Compositeur estimé et admiré comme le fut son maître, Cavalli est invité par Mazarin à Paris pour y faire représenter un nouvel opéra Ercole Amante pour le mariage du jeune Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche: incroyable tentative menée par le vieux et très malade Mazarin d’implanter à la Cour de France, l’opéra italien si flamboyant dans les théâtres de la Sérénissime: le séjour de Cavalli sexagénaire dure… 2 années, de 1659 à 1662.
Claude-Jean Nébrac invente dialogues et monologue de son héros historique, mais il sait aussi restituer le cadre d’une période parmi les plus essentielles de l’histoire de France: quand Cavalli est à Paris, Mazarin meurt et un nouveau monarque se précise: le souverain au pouvoir absolu, Louis le Grand.
Cavalli à Paris
A défaut d’Ercole Amante pourtant prêt, on joue son ancien opéra: Serse (22 novembre 1660). Quand enfin la machinerie et le théâtre des Tuileries, destiné par Mazarin pour l’accueillir sont achevés, Louis XIV ordonne en février 1662, les représentations tant attendues d’Ercole Amante (d’après le livret de Buti), serti des ballets de l’inévitable Lulli… Les Italiens dominent alors le goût français et Louis se montre royal en payant grassement (jusqu’à 6000 livres) le vieux compositeur dépêché de Venise à Paris, pour célébrer sa jeune et conquérante gloire.
A partir des sources si minces léguées par Prunières et Glover, l’auteur rétablit sous couvert de fiction, la réalité possible du quotidien parisien de Cavalli: un étranger parmi les Français dont beaucoup à son égard se montrent arrogants et hautains, si peu désireux de comprendre et d’apprécier ce génie lyrique baroque: le plus grand après Monteverdi.
Rivalités politiques et artistiques (Molière contre Lulli, Torelli contre les Vigarini -machinistes et concepteurs du théâtre des Tuileries- , Louis contre Fouquet… arrêté le 5 septembre 1661, après avoir donné en son château de Vaux, une fête légendaire dont le faste lui est fatal), espoirs reportés, puis déçus de Cavalli à Paris; mais aussi portraits sans complaisance de Mazarin, de Lulli (assez ignoble), Molière et sa troupe… le milieu parisien au début des années 1660 est évoqué avec verve et précision. Même Robert Cambert, figure de bandit romanesque paraît en véritable créateur du premier drame lyrique en français…
Dans la réalité, le compositeur fit représenter son nouvel opéra devant des spectateurs surtout éblouis par les ballets et la machinerie: musique et chant, action et dramaturgie furent écartés car beaucoup ne savaient guère la langue de Dante… Et Cavalli repartit à Venise plus sombre encore qu’à son arrivée à Paris.
Claude-Jean Nébrac: Ercole Amante aux Tuileries. Mémoires imaginaires de Francesco Cavalli (1659-1662). Editions Books on demand. Parution: mars 2011. 190 pages. 18 euros