lundi 21 avril 2025

Anton Bruckner: Symphonie n°9 France Musique, dimanche 6 décembre 2009 à 10h

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Anton Bruckner

Symphonie n°9

en ré mineur (A 124), 1903

France Musique

La Tribune des critiques de disques

Dimanche 6 décembre 2009 à 10h

Lyrique, épique, chaque symphonie de Bruckner est un développement formel propre à partir d’une même cellule mère. Pure recherche musicale, chaque opus offre au compositeur, admiré par Mahler et qui lui même estimait particulièrement Wagner, l’occasion d’affiner son orchestration, très influencé par sona ctivité d’organiste. Ainsi la registration organistique est évidente dans son écriture. Chaque partie instrumentale y est caractérisée par corpus nettement distincts: cuivres monumentaux, cordes, bois et vents… Insatisfait, inquiet et parfois influençable ou particulièrement exigeant, Bruckner ne cesse de réviser chaque opus, modifiant après la création, apportant bon nombre de versions différentes souvent contradictoires. L’interprète est ainsi confronté à une série d’options innombrables entre les éditions opérées par Robert Haas et Leopold Nowak, chacun faisant son grain des modifications ajoutées par le musicien de son vivant, mais sachant tous deux écarter les lectures rectifiées après sa mort ou sans son aval.
Sur les pas de l’architecte
Bruckner, gravissant ses sommets, tentant à chaque approche d’en
exprimer vertiges et quête spirituelle, il importe aux chefs d’en exprimer la puissante ossature comme les
aspirations mystiques.

La genèse longue d’une oeuvre inachevée
Comme Beethoven, l’oeuvre de Bruckner ne dépasse pas l’opus 9. La
Symphonie n°9, ultime parcours d’un cheminement d’une vaste
interrogation formelle sur le plan de l’écriture, remonte pour ses
premières esquisses à 1887. Or l’insuccès et même le rejet suscité par
la Symphonie n°8, portèrent un coup profond à l’enthousiasme du
compositeur… qui ne reprit son ultime opus qu’en avril 1891.
Atteint de pleurésie, Bruckner ne peut achever son finale, laissé à l’état (avancé) d’ébauches. Il put néanmoins achever le troisième mouvement, Adagio, le 30 novembre 1894. Il ne restait à Bruckner que 2 ans à vivre.

Ultime opus aux portes de l’éternité
L’oeuvre fut « créée » à Vienne le 11 février 1903, sous la baguette de Ferdinand Löwe qui inscrit en place du mouvement final, le Te Deum,
selon des recommandations transmises sans certitude par Bruckner à la
fin de sa carrière.
Aujourd’hui, les chefs s’accordent à utiliser la matériau originel,
soit 480 mesures autographes, ou terminer à la fin de l’Adagio.
Le cycle est un testament musical et un adieu qui cite de nombreuses
oeuvres antérieures en particulier sacrées (Kyrie, Miserere de la Messe
en ré mineur, ou Benedictus de la Messe en fa…). C’est dire
l’approfondissement et la volonté de dépassement et d’élévation
spirituelle, souhaitée et éprouvée par l’auteur. Ainsi les cuivres qui
à la fin du premier mouvement « Feierlich, misterioso« ,
portent un mouvement ascensionnel irrépressible, d’une force et d’une
volonté inouïes, qui conduisent aux portes de l’éternité. Par
contraste, le Scherzo exprime la terreur des êtres qui se
sont détournés de la voie et des visions célestes, ici se tordent en
convulsions atroces, les damnés de l’Apocalypse. Enfin, l’Adagio fait entendre l’hymne salvateur et réconfortant qui apporte la paix tant recherchée: l’Abschied von leben
(l’adieu à la vie), clamé en choral par les tubas. Jamais Bruckner n’a
imaginé de tableaux plus vertigineux ni ressenti avec une telle
ferveur, et une pleine conscience, lucide et compassionnelle, la
réalité de la condition humaine, heureusement sauvée par son exigence
spirituelle…

Illustration: Anton Bruckner (DR)

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