mercredi 23 avril 2025

Albert Roussel: Le Festin de l’araignée, PadmâvatîStéphane Denève (1 cd Naxos)

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Finesse dynamique, subtilité du style, précision et transparence idéale de la parure orchestrale… Stéphane Denève, défenseur de l’oeuvre roussellien grâce à une quasi intégrale en cours amorcée pour Naxos, retrouve l’inspiration et la finesse colorée de ses premiers opus.


Enchantement rousselliens


Dans Le festin de l’araignée
qui est au départ un ballet pantomime (1912), les insectes danseurs pris dans la toile de l’immense araignée réalisaient une féerie animalière, très applaudie dès la création parisienne au Théâtre des Arts. L’enchantement tient ici plus de l’exceptionnelle sensibilité de l’orchestration, l’une des plus cristallines jamais écrites au début du XXème siècle, véritable manifeste et sommet de l’école française symphonique (avec dans le même registre naturaliste et d’un pointillisme d’orfèvre, L’Enfant et les sortilèges de Ravel, 1925). Fourmis travailleuses, danse du papillon, surtout naissance, danse et funérailles d’un éphémère (cor anglais et clarinette), Araignée dévoreuse, elle même tuée par une mante… le jardin suscite à l’orchestre une pulsation et une mise en place qui exigent précision et fluidité, concision quasi pointilliste qui n’empêche jamais malgré son argument reconnaissable, une part immense de poésie pure. C’est là que la direction de Stéphane Denève se montre jubilatoire: en effectif moyen, donc tous très exposés, chacun défendant sa partie, les instrumentistes du Royal Scottish national orchestra se révèlent époustouflants de candeur émerveillée, de tendresse élégiaque… d’articulation et de subtilité. Un modèle de direction et de sonorité.

Le chef récidive un geste convaincant qui révèle la grâce et la ciselure d’un Roussel qui égale directement le meilleur Ravel et aussi Debussy lequel paraîtrait en comparaison plus trouble et sensuel. La mécanique roussellienne qui s’appuie sur une structure hagogique très complexe et si originale (début du 2 pour l’entrée des fourmis, début trépidant du 7 surtout… pour leur ronde) ressort ici incandescente, rendue perceptible dans une magistrale clarté. D’autant que la prise de son détaillée et naturelle rend service à la direction toute en nuance et si alllusive du maestro.

Sa prodigieuse compréhension vis à vis de l’architecture du texte sait aussi trouver les jutes respirations ; c’est surtout un équilibre souverain dans les alliages de timbres (cordes et éclats des cuivres dans le final du 7) dont le poli particulier souligne l’extrême délicatesse de l’orchestrateur. Quel contraste ensuite saisissant avec le début du 8: climat de mystère et de suspension arachnéenne (avec citations debussyste des cuivres)… pour l’éclosion de l’éphémère.

C’est enfin après les péripéties mutliples et les morts en série, le retour au calme lumineux du début (plage 12: funérailles de l’éphémère) comme une réitération du premier thème, à présent doublement pacificatrice… énoncée par la flûte qui cite la paix de Pan dans une nature enfin idyllique, resplendisante, arcadienne.

Dans les deux Suites de l’opéra Padmâvatî, l’irisation des couleurs se double d’une ivresse mystérieuse, miroir du poison souterrain qui emporte les protagonistes. L’orientalisme hindou ciselé là encore par un Roussel qui avait fait le voyage en Inde, se distingue par le raffinement de l’inspiration. Le chef toujours aussi inspiré exprime les ressorts du drame, colorant, nuançant avec une sensibilité accrue et progressive, la très fine structure de la partition. C’est un travail de ciselure et millémétré qui rend hommage à l’un des orchestrateurs français les plus intéressants, ici au tournant des années de guerre 1914-1918. Parfums envoûtants du 15 (flûte solo), surtout raffinements fauves et crépusculaires des cuivres accompagnant le final (17) et qui témoigne d’une très fine connaissance des couleurs de l’orchestre, des mille nuances de l’instrumentation. Magistral album de symphonisme français. L’intériorité dont fait preuve Stéphane Denève le montre exceptionnel roussellien, plus sincère et habité que Christophe Eschenbach dont l’intégrale des symphonies n’avait pas convaincu totalement, manquant de cette élégance profonde, cette sincérité poétique de ton qui sont magistralement maîtrisées ici.

Albert Roussel: Le festin de l’Araignée, Padmâvatî. Royal Scottish national orchestra. Stéphane Denève, direction. Enregistré en 2010. A cd Naxos. 8.572243. Durée: 54 mn.

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