jeudi 24 avril 2025

Pergolesi: Adriano in Siria. Ottavio Dantone 2 dvd Opus Arte

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2010: tricentenaire de la naissance du napolitain Pergolèse (né en 1710). Sa ville natale, Jesi (Italie, Marches) honore son génie lyrique et produit Adriano in Siria couplé à l’intermezzo Livietta e Tracollo, sur les planches du théâtre municipal, baptisé naturellement Teatro Pergolesi. Des quatre opéras serias, Adriano (créé au San Bartolomeo de Naples en octobre 1734) est le plus abouti, et même le mieux équilibré vocalement, quant à la forme pourtant asséchée de l’alternance de rigueur recitativo/aria, selon l’idéal du seria dans le moule métastasien. Comme Leo, Scarlatti, Porpora ou Jommelli, Pergolesi marque de son empreinte personnelle l’évolution du théâtre napolitain. Pour le genre strictement héroïque, nettoyé des accents comiques voire burlesques et satiriques qui ont fait au XVIIè les délices de l’opéra vénitien (Monteverdi et ses élèves), Pergolesi écrit une musique particulièrement raffinée à laquelle Ottavio Dantone apporte au clavecin (continuo) et à la direction, son souple engagement. L’Academia Bizantina suggère, bondit, exprime avec la finesse et le mordant nécessaire la vitalité d’un théâtre qui égale les meilleurs Haendel: et d’ailleurs, le Saxon se nourrit manifestement à cette source, prenant le meilleur.

Subtil seria

Du livret déjà traité par Caldara et Giacomelli, Pergolesi qui a déjà composé Salustia (également créé au San Bartolomeo, en 1732), adapte Adriano en particulier selon les qualités des chanteurs réunis en 1734 pour fêter l’anniversaire de la mère du nouveau roi de Naples, Elizabeth Farnèse, épouse de Philippe V d’Espagne. De fait, le chanteur vedette dans le rôle travesti de Farnaspe, le général Parthe désireux de délivrer son épouse Emirena, prisonnière de l’empereur Hadrien-, éblouit littéralement dans une série d’airs parmi les plus beaux de l’opéra (en particulier son deuxième air, très développé avec hautbois obligé où bien que prisonnier lui-même du Romain, Farnaspe jubile car il a retrouvé son aimée). C’est le castrat Caffarelli- grand rival de Farinelli- qui chantait alors Farnaspe: le mezzo soprano redouble de virtuosité ténue, moins brillante que d’une sincérité touchante: Pergolesi brosse un portrait d’amoureux héroïque tout à fait vraisemblable qui se distingue des autres personnages par son relief et la subtilité de ses interventions; C’est dire si le castrat devait surprendre et convaincre par ses talents de comédiens: à Jesi en 2010, la soprano agile Annamaria dell’Oste relève tous les défis du caractère, autant puissant que tendre. Plusieurs éléments du matériau musical sera d’ailleurs repris par la suite: ainsi le troisième et dernier air de Farnaspe (pure virtuosité napolitaine taillée pour faire briller le timbre et l’agilité de Caffarelli) est recyclé tel quel dans L’Olimpiade.
Malgré la succession des solos obligés, Pergolesi parvient à colorer et diversifier une partition qui souffre des limites du genre: pas d’épisodes comiques mais une fresque tendue et grave qui cependant se termine bien. Voilà pourquoi, comme ici, le seria est interrompu par un intermède (intermezzo) comique, Livietta e Tracollo, véritable condensé de frasques burlesques et bouffes dont la surenchère compense la tension du seria en cours de représentation. Pergolesi, génie de la commedia dell’arte en musique, égale ici les éclairs grotesques de son autre chef d’oeuvre comique, la Serva Padrona (composé la même année en février 1734 pour accompagner le seria Il Prigioniero superbo): il s’agit sous couvert d’une confrontation entre une basse bouffonne (travesti en voleuse polonaise enceinte!) et une soprano à déguisement (elle-même masquée en parisien en visite), de cibler cette guerre des sexes, qui pimentent pour mieux les exciter, homme grivois et femme à tempérament.
Aux côtés de l’excellente Annamaria dell’Oste dans un rôle taillé pour Caffarelli, saluons aussi deux autres cantatrices tout autant convaincantes: Marina Comparato dans le rôle-titre, et Nicole Heaston dans celui de l’impératrice Sabina, finalement réhabilitée.
Dans la fosse, dès l’ouverture et d’une belle versatilité expressive pour l’intermezzo enchaîné à la fin du I, Ottavio Dantone, au clavier, ouvrage un Pergolesi jamais mécanique, toujours palpitant et juste. Belle résurrection d’un seria magnifiquement défendu. Dommage cependant que la réalisation visuelle manque autant d’imagination.

Pergolesi (1710-1736): Adriano in siria (livret de Métastase), Livietta e Tracollo (intermezzo), octobre 1734. Marina Comparato (Adriano), Lucia Cirillo (Emirena), Annamaria dell’Oste (Farnaspe), Nicole Heaston (Sabina), Stefano Ferrari (Osroa), Francesca Lombardi (Aquilio)… Academia Bizantina. Ottavio Dantone, direction. 2 dvd Opus Arte 8 09478 01065 4. Jesi, juin 2010.

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