mercredi 23 avril 2025

Henri Dutilleux: Tout un monde lointain. Concert, entretien Mezzo, jeudi 22 janvier 2009 à partir de 20h30

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Tout un monde lointain
Henri Dutilleux et Henri Demarquette

Documentaire réalisé par Hervé White (52 mn, 2008). Entretien filmé à propos de l’interprétation du Concerto pour violoncelle Tout un monde lointain d’Henri Dutilleux (Aix, 1970)

Autour de la partition du Concerto pour violoncelle Tout au monde lointain, créé au Festival d’Aix en Provence en juillet 1970 par Rostropovitch qui en est le commanditaire, le compositeur et l’interprète (ici, Henri Demarquette) se retrouvent, esquissent un dialogue ténu sur la musique, l’écriture, les modes d’inspiration. Les deux visions dialoguent. L’entretien met du temps à se chauffer comme c’est le cas en général, mais ici la parole d’Henri Dutilleux, au regard de son grand âge vaut toutes les explications du monde: le compositeur évoque avant de rentrer dans le coeur de l’oeuvre, d’inspiration baudelairienne, sa carrière, ses considérations vis à vis des modes et des postures officielles et historiques; sur le retour au passé, la servitude ou l’influence filigranée (dans son cas) vis à vis des sériels et de l’écriture viennoise… Dutilleux est un classique inclassable: qui ne réfléchit pas en terme de tonal et d’atonal, mais selon sa propre sensibilité. Il veille surtout à ne pas écrire d’oeuvres par complaisance ou révérence, ce qui pourrait être une mise en garde adressée à certains jeunes compositeurs d’aujourd’hui. Deux maîtres à penser ont compté pour lui: Schoenberg et Messiaen. Ses racines sont françaises même s’il reconnaît avoir pris en compte la rigueur et le souci du cadre et de l’écriture, dans la filiation des Viennois dans le Concerto Tout au monde lointain.
Ses modèles demeurent Fauré (mais dernière manière celle de la Sonate, du Quintette et du Quatuor n°2 avec piano), mais aussi Mozart (Messe un ut) et Beethoven, parce que comme Bach, le compositeur romantique atteint au plus près la notion de musique pure, en particulier dans le Quatuor n°16.
L’entretien s’avère plus enrichissant en seconde partie, après les 35 premières minutes. Au piano, Dutilleux explicite la gestion particulière du temps qu’il développe dans ses partitions. A l’invitation du violoncelliste, le compositeur explique ce en quoi, il affectionne particulièrement la notion de variation par transformation et métamorphose, mêlant les différentes significations du temps afin de réussir une oeuvre continue, sans rupture. Il est important de ne pas rompre le flux de tension musicale par une conclusion entre chaque partie: les 5 tableaux du Concerto sont enchaînées. Dans leur continuité, Dutilleux utilise des cellules synthétiques, rétrospectives qui suscitent la mémoire de l’auditeur, comme il développe a contrario des « prémonitions » sonores qui annoncent ce qui va être déployé dans les mesures suivantes. L’entrelacement de ces deux temporalités, constituent les fameuses « parenthèses« , épisodes transitoires entre les mouvements proprement dits.
Le musicien sur les traces de Baudelaire se fait lui-aussi poète, défricheur de mondes inconnus, passeur vers l’évasion, l’au-delà. Il s’agit moins d’illustrer que d’exprimer ce que la lecture des poèmes et de la prose de Baudelaire, a suscité dans l’écriture du compositeur. Le titre de l’oeuvre renvoie au poème La Chevelure, où le poète rêve dans la chevelure de son aimée, Jeanne Duval… Entre ce qui est lointain, proche, à venir, la musique exprime plutôt qu’elle n’illustre tous les champs sémantiques et imaginaires permis par l’écriture musicale, elle-même fécondée par la poétique baudelairienne.
Henri Demarquette interroge le compositeur sur la genèse du Concerto: les conditions de sa création à Aix en 1970 montrent que Dutilleux et Rostropovitch se sont retrouvés au dernier moment pour travailler la partition et régler dans l’urgence les détails du jeu. Grâce à la capacité phénoménale de concentration et d’assimilation du violoncelliste russe, l’oeuvre a pu être représentée et bissée lors de sa création. L’enregistrement est plus tardif (1974): Dutilleux y reconnaît que le tempo du second mouvement n’est pas assez rapide. Il règle d’ailleurs cet aspect avec le violoncelliste français, partition en mains. Voilà un document inespéré qui délivre son enseignement en fin de partie.

Soirée Henri Dutilleux
Spéciale 93 ans

Jeudi 22 janvier 2009 à 20h30, 21h05 et 21h40.
Le documentaire est diffusé après la diffusion du concert de l’Orchestre de Mannheim (Frédéric Chaslin, direction. Soliste: Henri Demarquette) le jeudi 22 janvier 2009, à 21h40.
Le concert proprement dit est diffusé à 20h30, suivi d’une séance de répétition filmée (à 21h05). La soirée anniversaire s’achève avec l’entretien entre Henri Dutilleux et Henri Demarquette.

Illustrations: Henri Dutilleux, Henri Demarquette (DR)

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