mardi 22 avril 2025

Antonio Vivaldi, Rosmira FedeleOpéra de Nice, le 21 mars 2003

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Antonio Vivaldi,
Rosmira Fedele


Opéra de Nice, mars 2003. Recréation

L’opéra de Nice présentait vendredi 21 mars 2003, la « première » de « Rosmira Fedele », dernier ouvrage lyrique du Prêtre-musicien. Cette nouvelle production fut particulièrement convaincante et l’objet de révélations en cascade. « Directeur des coulisses » se délectant des changements de décors et des dispositifs scéniques, le metteur en scène Gilbert Blin, depuis ses « premières armes » chez Rameau en particulier, chez Lully (Thésée) et Haendel (Alcina) a démontré – avec tact -, combien il est connaisseur du théâtre baroque. Son inventivité qui s’appuie sur le sens du théâtre et de l’action captive. Constamment, on est saisi par l’intelligence dosée des trouvailles qui citent l’esprit du Versailles Rococo et de l’architecte italien Bibiena qui travailla d’ailleurs avec le compositeur, six ans auparavant, pour sa « Fida Ninfa » à Vérone : théâtre dans le théâtre, perspectives de jardins à l’infini, architectures illusionnistes. Un comble de l’artifice et de l’illusion baroque qui pourtant s’appuie sur des caractères psychologiques consistants.

Dans ce « pasticcio » où Vivaldi réemploie aux côtés de nouveaux morceaux, des airs déjà composés signés de sa main ou de celle de ses contemporains et non des moindres, Hasse, Haendel et Pergolèse, se croisent plusieurs personnages aux registres tranchés. Un trio héroïque : la Reine Partenope, son « favori » Arsace et Rosmira, personnage vedette de l’ouvrage (travesti dans l’action sous le nom du prince Eurimène). Suit un couple semi comique, la princesse Ersilia, amoureuse éternellement éconduite, et le rival d’Arsace, Emilio, une sorte de combattant grotesque. Enfin, deux autres figures de la noblesse militaire : les « chevaliers » Armindo et Ormonte. Outre la magie des décors, les costumes semblaient dérivés d’un tableau galant à la Tiepolo. L’art des référence n’empêche pas l’expression parodique de la vie : souvent, par la vivacité habitée des mines, la fluidité chorégraphiée des gestes, la science des éclairages, on se croit plonger dans la truculence et l’ivresse raffinée du « Farinelli » de Gérard Corbiau et des « Aventures du Baron de Münchausen » de Terry Gilliam.

Sur les planches, une constellation de solistes proche de l’excellence a donné la mesure du génie Vivaldien : on connaissait son talent de compositeur, on aura mesuré le talent de l’impresario. Le choix des réemplois puisés chez ses « confrères », l’écriture des morceaux autographes dont ceux d’Arsace (subtile et émouvante Salomé Haller, déclarée « révélation lyrique de l’année 2003 » par le dernier jury des Victoires de la musique), la construction dramatique de cet « assemblage » confirme la vision d’un homme de théâtre de première importance: l’égal de Haendel.

Les amateurs de bel canto baroque auront été généreusement gâtés : le sopraniste Jacek Laszczkowski a filé ses aigus de diamants ; la mezzo Claire Brua incarnait, timbre trempé dans un velours somptueusement sombre, une Partenope tour à tour amoureuse et guerrière ; le baryton Philippe Cantor donnait au rôle d’Emilio sa truculence dérisoire, son côté « capitaine Fracasse », perroquet déplumé. Portée par une distribution jubilatoire, l’audience niçoise a salué avec raison les trois révélations, éblouissantes d’émotion, de technicité et de brio articulé : le toujours vaillant John Elwes, ténor bouleversant de dignité conférant au rôle d’Ormonte, le piquant nécessaire.

Egale figure de l’humanité sincère, la soprano italienne Rossana Bertini a donné au rôle d’Ersilia, son visage douloureux, d’intrigante trahie, d’amoureuse naïve, un soupçon nympho. Enfin, dans le rôle central, celui de « Rosmira », la jeune mezzo Marianna Pizzolato imposait un feu rare : récitatifs exemplaires d’articulation et d’accentuation naturelles, timbre musical, présence scénique éblouissante, énergie stupéfiante courant d’un bout à l’autre du théâtre avec une malice communicante. Un nouveau talent promis à une superbe carrière. Dans la fosse, l’Orchestre baroque de Nice porté par son chef violoniste, Gilbert Bezzina, exprimait le nerf foisonnant de partitions subtiles et nuancées.

Souhaitons à cette production de nouvelles étapes hexagonales, tant sa séduction vocale et visuelle tient du miracle. Après « La Vérità in Cimento » dirigée en 2002 par Jean-Christophe Spinosi qui devrait ciseler un nouvel ouvrage de Vivaldi (L’Orlando Furioso) à Ambronay en septembre 2003, voici la meilleure réalisation scénique illustrant la vague très persistante des opéras vivaldiens. Pourvu qu’elle se maintienne avec le même éclat.

Crédits photographiques
© Opéra de Nice 2003

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