mercredi 23 avril 2025

Bellini : I Puritani

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Paris, Opéra Bastille. Du 25 novembre au 19 décembre 2013. Passionnément romantique, l’Europe et les grands écrivains se mettent au diapason italien… la Mignon de Goethe chante sa fascination pour le spectacle d’un oranger florissant ; stendhal surtout et sa Chartreuse de … Parme, et même Heine choisissent entre autres Florence et Rome comme décors de leurs intrigues romanesques. Et le russe, Glinka se ressource dans l’opéra italien pour forger l’élan vital de ses propres ouvrages lyriques. En 1835, Bellini avant d’expirer à Puteaux livre son manuscrit d’un nouvel opéra destiné au Théâtre Italien: I Puritani, sommet du génie de Catane,  créé la même année à Paris, par quatre des plus grands chanteurs de l’heure, la Grisi, Rubini, Tamburini et Lablache … quatuor vocal légendaire qui demeure depuis emblematique du Paris romantique.

L’intrigue se déroule dans l’ Angleterre baroque du XVII eme. Au deuxième acte, parce qu’elle se croit abandonnée et trahie par celui qu’elle aime-, Elvira paraît folle, exhalant une mélodie d’une déchirante pureté qui inspirera un nocturne à Frédéric Chopin. La vogue des Puritains emporta tout avec elle et même Bellini qui fatalement s’éteignit quelques mois après la création en France non loin de Paris, curieusement abandonné de tous. Le génie lyrique ne laissait pas alors son ultime ouvrage : il s’agissait aussi d’ un nouveau sommet de l’opéra romantique italien marquant définitivement l’histoire de l ‘opéra à Paris. Quelques mois plus tard, les parisiens recoivent un second choc bellinien avec la création parisienne de Norma : Bellini était mort mais il n’avait jamais été plus célébré dans la Capitale française.

Vincenzo Bellini
Les Puritains, 1835

9 représentations à l’Opéra Bastille
Du 25 novembre au 19 décembre 2013

Michele Mariotti, direction
Laurent Pelly, mise en scène
Maria Agresta, Elvira
Dmitry Korchak / René Barbera (17 et 19 décembre), Arturo

vincenzo-bellini-1Le dernier opéra de Vincenzo Bellini (portrait ci-contre) indique clairement de nouvelles évolutions pour l’opéra italien romantique des années 1830: rôles plus aigus, foisonnement dramatique de l’orchestre et vocalità aérienne et suspendue voire crépusculaire d’une pureté absolue, celle là même qui captiva Chopin. Le vrai défi des Puritains comme pour Norma, reste les chanteurs… vrais détenteurs de ce bel canto si difficile à réaliser. Comment retrouver cette couleur et ce style qui n’a rien de commun avec Rossini, qui ne peut se satisfaire de l’abattage verdien ou du vérisme pathétique puccinien? Il s’agit bien de retrouver cet art fragile (morbidezza) entre vocalità et agilità qui s’éloigne de l’idéal rossinien, sans posséder encore le dramatisme verdien.

L’art bellinien étant par excellence celui de la mesure, de la finesse: on est en droit d’attendre de vrais interprètes acteurs et chanteurs, pour qui chanter signifie articuler, phraser, colorer, dire, articuler, respirer le texte. Qu’en sera-t-il par exemple du rôle d’ Arturo Talbot, qui exige un ténor d’agilità et dramatique, alliant vaillance et angélisme, naturel et articulation ? De même pour Elvira, âme loyale et pure, incarnation fragile des héroïnes féminines en proie au déséquilibre mental ? Le personnage de cette jeune âme romantique qui est abandonnée par son fiancé, le jour de ses noces, offre une composition des plus captivantes: Ophélie déchirante, anéantie… son dernier air au I où l’abandonnée, trahie, sombre dans la folie reste un très grand moment psychologique.
Et qu’espérer tout autant du rôle de Giorgio Valton (l’oncle d’Elvira); à la fois protecteur et père de substitution pour une Elivra dont le baryton basse capte les pulsions de folie grandissante…

 

 

Les Puritains à Paris

 

Il y eut I Capuletti e i Montecchi ; ici, les clans opposés, Puritains réformistes menés par Cromwell, Cavaliers royalistes partisans des Stuart (Valton), défenseurs comme Arturo de la Reine veuve, se déchirent. A ce titre, bien que fiancé à la première fille des Puritains, Arturo le monarchiste sait jurer sa foi et sa fidélité à la Reine qu’on emmène à l’échafaud… Bellini resserre l’effet des contrastes en faisant paraître la jeune fiancée, étendard émotionnel des Puritains en présence du duo des royalistes (la Reine et son champion Arturo): exposition simultanée des tempéraments, totalement génial.

Ecouter les Puritains permet de mesurer le génie lyrique et dramatique du dernier Bellini: il ambitionnait de créer à Paris, l’équivalent de Guillaume Tell, un opéra romantique français digne de ce nom. Les Puritains marquent évidemment un cap dans son écriture: l’exposition des caractères n’y est jamais artificielle, comme le seront parfois les premiers opéras de Verdi. En choisissant d’intituler son opéra Les Puritains, Bellini se place du côté des « méchants », ces antiroyalistes (les Valton) dont la métamorphose est le sujet central de l’opéra : pour sauver la santé mentale d’Elvira et son amour, ils savent pardonner à leur pire ennemi Talbot. Un aspect psychologique que l’on oublie souvent (où s’inscrit triomphant telle un nouvel humanisme bellinien désormais assumé : le sentiment de fraternité et de compassion) et qui fait cependant toute la modernité de cette action inspirée du roman gothique romantique…

 

 

approfondir
DVD. Vincenzo Bellini: I Puritani, 1835. Juan Diego Florez (Arturo Talbot). Nino Machaidze (Elvira), Gabriele Viviani (Riccardo Valton)… Orchestra e coro del teatro comunale di Bologna. Michele Mariotti, direction. Pier’Alli, mise en scène (DECCA)

 

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