Tout un monde lointain
Henri Dutilleux et Henri Demarquette
Documentaire réalisé par Hervé White (52 mn, 2008). Entretien filmé à propos de l’interprétation du Concerto pour violoncelle Tout un monde lointain d’Henri Dutilleux (Aix, 1970)
Ses modèles demeurent Fauré (mais dernière manière celle de la Sonate, du Quintette et du Quatuor n°2 avec piano), mais aussi Mozart (Messe un ut) et Beethoven, parce que comme Bach, le compositeur romantique atteint au plus près la notion de musique pure, en particulier dans le Quatuor n°16.
L’entretien s’avère plus enrichissant en seconde partie, après les 35 premières minutes. Au piano, Dutilleux explicite la gestion particulière du temps qu’il développe dans ses partitions. A l’invitation du violoncelliste, le compositeur explique ce en quoi, il affectionne particulièrement la notion de variation par transformation et métamorphose, mêlant les différentes significations du temps afin de réussir une oeuvre continue, sans rupture. Il est important de ne pas rompre le flux de tension musicale par une conclusion entre chaque partie: les 5 tableaux du Concerto sont enchaînées. Dans leur continuité, Dutilleux utilise des cellules synthétiques, rétrospectives qui suscitent la mémoire de l’auditeur, comme il développe a contrario des « prémonitions » sonores qui annoncent ce qui va être déployé dans les mesures suivantes. L’entrelacement de ces deux temporalités, constituent les fameuses « parenthèses« , épisodes transitoires entre les mouvements proprement dits.
Le musicien sur les traces de Baudelaire se fait lui-aussi poète, défricheur de mondes inconnus, passeur vers l’évasion, l’au-delà. Il s’agit moins d’illustrer que d’exprimer ce que la lecture des poèmes et de la prose de Baudelaire, a suscité dans l’écriture du compositeur. Le titre de l’oeuvre renvoie au poème La Chevelure, où le poète rêve dans la chevelure de son aimée, Jeanne Duval… Entre ce qui est lointain, proche, à venir, la musique exprime plutôt qu’elle n’illustre tous les champs sémantiques et imaginaires permis par l’écriture musicale, elle-même fécondée par la poétique baudelairienne.
Henri Demarquette interroge le compositeur sur la genèse du Concerto: les conditions de sa création à Aix en 1970 montrent que Dutilleux et Rostropovitch se sont retrouvés au dernier moment pour travailler la partition et régler dans l’urgence les détails du jeu. Grâce à la capacité phénoménale de concentration et d’assimilation du violoncelliste russe, l’oeuvre a pu être représentée et bissée lors de sa création. L’enregistrement est plus tardif (1974): Dutilleux y reconnaît que le tempo du second mouvement n’est pas assez rapide. Il règle d’ailleurs cet aspect avec le violoncelliste français, partition en mains. Voilà un document inespéré qui délivre son enseignement en fin de partie.
Soirée Henri Dutilleux
Spéciale 93 ans
Jeudi 22 janvier 2009 à 20h30, 21h05 et 21h40.
Le documentaire est diffusé après la diffusion du concert de l’Orchestre de Mannheim (Frédéric Chaslin, direction. Soliste: Henri Demarquette) le jeudi 22 janvier 2009, à 21h40.
Le concert proprement dit est diffusé à 20h30, suivi d’une séance de répétition filmée (à 21h05). La soirée anniversaire s’achève avec l’entretien entre Henri Dutilleux et Henri Demarquette.
Illustrations: Henri Dutilleux, Henri Demarquette (DR)