jeudi 24 avril 2025

Ensemble Orchestral Contemporain.Daniel KawkaAmy, Dufourt… St-Etienne, du 20 au 28 janvier 2012

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Ensemble Orchestral Contemporain
Daniel Kawka
, direction
Amy, Dufourt, Morel
Festival Nouveau Siècle 2
Saint-Etienne, du 20 au 28 janvier 2012

Saint-Etienne, samedi 21 janvier 2012. Amy, Dufourt, Morel, Ensemble Orchestral Contemporain, dir. Daniel Kawka. Festival Nouveau Siècle, du 20 au 28 janvier 2012

Ayant créé voici deux ans à Grenoble l’une des importantes partitions que Hugues Dufourt consacre au lien avec la peinture « dramaturgique » (Les Chardons de Van Gogh), l’E.O.C de Daniel Kawka reprend l’oeuvre avec Le Temps du souffle (III) de Gilbert Amy, et une création de Jean-Marie-Morel. Ce concert s’inscrit dans une semaine stéphanoise, Festival Nouveau Siècle (2e édition).

La Correspondance des arts

On sait que désormais l’Ensemble Orchestral Contemporain piloté par Daniel Kawka compte dans le paysage du « bel aujourd’hui » français et même international. Installé dans la région stéphanoise – et administrativement à Lyon – : l’E.O.C. « rayonne en France et à l’étranger, proposant à tous les publics de découvrir les chefs-d’œuvre et les créations du répertoire XXe et XXIe, promouvant l’expression sonore incarnée par l’instrumental pur, la mixité des sources instrumentales et électro-acoustiques… » Le concert donné le 21 janvier à Saint-Etienne répond bien à ces définitions d’intentions permanentes, et en « citant » une création effectuée il y a deux ans à Grenoble – les 38e Rugissants de décembre -, reprend une partition du début de (ce) siècle, et en crée une autre. Pour « Les Chardons » d’après Van Gogh, Hugues Dufourt avait choisi non pas évidemment de paraphraser –une fois encore -l’un des peintres les plus mythiques de l’histoire, mais d’inscrire sa recherche de « formes, espace, temps » selon l’image projetée des arts visuels. Un effort obstiné distingue le compositeur de « Saturne » parmi ses confrères ou consoeurs : pas seulement l’emballement circonstanciel pour telle ou telle œuvre mais, diraient les spécialistes en clin d’œil au philosophe de métier que demeure H.Dufourt, quelque Esquisse pour une Phénoménologie et une Correspondance des arts…

Epaules de collines et courbes de femmes

Ainsi, relayant Cézanne et ses « assises géologiques du paysage », voire même ses unions entre « épaules de collines et courbes de femmes », H.Dufourt s’ «attache à restituer la vitalité sourde de la toile, son atmosphère d’embrasement, (rechercher) des agencements formels donnant au modelé de la masse sonore un rôle ambigu ». A ses instrumentistes, il adjoint un « alto principal » ( tiens, coucou Hector Berlioz promenant son Harold en Italie… ; ici, c’est Geneviève Strosser) qui « décrit la trajectoire idéale d’un mouvement irréel, spirales, volutes, arabesques, frayant son chemin dans un milieu constamment hostile ». Continuant sa réflexion critique –« la culture du son n’est pas, à mon sens, réductible à la science du son » – , H.Dufourt met en garde contre une lecture que ferait l’auditeur (à juste titre) séduit : « ce que j’écris n’a rien de commun avec une nouvelle forme d’impressionnisme : c’est le drame que je recherche dans la plastique des formes, structures dispersées et amplification indéfinie des actes, violence des masses tumultueuses comme celui du surgissement ou de l’essor ». Tout en reconnaissant que « la musique a en commun avec la peinture de pouvoir investir la couleur de qualités contraires ».

Cor principal

Si Hugues Dufourt est du côté des grands dramaturges mystérieux – Goya, Van Gogh, Giorgione… -, Gilbert Amy ne néglige certes pas le dialogue personnel avec la peinture, mais d’une façon plus distanciée d’avec sa propre démarche ; le Domaine… Pictural est ici plus lié au XXe et au XXIe, de préférence en terre « non figurative », et Paul Klee pourrait en être la figure tutélaire. Son Temps du Souffle (III) qui date de 2001 rassemble 13 instrumentistes, et ici également met en avant un « cor principal » : « l’un des plus beaux instruments qui soient », dit le compositeur qui en souligne la présence en romantisme allemand (Schumann – ah ! son concerto pour 4 cors ! -, Brahms…) : « il m’a séduit de mêler, voire d’opposer ce personnage du cor (Guillaume Tétu) à un ensemble composite, brillant mais aussi rendu très harmonique par la présence des claviers (piano, célesta), de la harpe, du vibraphone ou du marimba et même de l’exotique cymbalum. »

