Captivants volatiles
Le compositeur reprend l’intrigue léguée par Aristophane mais la colore de ses propres idéaux esthétiques: insérant cette notion si germanique et romantique de la Sehnsucht, à la fois nostalgie et désir. Les oiseaux se font aussi dans le sillon de la comédie mozartienne, légende féerique et symbolique. Ici le chant du Rossignol comme la Flûte enchantée de Mozart permet au héros Bonespoir de trouver sa vérité, les ferments de sa propre transcendance. Si Fidèlami perd son temps dans un bavardage creux (ce qu’est Papageno pour le prince Tamino chez Mozart), Bonespoir plonge dans un océan d’interrogation critique, une rêverie Schumanienne (Schuman autre compositeur revisité par Braunfels, comme Mozart, Schubert et Wagner). Aux auteurs précédemment cités, il convient aussi de convoquer la figure de Richard Strauss dont Braunfels reprend (dans Ariane auf Naxos), ce contraste si délectable entre gravité antique et comédie italienne : le chant du Rossignol au prologue rappelle la verve pétulante de Zerbinette, coquette délurée et insouciante (en apparence) à la philosophie libertine.
Braunfels assiste à la création triomphale de son opéra en 1920 à Munich, sous la direction de Bruno Walter qui restera admiratif de l’oeuvre jusqu’à sa mort. Les nazis l’écartent comme Hindemith, du cercle des auteurs autorisés et officiels car demi juif, Braunfels avait eu l’insolence de manifester (comme Hindemith) sa claire opposition au régime hitlérien. Depuis l’oeuvre fait partie des oeuvres allemandes qui sortent progressivement d’un injuste purgatoire. Homme cultivé et même fin lettré, grand connaisseur de Goethe, Braunfels gagne dans ce spectacle filmé à Los Angeles en avril 2009, un évident témoignage convaincant. Jalon pour la réhabilitation moderne de ce chef d’oeuvre oublié, toujours mésestimé?
Walter Braunfels (1882-1954): Die Vögel, les oiseaux (Munich, 1920). Désirée Rancatore (le rossignol). Brandon Jovanovich (Bonespoir), James Johnson (Fidèlami),… Los Angeles Opera and Chorus. James Conlon, direction. Darko Tresnjak, mise en scène.
Avril 2009
Los Angeles, Opera
8 07280 15299 9
2h19mn