième et dernier ouvrage de notre sélection, et non le moindre. « Labellisé » « Livre du centenaire« ,
il s’agit en toute évidence d’une publication soignée, comprenant une
maquette esthétique et aussi, un travail iconographique de première
valeur: l’éditeur reproduit nombre de peintures ou documents visuels
qui ont nourri l’inspiration de Messiaen: Retable de la Crucifixion
d’Issenheim, fresques du Beato Angelico au Couvent Saint Marc de
Florence, chromophonisme de Gatti, colorisme musical de Robert
Delaunay, et en liaison avec l’activité de l’ornitologue, de superbes
planches d’espèces d’oiseaux… Tout cela fonctionne admirablement et
témoigne des champs multiples d’un musicien, certes « ivre et ébloui »
par l’infinité de Dieu, mais aussi, tout autant, défricheur, curieux,
assimilateur des manifestations miraculeuses de notre monde. Messiaen
n’est pas qu’un contemplatif: il reste d’un engagement concret,
oeuvrant pour la modernité. C’est tout l’enjeu et le sujet principal de
cette publication nécessaire et même indispensable.

En grand format, les textes réunis apportent de nombreux éclairages
sur l’homme, sa vie, son oeuvre d’autant qu’ils sont signés de proches,
voire d’amis qui ont saisi immédiatement la force visionnaire de la
musique de Messiaen: entre autres signataires, Pierre-Laurent Aimard,
Gilbert Amy, Pierre Boulez, Michel Fano, Olivier Latry, Myung-Whun
Chung… Aucun des aspects significatifs de l’oeuvre de Messiaen n’est
écarté dans ce livre de référence, qui comprend aussi un document
sonore de la voix et du souci d’explication du compositeur: l’ouvrage
contient en un cd, quelques extraits des entretiens avec Claude Samuel.
Foi, modernité, Saint-François, rythme, couleurs, oiseaux, transmission
et pédagogie, reconnaissance (tardive mais aujourd’hui bien réelle):
voici Olivier Messiaen par le texte, l’image, et de très nombreuses
citations des déclarations du compositeur lui-même. 290 pages de pur
enchantement pour comprendre au plus près de sa pensée, la singularité
musicale d’un auteur qui est demeuré très secret sur la genèse et la
signification profonde de son oeuvre.

Olivier Messiaen: le livre du Centenaire. Ouvrage collectif coordonné par Anik Lesure et Claude Samuel. Editions Symétrie, collection Perpetuum mobile, 290 pages.

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