L’art du lied magnifié
Miah Persson, soprano suédoise, débute avec succès une belle carrière : elle a déjà à son actif rien moins que les rôles de Suzanna et Zerlina à Covent Garden, et celui de Fiordiligi à Glyndebourne. Du Mozart, donc, dont les plus grands ont souligné à quel point l’art et la rigueur nécessaires à l’interprétation de sa musique sont bénéfiques pour tous les répertoires abordés.
Preuve apportée, une fois encore, ce soir. Le chant de Miah Persson fait montre d’une véritable science de la coloration et du chatoiement des teintes. Elle sait parfaitement se servir de son instrument sans forcer, sentiment de plénitude renforcé encore par l’intimité de la salle, idéale pour ce genre d’exercice « chambriste ». Le timbre est beau, chaleureux et pur, les sonorités flottant en apesanteur, comme savent le faire les grandes techniciennes, notamment dans les pianissimi, parfaitement placés et contrôlés. Sa diction se révèle excellente, précise et ciselée, les mots sont détaillés avec un plaisir évident. Elle semble avoir d’instinct compris l’essence de cette musique et savoir comment la transmettre à son auditoire.
Plus encore que sa perfection technique et sa sensibilité musicale, c’est la joie qui illumine son visage lorsqu’elle chante. Une telle vérité qui fait chaud au cœur, nous présente une cantatrice simplement heureuse d’exercer son art. Le pianste Roger Vignoles la couve amoureusement de son accompagnement élégant et raffiné, la suivant dans ses intentions et ses émotions, malgré un toucher parfois un peu dur.
Mahler allégé, chant simple et vrai
La seconde partie du concert présentait une curiosité : la réduction pour douze instruments (et soprano, comme dans l’orchestration originale) qu’a imaginée Erwin Stein – un disciple d’Arnold Schönberg – de la quatrième symphonie de Gustav Mahler. Pour le moins surprenante au premier abord, la réorchestration s’impose rapidement et devient même attachante, par un sens évident de l’intimité et de la chaleur. Chaque instrumentiste devient charnière et clef de l’écriture harmonique de la partition mahlérienne, loin de la densité orchestrale requise originellement par Mahler. Le regard de l’auditeur sur cette pièce en devient même changé, tant la subtilité d’écriture du compositeur saute aux oreilles grâce à la transparence de la texture sonore obtenue par cette instrumentation.
Tous les solistes s’acquittent de leur partie avec brio et seraient tous à citer, marquons cependant notre préférence pour le violoncelle, à la sonorité particulièrement tendre et enveloppante.
Le dernier mouvement, dans lequel Miah Persson les rejoint et laisse s’élever sa voix au-dessus d’eux, les montre tous unis par une même émotion musicale, et restera le plus beau moment de la soirée, vecteur d’une émotion simple et vraie.
Paris. Auditorium du Musée d’Orsay, 6 juin 2009. Gustav Mahler : Lieder extraits de Des Knaben Wunderhorn, pour voix et piano, Symphonie n°4 (transcription d’Erwin Stein pour douze instruments et soprano). Miah Persson, piano. Roger Vignoles, piano. Artistes musiciens de l’Orchestre de Paris.
Compte-rendu mis en ligne par Alexandre Pham, rédigé par Nicolas Grienenberger.