jeudi 24 avril 2025

Toulouse. Halle Aux Grains, le 9 septembre 2010. Firstova, Bartok, Rachmaninov. Jean-Frédéric Neuburger, piano. Orchestre National du Capitole de Toulouse.Tugan Sokhiev, direction

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Intense création pour ouvrir la saison

Il a été très attendu ce concert de rentrée de la saison symphonique toulousaine en raison du charisme grandissant de son chef Tugan Sokhiev mais aussi en raison de la création mondiale d’une composition d’Elena Firsova. Compositrice Russe, installée aujourd’hui en Angleterre, elle pose souvent son inspiration sur de beaux textes poétiques. Le petit quatrain qui débute le poème d’Omar Khayyman date du XI° siècle et propose les questions du comment qui habite l’homme depuis la nuit de sa conscience. La composition est courte mais extraordinairement dense. Débutant sur des cordes pianos, (quelle subtilité dans le phrasé), la harpe expose les questions en solo et dans ce quasi silence elle semble surdimensionnée. Alors que cet instrument est souvent réduit à colorer dans l’orchestre symphonique, il retrouve ici la force surnaturelle d’un David ou d’un Orphée. L’instrument fragile acquiert une puissance inhabituelle. La rigueur de la composition, la capacité à utiliser toutes les subtilités des instruments dans des nuances extrêmement creusées entraînent l’auditeur très loin dans son introspection métaphysique cherchant des réponses introuvables. Repos, angoisse, peur, fuite sont convoqués. Les sept accords fortissimo des cordes de la fin, sont puissamment angoissants, rien n’est résolu… Les Toulousains ont découvert une très belle et très intense partition d’orchestre qui est promise à un bel avenir tant l’intelligence et la sensibilité l’habitent.
Le Concerto pour piano de Bartok a ensuite pris un peu de temps pour que l’accord entre le chef et le pianiste se réalise. Après avoir dépassé une sorte de peur mutuelle sur les premières mesures, la glace s’est brisée et la fusion entre piano et orchestre a été éblouissante. Le jeu de Jean-Frédéric Neuburger est étincelant de précision. Sa percussion, si présente dans cette pièce, est tout particulièrement souple sans la moindre agressivité. L’élasticité de sa main gauche est remarquable. L’orchestre a brillé d’un bel éclat, même si quelques rares scories ont pu être présentes. C’est le mouvement lent qui a ouvert la porte des étoiles pour un moment de grâce pur et rare. La construction en arche a été rendue très lisible en raison de la direction intelligible de Tugan Sokhiev. Battue très précise, élégance du geste restent les qualités marquantes du jeune chef. Tous les plans sonores sont équilibrés et la tension installée est rarement lâchée, juste quand il faut. Un bijou horloger semble sortir de sa baguette. Le pianiste choisi dans le bis d’offrir au public sa transcription très sobre de la Sicilienne de Bach si connue dans la version de Wilhelm Kempff. Grâce et liquidité du son, phrasés subtils envoûtent, surtout après la belle frénésie bartokienne.
La symphonie n°3 de Rachmaninov est rarement offerte au public. Reconnaissons qu’elle mérite en partie cet oubli. Composée aux USA en pensant à la Russie elle ne comporte rien de bien original. La lecture de Tugan Sokhiev évite un romantisme trop larmoyant, donne du corps lorsque c’est possible mais ne peut rendre meilleur une œuvre assez insatisfaisante. L’orchestre y prouve ses qualités, belle attaque pianissimo de la symphonie mais surtout c’est Geneviève Laurenceau magnifique au violon solo, qui débute l’adagio magiquement. Les cordes sont superbes de tempérament et de fermeté de son durant tout ce concert, alliées précieuses du chef tout particulièrement dans cette symphonie bavarde.
Une rentrée Toulousaine sur un pied international avec une création magnifique et un Bartok étincelant, sous la baguette d’un chef enthousiasmant !

Toulouse. Halle Aux Grains, le 9 septembre 2010. Elena Firstova (née en 1950) : Beyond the Seven Seals, op. 119, création mondiale ; Bela Bartok (1881-1945) : Concerto pour piano n°2 ; Serge Rachmaninov (1873-1943) : Symphonie n°3, op.44 ; Jean-Frédéric Neuburger, piano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse.Tugan Sokhiev, direction.

Illustration: P.Nin

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