jeudi 24 avril 2025

Sergueï Prokofiev: Le Joueur Arte, les 6 et 26 avril 2009

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Sergueï Prokofiev
Le Joueur

Arte

le 6 avril 2009 à 22h30

le 26 avril 2009 à 9h45

Opéra filmé à Milan, Scala. Daniel Barenboim, direction. Dmitri Tcherniakov, mise en scène (juillet 2008). Musica. Réalisation: Karina Fibich. Coproduction : ARTE, ZDF, avec le Théâtre de la Scala de Milan (2008, 2h16mn)


En 1915, en pleine Guerre mondiale, Prokofiev met en musique le roman autobiographique de Dostoïevski. L’opéra n’a été joué qu’une douzaine de fois depuis la disparition de Sergueï Prokofiev en 1953. Daniel Barenboïm rend justice à ce chef-d’oeuvre oublié. A la direction de l’orchestre de la Staatskapelle de Berlin, le chef met en valeur le langage musical du compositeur russe: direct, franc, cynique voire mordant.

Le portrait musical du joueur, dépendant, avili, fou est sans complaisance. Le metteur en scène russe Dmitri Tcherniakov y transpose l’action de l’opéra à notre époque dans le hall d’un hôtel, signant lui-même le décor qui évoque un cadre décoratif, chic, design, désincarné. La froideur du cadre souligne l’errance solitaire des personnages… C’est sa deuxième mise en scène au Staatsoper Unter den Linden de Berlin, après Boris Goudounov de Moussorgski. Grâce à une direction très précise des acteurs, Dmitri Tcherniakov éclaire l’action d’une scène à l’autre. Les chanteurs adaptent chacun de leurs gestes au service de l’intrigue. Grand moment de théâtre… musical et lyrique. C’est lui qui avait mis en scène Eugène Onéguine à l’Opéra de Paris et réalise la scénographie attendue de Macbeth de Verdi également à Paris à partir du 4 avril 2009.

Sergueï Prokofiev: Le joueur
Opéra en quatre actes Adapté du roman de
Dostoïevski
Direction musicale : Daniel Barenboïm
Mise en scène, décors
et costumes : Dmitri Tcherniakov
Le Général : Vladimir
Ognovenko
Pauline : Kristine Opolais

Notre avis: sa lecture de Tristan (mis en scène par Patrice Chéreau) avait inauguré la dernière saison musicale de la Scala: Daniel Barenboim, maestro scaligero, s’impose à nouveau dans cette production du Joueur d’après Dostoïevski, dans la scénographie théâtrale du nouveau concepteur à succès, Dmitri Tcherniakov. En provenance de Berlin (Staatsoper Unter den Linden) , la production n’a été que faiblement applaudie par l’audience plutôt bourgeoise et conservatrice de Milan.
On se souvient qu’ici même, pourtant, en 1996, le public italien avait porté en triomphe Valéry Gergiev (et les chanteurs Vladimir Galousin et Elena Obraztsova), ainsi que le scénographe Temur Tchkeidze pour un Joueur brûlant et intense. La vision de Tcherniakov n’est pas en cause: l’homme de théâtre russe sert indiscutablement les ressources scéniques et théâtrales de l’opéra de Prokofiev.
Les réserves viennent plutôt des voix: en témoigne le ténor Misha Didyk, superbe acteur brûlant les planches, mais à l’étoffe vocale en manque d’équilibre, (aigus tendus, non tenus, parfois déchirés)… mais quelle présence, en outre athlétique. Même constat pour les tensions à la limite de la stridence de la soprano Kristine Opolais dont la belle Pauline en impose plus, là aussi, sur le plan physique et scénique… que vocal. Le niveau remonte quelque peu grâce Stefania Toczyska, grand mère ardente et vocalement à la hauteur de son personnage. Bien que constant dans son geste, expressif et parfois détaillé, Barenboim semble pourtant en manque d’intensité aux moments-clés de l’action. L’opéra ne recueille en rien les délires incandescents du roman de Dostoïevski qui frappe pourtant par ses éclairs et ses chutes. Le vainqueur demeure Dmitri Tcherniakov dont pas à pas, chacune de ses mises en scène impose un regard neuf, qui respecte la force expressive de l’intrigue, la vivacité prenante du théâtre contre toute autre tentation visuelle et décorative. Le portrait qu’il brosse du Joueur (Alexis), est sans maquillage, juste, vrai, criant de sincérité et d’autant plus terrifiant: c’est un être avili par le vice du jeu qui même gagnant est froidement plaqué par Paulina. Jeu et amour sont indissociables et la fable aigre et stridente nous le rappelle avec force crudité. Des palmes pour le metteur en scène, capable de camper visuellement chaque individu grâce à une direction d’acteurs virtuose et millimétrée.

Alexeï Ivanovitch : Misha
Didyk
Baboulenka : Stefania Toczyska
Le Marquis : Stephan Rügamer
Orchestre de la Staatskapelle de Berlin

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