dimanche 20 avril 2025

Agostino Steffani (1654-1728), portraitCompositeur, évêque et diplomate

A lire aussi

De Venise à Munich

Né à Castelfranco (Vénétie), le jeune Agostino Steffano, choriste virtuose à San Marco de Venise, est remarqué par le Comte Georg Ignaz von Tattenbach qui l’engage dès 1667 à son service à Munich: le jeune musicien apprend son métier auprès de l’organiste Kaspar Kerll. En 1673, Steffani rejoint Rome pour y parfaire son apprentissage auprès de Ercole Bernabei, en particulier dans le registre sacré (6 motets). A son retour à Munich, Steffani devient prêtre et « abbé de Lepsing »; il est nommé organiste de la Cour (1675). Il n’a que 21 ans. Mais en plus de sa carrière musicale, il aurait aussi joué un rôle diplomatique en France et en Italie du nord, tout en jouant du clavecin devant Louis XIV. Composition, clavier, diplomatie… le cas des artistes virtuoses, missionnés par les Grands n’est pas rare: Steffani rappelle l’envergure d’Alessandro Striggio, serviteur zélé des Medicis à Florence et auteur de la fameuse Messe à 40 parties séparées à la fin du XVIè.
Dans les années 1670, le jeune Steffani est un contrapuntiste accompli comme l’atteste sa Psalmodia vespertina (1674).

Un ecclésiastique diplomate très estimé

Autorité religieuse, Steffani marque aussi sa vie durant, l’évolution de l’écriture théâtrale et lyrique.
L’oeuvre scénique de Steffani débute avec le très lulliste Marco Aurelio (Carnaval de Munich, 1681) auquel succèdent rapidement Solone (1685), Servio Tullio (1686), Alarico (1687), Niobe (1688).
Congédié par l’Electeur Maximilien Emmanuel à Munich, Steffani accepte le poste de Kapellmeister à la Cour de Hanovre en 1688: le Duc de Brunswick-Lunebourg, Electeur de Hanovre l’avait approché depuis 1681; le compositeur veille en particulier à l’éducation musicale de la fille du Duc: Sophia Charlotte, bientôt Reine de Prusse.

Hanovre: l’essor lyrique

A Hanovre, Steffani rencontre Leibniz, mais aussi de nombreux lettrés et intellectuels actifs. En 1710, il accueille le jeune Haendel, alors au début de sa brillante carrière.
Le Duc électeur de Hanovre avait repéré en Steffani, l’auteur d’opéras italiens, désirant offrir à sa cour le prestige d’une série d’opéras nouveaux pour son théâtre inauguré en 1689, ce que réalise Steffani (sur les livrets de l’Abbé Mauro):
Enrico il Leone
(1689) marque l’inauguration du nouveau lieu. Puis suivent, La Lolta d’Ercole con Achilleo (1689), La Superbia d’Alessandro (1690), Orlando generoso (1691), Le Rivali concordi (1692), La Liberia contenta (1693), I Trionfi del Job et I Baccanali (1695), Briseide (1696, livret de Palmieri).
Quand le Duc électeur de Hanovre devient roi d’Angleterre sous le nom de George Ier (1714), l’ensemble des partitions de Steffani (opéras, duos, recueil de mélodies…) passe dans le fonds des archives britanniques (les manuscrits des opéras sont tous conservés au Palais de Buckingham).

Düsseldorf

Steffani occupe alors une place politique majeure devenant l’ambassadeur extraordinaire du nouvel Electeur Ernest Auguste (1692) auprès des multiples cours allemandes. A partir de 1696, ses services sont tellement profitables pour l’église catholique que le compositeur, distingué par le pape Innocent XI, est nommé évêque de Spiga aux Indes espagnoles orientales. Entre 1709 et 1723, Steffani devient Vicaire Apostolique en Haute et Basse Saxe. Puis en 1698, le musicien est envoyé à Bruxelles comme ambassadeur; il entre au service de l’Electeur Palatin à Düsseldorf. Toutes ses fonctions diplomatiques ne l’empêchent pas de poursuivre son oeuvre lyrique et théâtrale.

Arminio écrit pour Düsseldorf en 1707 se distingue ainsi sans comporter de nom d’auteur…
En 1709, Steffani diplomate reconnu, sait préserver son inspiration de compositeur: il assure la production de deux nouveaux opéras: Enea pour Hanovre et Tassilone à Düsseldorf, signés du nom de … son secrétaire et copiste Gregorio Piva !
Célébré, le compositeur est nommé président honoraire à vie à la tête de l’Académie de musique ancienne à Londres en 1724. En réponse à cette nomination, Steffani écrit un superbe Stabat Mater pour 6 voix et orchestre, ainsi que ses 3 derniers madrigaux.
On lui attribue aussi un non moins remarquable Confitebor à 3 voix et
orchestre, datant de la même période: autre preuve éloquente de
l’inspiration du maître sur le registre sacré …

L’œuvre
musicale de Steffani montre le génie oublié d’un auteur baroque dont
l’envergure avant Gluck s’inscrit à l’échelle européenne. Les activités
du diplomate ont très certainement orienté l’évolution stylistique et
formelle du compositeur; outre ses œuvres sacrées, ses opéras et surtout
ses magnifiques duos vocaux parlent aujourd’hui pour son immense
talent.

Les duos de chambre: un sommet musical

Le raffinement et la caractérisation des duos de Steffani peuvent être facilement comparés avec ceux tout aussi aboutis de son contemporain Carlo Maria Clari (1669–1745) accompagnés par une basse continue particulièrement souple et individualisée.
Les duos vocaux de Steffani incarne un âge d’or du style raffiné et aristocratique au passage du XVIIè et du XVIIIè: la sensualité mesurée, la classicisme olympien de leur forme attestent d’un immense compositeur, soucieux de dramatisme comme de clarté poétique dans l’expression des images du texte. Il atteint la perfection de son contemporain Alessandro Scarlatti et par la sincérité émotionnelle du sentiment concerné annonce déjà la grâce comme la vérité mozartienne.
Steffani semble prendre grand soin à l’édition de ses duos si originaux et délicats à Munich en 1679. C’est un style qui rend hommage à la suavité et à l’élégance italienne. Un dernier séjour Italien en 1727 lui permet de revoir le jeune Haendel alors au faite de sa récente gloire : le cadet qu’il retrouve au Palazzo Ottoboni, lui rend un hommage appuyé, reconnaissant en aîné, un homme chaleureux qui avait su à ses débuts soutenir ses premiers efforts dans la carrière… Alors chargé d’une nouvelle mission diplomatique en rapport avec Frankfurt, Agostino Steffani s’éteint quelques mois plus tard, à Hanovre, le 12 février 1728.

Illustrations:
Agostino steffani, évêque de Spiga
Ernst August de Hanovre (1629-1698), nommé Electeur par Leopold Ier en 1692
George Ier de Hanovre (1660-1727), roi d’Angleterre en 1714
Le Pape Innocent XI
Derniers articles

CRITIQUE, concert. 3ème Festival de Pâques de Peralada. PERALADA, Iglesia del Carmen, le 18 avril 2025. Benjamin APPL (baryton), Ensemble Vespres d’Anardi, Dani Espasa...

Le baryton allemand Benjamin Appl, l’une des voix les plus raffinées et polyvalentes de la scène lyrique actuelle, a...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img