Centenaire Benjamin Britten, dossier spécial 2013. Toute l’oeuvre musicale de Britten est scellée par un secret traumatique et une identité refoulée, interdite. Même s’il a trouvé en la personne du ténor Peter Pears, devenu son compagnon de vie, ce « roc » insubmersible auprès duquel il trouvera réconfort et appui, le compositeur cache en lui-même un traumatisme dont peu ont osé parler: il aurait été enfant, abusé par l’un de ses professeurs…
Portrait pour le centenaire 2013
Identité secrète

précise un autre engagement du compositeur: son pacifisme militant.
Comme Objecteur de conscience, Britten et aussi Peter Pears, quitte l’Angleterre en guerre, pour rejoindre New York à partir de 1939 à 1942. Beaucoup de jaloux reprocheront aux deux hommes leur fuite et leur trahison.

très malade, est un testament artistique: l’homme s’y dévoile en figure
solitaire, contemplative, frappé et porté toujours par son idéal esthétique, jusqu’au terme de sa vie, alors qu’il est en perte d’inspiration, et physiquement très affaibli. Dans le portrait de l’écrivain Aschenbach (d’après le roman de Thomas Mann qui lui-même se serait inspiré d’un épisode autobiographique et aussi d’un élément de la biographie de Tchaïkovski), Britten y dépose ses aspirations les plus intimes.
De toute évidence, et l’engouement des scènes lyriques actuelles pour ses opéras en témoigne, de Peter Grimes à The turn of the screw, de Death in Venice au récent Albert Herring (d’après Maupassant), Benjamin Britten fait partie des compositeurs les plus essentiels du XXème siècle. Il est surprenant cependant que son centenaire ne suscite pas plus de productions ni de propositions de concerts.

nous, à une évocation de l’écriture lyrique de Benjamin Britten, mort le 4 décembre 1976. Lire notre dossier spécial Britten 2006

Faire le portrait du protagoniste de son premier opéra, suscite
immanquablement une série d’interrogations sur l’ensemble des portraits psychologiques que Britten a abordés : être homosexuel pour le compositeur, c’est éprouver la difficile aventure de la différence. Or cette différence suscite la condamnation de la société, la marginalisation du héros et souvent l’action tragique du remords et de la culpabilité… En lire +

se déclarant seul juge pour enregistrer ses propres oeuvres, Britten toujours réticent à l’idée d’une prise studio de ses partitions quand il ne s’agissait pas de les enregistrer lui-même, s’est découvert une passion pour la matière orchestrale et le somptueux ruban symphonique à partir de l’œuvre de son maître en la matière Franck Bridge. Depuis sa mort en 1976, l’interprétation des œuvres orchestrales de Britten est encore à écrire et à nourrir: il revient au mérite du coffret Emi classics de dresser comme un bilan d’un catalogue impressionnant: l’univers et les
imaginaires de Britten ne se limitaient guère à l’opéra ou la mélodies: ses ouvrages purement instrumentaux reflètent au contraire le fil jamais interrompu d’une pensée en pleine inspiration, toujours critique, jamais absente à l’idée d’un renouvellement. En lire +, lire notre critique intégrale du coffret Britten: the orchestral works

Britten. Le plateau dominé par le chœur masculin et féminin de Ian Bostridge et de Susan Gritton, exaltant, halluciné (palmes spéciales à Bostridge, prophète visionnaire souvent délirant et toujours articulé soit un narrateur/récitant de première valeur, grâce à ses couleurs nouvelles barytonantes) s’affirme au fur et à mesure de l’action parfaitement abjecte. Le chambrisme
irruptif et volcanique, qui laisse toute sa place au verbe incandescent de la tragédie antique, s’exprime ici librement sous la baguette ciselée et ouverte à l’étrange et au lugubre…
En lire +, lire notre critique intégrale du coffret Britten:The Rape of Lucretia (2 cd Virgin classics, juin 2011)

enregistrées montre qu’abondance ne nuit pas à la qualité. Le catalogue actuel compte déjà de très bonnes versions (dont celle aixoise publiée par Bel Air classiques). Qu’en est-il de celle-ci en provenance de Glyndebourne, éditée par Fra Musica ?
Relève-t-elle tous les défis d’une partition insidieuse, où ce
chambrisme brittenien s’il confine à l’épure, dévoile en vérité la face cachée souterraine des esprits machiavéliques tapis dans l’ombre … Au cœur de l’action du Tour d’écrou, il y a cette innocence menacée (thème
central dans l’œuvre de Britten et que l’on retrouve dans Peter Grimes, Billy Bud…), sujet de toutes les aspirations et turpitudes d’entités mi réelles mi rêvées qui agressent ici les enfants. Certes le texte de Henry James offre le sujet mais la musique de Britten souligne la force des tensions implicites, l’étouffement psychologique dont sont victimes les innocents (comme dans Le viol de Lucrèce, autre opéra dans une forme personnelle, chambriste).
Lire notre critique intégrale de The Turn of the screw ( 1 dvd Fra Musica)