mercredi 16 avril 2025

CRITIQUE, opéra. MONTPELLIER, opéra-comédie (les 8, 10 et 12 avril 2025). MOZART : Mitridate. L. Sekgapane, M. Lys, K. Murrah, H. Wu… Emmanuelle Bastet / Philippe Jaroussky

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

L’Opéra Comédie de Montpellier (en coproduction avec l’Opéra de lausanne) offre actuellement une production magistrale de Mitridate, re di Ponto de Wolfgang Amadeus Mozart, sous la direction musicale inspirée de Philippe Jaroussky et dans une mise en scène raffinée signée Emmanuelle Bastet. Ce chef-d’œuvre de jeunesse du compositeur autrichien, créé à seulement 14 ans, prend vie sous un jour résolument moderne, tout en respectant la grandeur classique de l’opera seria.

 

Philippe Jaroussky, plus souvent acclamé comme contre-ténor, révèle ici son talent tout aussi impressionnant de chef d’orchestre. À la tête de l’Orchestre National Montpellier Occitanie, il insuffle une énergie dynamique et une sensibilité remarquable à la partition, mettant en valeur la richesse orchestrale et les nuances dramatiques de l’œuvre. Les tempi sont parfaitement maîtrisés, tantôt fougueux dans les airs de bravoure, tantôt d’une délicatesse envoûtante dans les moments plus intimes.

Le spectacle imaginé par Emmanuelle Bastet baigne dans une atmosphère bleutée, évoquant à la fois la Méditerranée antique et un espace mental abstrait. Le scénographe Tim Northam a choisi la phtalocyanine, un pigment profond et mystérieux, qui oscille entre l’outremer et un noir bleuté en fonction des éclairages. Ce bleu, à la fois intemporel et suggestif, sert de toile de fond à un décor mobile composé d’escaliers qui glissent lentement sur scène, créant des espaces tantôt intimes, tantôt oppressants. Ces escaliers deviennent des lieux de confidence, de solitude ou de méditation douloureuse, tandis que des rideaux de fils bleus ajoutent une dimension labyrinthique, reflétant le trouble intérieur des personnages. Les costumes, inspirés par un Orient théâtral alla Veronese, mêlent étoffes soyeuses et détails baroques. Mitridate arbore un manteau à col de loutre, tandis que les princes adoptent un négligé chic de jeunes cavaliers romantiques. La mise en scène évite toute référence historique précise, préférant plonger le spectateur dans un univers onirique où seuls comptent les sentiments et les conflits humains.

 

 

Le ténor sud-africain Levy Sekgapane incarne avec une autorité souveraine le roi du Pont, déchiré entre colère et tendresse. Sa voix puissante et agile domine la scène, notamment dans l’air furieux « Vado incontro al fato estremo », où il déploie une technique impeccable et une expressivité déchirante. La soprano suisse Marie Lys, lumineuse et virtuose, livre une performance émouvante dans le rôle d’Aspasie. Son timbre cristallin et sa maîtrise des vocalises enflamment la salle, particulièrement dans « Pallid’ombre », où elle exprime avec une grâce poignante le désespoir de son personnage. De son côté, le contre-ténor américain Key’Mon Murrah (Sifare)renouvelle l’enthousiasme suscité en nous lorsque nous l’avions découvert, en février dernier au Théâtre du Capitole dans Giulio Cesare (rôle de Sesto), et il impressionne à nouveau par la pureté de son timbre et sa musicalité exquise. Son duo avec Marie Lys, « Se viver non degg’io », est un moment d’une beauté à couper le souffle. La mezzo-soprano chinoise Hongni Wu apporte une présence scénique captivante et une voix riche en couleurs à son personnage de Farnace, parfaite pour incarner le fils rebelle. Son interprétation de « Venga pur, minacci e frema » est d’une intensité dramatique rare. La jeune soprano franco-catalane Lauranne Oliva incarne ce soir Ismene, après avoir tenu le rôle d’Aspasie à Lausanne, et éblouit tant par la beauté du timbreque le brillance de la technique vocale. Le contre-ténor italien Nicolò Balducci (Arbate) complète avec brio cette distribution, tandis que le jeune ténor suisse Rémy Burnens (Marzio) confirme son immense potentiel avec une prestation assurée.

Les ovations enthousiastes du public montpelliérain témoignent du succès de cette production. Entre prouesses vocales, direction musicale inspirée et mise en scène intelligente, ce Mitridate est bien plus qu’un opéra : c’est une expérience lyrique totale, qui confirme une fois encore le génie intemporel de Mozart !…

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. MONTPELLIER, opéra-comédie (les 8, 10 et 12 avril 2025). MOZART : Mitridate. L. Sekgapane, M. Lys, K. Murrah, H. Wu… Emmanuelle Bastet / Philippe Jaroussky. Crédit photographique © Marc Ginot

 

 

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