jeudi 24 avril 2025

Toulouse. Halle Aux Grains, mercredi 6 janvier 2010. Henry Purcell (1659-1695) : King Arthur. Les Talens Lyriques ; Direction ; Christophe Rousset

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Frustrations du semi-opéra

Ce n’est pas la musique de Purcell qui est en cause, elle est superbe. Ce n’est pas l’interprétation de ce soir, inspirée et musicalement impeccable. Pourtant une pointe de frustration s’insinuerait presque durant ce concert. Le problème vient du fait que les situations dramatiques les plus intéressantes et les personnages les plus forts ne sont pas mis en musique. Alors qu’en France à la même époque, la tragédie est entièrement mise en musique, et surtout qu’en Italie, l’opéra se répand à travers toute la péninsule, on ne peut que se plaindre des limites du genre semi-opéra anglais dont King Arthur est pourtant un des plus beaux fleurons.

King Arthur, semi-opéra genre frustrant ! Le concert proposé par Christophe Rousset offre l’intégralité de la musique écrite par Purcell pour le Semi-Opéra King Arthur crée en 1691 sur un poème de John Dryeden. La musique est intercalée dans la pièce et ne concerne que les péripéties mineures, les ballets, les divertissements et les fêtes.
L’action est riche en péripéties et en personnages plein de couleurs. Comme cela ferait un bel opéra avec des airs variés et des récitatifs dramatiques ! La programmation de ce type d’œuvres hybrides au sein d’une saison d’opéra laisse un peu l’amateur de splendeurs vocales et de drames lyriques, sur sa faim. L’action est riche en rebondissements, deux rois puissants se disputent la même femme, Emmeline. L’allégorie politique est évidente car la fiancée d’Arthur est convoitée en même temps que son Île britannique par le saxon Oswald. Chaque souverain bénéficie de l’aide d’un puissant magicien, Merlin pour Arthur et Osmond pour Oswald. La trame religieuse est aussi présente car le camp d’Arthur est chrétien alors que les saxons sont païens. Au final la grande Bretagne retrouve sa liberté, son Roi; et sa beauté, Emmeline épouse son héros après avoir recouvré la vue.
Le concert de ce soir est dramatisé par la présence d’Olivier Simonnet qui résume astucieusement l’action. Las, cet agréable diseur a un cheveu sur la langue ou un poil de barbe (sacré Merlin !) qui rend ses interventions parfois trop distanciées par un petit effet comique. Laissons les regrets de cet opéra diminué de la moitié (au moins) et écoutons une partition riche, variée en des effets majestueux, langoureux et parfois pleins d’humour. Les moments musicaux ô combien savoureux, rappellent les chœurs de Didon et Énée ou annoncent pendant quelques mesures la tristesse si profonde des Funérailles de la Reine Marie.
Une ouverture à la française pleine de grandeur ouvre une large perspective au spectacle. Ce n’est pas le seul hommage à la cour de Louis XIV car une vaste Chaconne louant les vertus de l’amour termine l’acte quatre. Les ballets sont gracieux et l’humour du duo des sirènes est assez coquin, de même que le trio alto, ténor, basse, des buveurs patriotes. Purcell s’acquitte avec art de la musique de divertissement qui lui est demandée. Il la réalise avec brillant et diversité. Deux grands airs devenus célèbres peuvent être détachés. L’air du génie du froid avec ses trémolos et Fairest Isle.
Dès l’ouverture Christophe Rousset, nous propose une lecture contrastée avec un orchestre capable d’infimes nuances et de belles couleurs. Sa direction est marquée par une grande souplesse et une parfaite élégance. Les Talens Lyriques forment un orchestre plein de vie. Les trompettes ont l’éclat royal attendu, les vents, tant les hautbois que les flûtes, apportent une fraîcheur bucolique et les cordes ont un beau moelleux. Le continuo est très musical bénéficiant de l’attention amicale d’Isabelle Saint-Yves à la viole de gambe, l’élégance de Laura Monica Pustilnik au théorbe et la souplesse de Stéphane Fuget à l’orgue et au clavecin. Tous les chanteurs sont agréables, chantant leur texte de manière facilement compréhensible. Les voix sont jeunes et bien projetées. Les dames, Céline Scheen et Judith van Wanroij, dominent par une plus grande aisance vocale et des timbres très assortis en leur fruité acidulé. Les hommes obtiennent la palme de la théâtralité dans leur inénarrable scène de buveurs déboutonnés. Les spectateurs conquis par la beauté de cette partition ont fait un triomphe aux interprètes et ont obtenu en bis la si charmante et irrésistible Chaconne de l’acte quatre.

Toulouse. Halle Aux Grains, mercredi 6 janvier 2010. Henry Purcell (1659-1695) : King Arthur or The British Worthy, semi-opéra sur un livret de John Dryden, création à Londres au Queen’s Theatre, Dorset Garden en 1691. Sopranos, Céline Scheen et Judith Van Wanroij ; Alto, Pascal Bertin ; Ténors, Emiliano Gonzales Toro, Magnus Staveland, David Lefort ; Basses, Christophe Gay, Douglas Willams ; récitant, Olivier Simonet ; Les Talens Lyriques ; Direction ; Christophe Rousset.

Illustration: King Arthur de Purcell à Toulouse © Patrice Nin

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