Cencic est accompagné par un groupe d’étoiles filantes et naissantes du firmament lyrique, dont l’abondance de talents et de sensibilités musicale se trouve parfaitement complétée par le Concerto Köln dirigé triomphalement par Diego Fasolis. Dès l’ouverture, nous sommes devant un orchestre plein d’entrain, aux vents prodigieux, aux cordes vigoureuses; les instrumentistes de très haut niveau montrent avec charme à quel point ils maîtrisent le swing et l’esprit particulier de la musique baroque napolitaine.
Le concert des astres
Le ténor Daniel Behle interprète le rôle d’Artabano avec brio. Le trouble éthique du personnage meurtrier se voix très bien représenté dans les passages difficiles de coloratura, correctement abordés mais sans l’éclatante virtuosité des autres chanteurs, forcément plus à l’aise dans ce chant fleuri du début du 18e siècle. Megabise, confident d’Artabano et amoureux de sa fille Semira, est interprété par l’un des nouveaux visages de la scène lyrique, Yuriy Mynenko. Le contre-ténor ukrainien donne une prestation ascendante; si sa voix est toujours belle et saine, il est plutôt timide au 1er acte. Le chanteur gagne en expression et en charisme au II, où il est même rayonnant. S’il meurt au 3e acte, il nous régale avant de partir avec un air virtuose plein de fureur où la magnanimité de son souffle et son contrôle totale des aigus dans des vocalises d’une longueur stupéfiante, s’imposent sans tension.
Semira, sœur d’Arbace et amoureuse d’Artaserse, est interprété par le jeune contre-ténor Valer Barna-Sabadus. Sa voix d’une douceur inouïe et d’une pureté immaculée, étonne non seulement par la couleur mais aussi par l’amplitude de son registre de sopraniste: tant d’art impressionne. Une véritable révélation, il fait preuve également d’une prodigieuse musicalité, sachant moduler ses passages virtuoses de coloratura avec sentiment et sensibilité.
Philippe Jaroussky interprète le rôle d’Artaserse, frère de Mandane et nouveau Roi de Perse. S’il a toujours une voix aérienne caractéristique, presque enfantine, c’est le chanteur qui la projette le mieux dans la salle. Sa performance est pleine des feux d’artifices vocaux qu’il gère sans le moindre problème comme nous l’attendons bien de sa part. Brillant sans doute, il manque cependant de mordant.
Max Emanuel Cencic est souffrant pour la première, mais il décide de se présenter quand même pour ne pas décevoir le public qui l’estime tant. Il est Mandane, sœur d’Artaserse et amoureuse d’Arbace. Malgré son état, il montre la qualité de son phrasé et une voix fleurie et chaleureuse depuis le début. Comédien d’une grande sensibilité, sa voix puissante est belle et exaltante dans tous les registres qu’il aborde avec brio et avec humour, mais aussi avec du charme. Son duo avec Arbace, fils d’Artabano, est certainement le moment le plus exquis de la soirée ; son chant touche les cœurs avec une fragilité et un pathos sensationnels.

L’entreprise de Max Emanuel Cencic pour la distribution masculine des talents qu’il organise pour la résurrection de l’éblouissant opéra de Leonardo Vinci (1690 – 1730) s’avère gagnante et d’une justesse indiscutable. Le compositeur napolitain est mort trop jeune mais la recréation d’Artaserse permet de contempler la beauté sublime de son art. Artaserse, outre ses joyaux vocaux s’appuie aussi sur le livret solide de Métastase qui crée d’ailleurs des vers d’une belle noblesse parnassienne. Les instrumentistes du Concerto Köln sont, quant à eux, des partenaires magnifiques.
Franco Fagioli propose un récital solo le 10 janvier 2013 à la Salle Gaveau pour un récital d’airs baroques. Max Emanuel Cencic, sera lui, au Théâtre des Champs Elysées avec l’ensemble Europa Galante le 15 février 2013 où il présentera la musique lyrique de Scarlatti, Handel, Vivaldi.
Les amateurs et les néphytes marqués par la révélation de l’opéra et des voix choisies pour le défendre se reporteront avec profit sur le coffret cd édité par Naïve (Artaserse, Vinci, Naïve).
Illustration: Max Emanuel Cencic (DR), Franco Fagioli (DR)