Les Antiques et l’air du soir

Quant au 3e compositeur au programme, il est… en « ombre double », puisqu’il s’agit de Jean-Marie Morel « transposant Debussy ». J.M.Morel a longtemps œuvré dans l’animation et la formation (Maison de la Culture de Grenoble, Intercontemporain, ENM de Chalon, conseil des études au CNSM de Lyon), mais ce pianiste, élève de P.Dervaux et de René Leibowitz, n’a pas cessé de composer en des domaines étendus, où apparaît nettement un rapport avec le théâtre et la danse. Il est ici transcripteur debussyste, à la demande de l’EOC qui l’avait déjà dirigé vers les Epigraphes Antiques. Six Préludes pour piano ont retenu son attention, deux « antiques » (Danseuses de Delphes, Canope), le baudelairien des « sons et des parfums tournant dans l’air du soir », l’un rien décadent de «la terrasse des audiences au clair de lune », et deux paysages plus sévères, Bruyères et Le vent dans la plaine. « Evocatrices, non descriptives », rappelle J.M.Morel à propos des 24 pièces ornées de sous-titres, qu’on devrait nommer post-titres auto-décernés par un Debussy distancié. « Contrairement aux apparences, commente S.Jarocinski, cela sert bien plus à voiler les intentions qu’à les exprimer ». J.M.Morel dit que son choix s’est porté sur « des Préludes en demi-teinte, plutôt que des pièces aux couleurs trop franches » – « pas la Couleur, rien que la nuance ! », conseillait l’inspirateur Verlaine. En n’oubliant pas le conseil mallarméen : « Suggérer, ne pas nommer ». Il n’empêche : « le violon frémit comme un cœur qu’on afflige », selon Baudelaire, et le compositeur ne double-t-il pas ce violon dans son effectif chambriste des 12 instruments ? Et puis Canope (« très calme et doucement triste »), ce vase funéraire pour les cendres des héros antiques – « Debussy possédait deux de ces vases surmontés de visages aux yeux fixes, attentifs à la seule éternité », avertit Marcel Marnat -, ne renferme-t-il pas « l’obsession de la fin », si présente pour l’auteur qui sentait désormais à son chevet « la maladie, la vieille servante de la mort » ? Dédiée à son créateur Daniel Kawka, la transposition de Jean-Marie Morel– qui n’est pas simple exercice – s’annonce riche de substance, d’arrière-plans et d’harmoniques.

Festival Nouveau Siècle, 2e

Le concert, lui aussi sous-titré « Le Temps du souffle », s’inscrit dans un ensemble festivalier, « Nouveau siècle », piloté pour la 2nde année à l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne. : « chacun des spectacles entre 20 et 28 janvier « invite les spectateurs à prendre le temps d’un voyage dans le présent. » On pourra ainsi entendre en ouverture un « Arbre aux fleurs », voyage temporel et géographique au Mexique proposé par Thierry Pécou – un créateur qu’on sait attentif au dépaysement et aux inspirations multiples-, Gabriela Ortiz et Guillermo Diego, que joueront l’Ensemble Variances et les Percussions Claviers de Lyon, l’un des groupes régionaux qui aident à dessiner avec intensité le paysage régional et français contemporain. Nous revenons ici même sur la création des Rêveries rousseauistes de Philippe Hersant par B.Tétu, ses Solistes de Lyon et des musiciens de l’Orchestre de Savoie. Du théâtre pour les petits (et grands), Drinnk me, dream me,une Alice au pays des merveilles (mise en scène de Yann Dacosta) et « Suivront mille ans de calme » (plût au ciel que cela fût vrai !), une chorégraphie d’Angelin Preljocaj, complèteront le dispositif 2012…

Saint Etienne Opéra Théâtre, samedi 21 janvier 2012, 18h. Le Temps du souffle, G.Amy . H.Dufourt,J.M.Morel, E.O.C. dir. D.Kawka. Festival Nouveau Siècle. Opéra Théâtre. Vendredi 20 janvier, 20h : L’arbre aux fleurs ( T.Pecou, G.Ortiz, G.Diego), Percussions Claviers, Variances. Mardi 24, 20h : Les Rêveries, Ph.Hersant, dir. B.Tétu. Jeudi 26 et vendredi 27, 20h : Drink me, dream me, mise en scène Yann Dacosta. A.. Preljocaj, samedi 28, 20h.
Information et réservation : T. 04 72 10 90 40 ; www.eoc.fr
T. 04 77 47 83 40 ; www.operatheatredesaintetienne.fr

Illustration: Hugues Dufourt (DR)
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