vendredi 25 avril 2025

Bach: Motets. Franck-Emmanuel Comte Lyon, Temple Lanterne. Les 21, 23 et 24 octobre 2007

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Jean-Sébastien Bach
Motets


Le Concert de l’Hostel Dieu
Franck-Emmanuel Comte
, direction
Les 21, 23 et 24 octobre 2007
Lyon, Temple Lanterne

La nouvelle saison du Concert de l’Hostel Dieu est aussi celle du 15 ème anniversaire de ce groupe de recherche et d’interprétation fondé et animé par Franck-Emmanuel Comte. Le premier concert se dirige vers la rayonnante beauté des Motets de J.S.Bach, partitions finalement peu jouées et qui exigent de leurs interprètes une grande fidélité à l’esprit mystique du Cantor de Leipzig.

Des oeuvres pas si bien connues
De J.S.Bach, on « connaît » les Cantates, ou plutôt leur univers. Les Passions. La Messe en si mineur. Et les Motets, tout au moins les 4 qui sont reconnus par la musicologie ? Les spécialistes insistent curieusement sur le fait que ces œuvres, justement à la différence des cantates et de bien des partitions instrumentales, n’ont jamais été délaissées, même pendant la grande éclipse entre la mort du Cantor et les résurrections engagées par Mendelssohn. Comment alors expliquer que ces BWV 225,227, 229 et 230 ne soient pas aujourd’hui parmi les « favoris » des internautes-mélomanes (et des autres) ? Sans doute peut-on penser que ces partitions, traduisant l’essence même du génie de Bach, seraient trop sévères, et que même à l’ère du renouveau baroqueux il y a en elles trop d’austérité, continûment. Et pourtant, par ailleurs, ce qui fait l’un des critères primordiaux du baroque poétique et musical, la symbolique musicale exprimée par la rhétorique et ses figuralismes, s’y trouve à chaque séquence, si vivante et imagée. Allez comprendre… En toute hypothèse de sociologie du goût, combien le Concert de l’Hostel Dieu a-t-il raison d’ouvrir sa saison sur l’interprétation intégrale de ces Motets, ne fût-ce que mieux faire sentir à ses auditeurs la nécessité non seulement d’aller chercher de l’inédit dans les trésors de bibliothèques – l’un des soucis du Groupe lyonnais -, mais de puiser à l’inépuisable fontaine de jouvence de certaines œuvres « en libre circulation » !

Mort et vie spirituelles
On a longtemps répandu l’idée que ces Motets avaient été écrits à fin pédagogique, mais il s’agit avec eux de composition pour le service religieux funèbre, quelque part entre 1723 et 1729. Leur rapport en profondeur avec la mort est évident quand on lit les textes-supports, et même si l’un d’entre eux (225) semble avoir célébré la vie d’un souverain –Auguste Ier de Saxe -, c’est après une grave maladie qui l’avait placé aux portes du trépas. Mais qu’on ne s’y trompe pas : « le thème de la Gute nacht – bonne nuit – métaphore poétique d’une mort douce et sereine pour celui qui croit en Dieu parcourt l’œuvre du cantor », explique Franck-Emmanuel Comte, qui affirme ensuite que « les motets ne sont en aucun cas sombres et douloureux. Architectures lumineuses empreintes d’italianismes, chacune de ces grandes fresques se construit autour d’un choral central, porteur de la foi profonde. »
En fait, ces motets s’inscrivent dans le réseau très complexe des figures de style du piétisme auquel adhérait Bach, et la somme des interrogations de la musicologie révèle pour chaque mot un extraordinaire ensemble de détails ascensionnels ou désinents, d’inflexions et d’accents, qui paraissent assez lointains pour l’auditeur peu habitué au fonctionnement de la rhétorique musicale, de la decoratio, de l’inventio ou de la suspiratio. Les spécialistes comme Philippe Herreweghe – ou ici, F.E.Comte – en dressent pour leurs interprétations un catalogue qui n’est pas énumération, mais cherche le sens de l’œuvre, l’esprit (geist) qui souffle sans trêve. La seule imbrication pour le BWV 227 – Jesu meine Freude -, peut-être le plus saisissant et poignant de ces motets – des textes venus d’une épître de Saint Paul et de ceux qui appartiennent à un pieux poème de Johann Franck signifie que deux cycles ont « une thématique différente et complémentaire », selon Philippe Hereweghe. Le premier emblématise l’adieu du corps à la terre ; le 2ème exhorte l’âme à s’envoler vers son Dieu. Au centre, le « ne vivez pas selon la chair, mais selon l’esprit » résume toute cette pensée, et Bach lui donne la forme d’une fugue, symbole de l’immatériel… »

Le soleil intérieur des Motets
Pour ce qui constitue donc « un sommet absolu de la polyphonie occidentale » – et qui est complété en concert par deux cantates pour alto (BWV 53 et 54, avec l’alto Paulin Bündgen) -, F.E.Comte a choisi la solution désormais la plus couramment retenue, du soutien instrumental, ici discret (un violon, deux violes, un violoncelle, un petit orgue). Après le triptyque flamboyant des cités italiennes qui marquait la saison 2006-2007, le 1er concert avec la célébration fervente de Bach a valeur de manifeste, ce qui n’empêchera pas ensuite de se tourner vers « la richesse culturelle des provinces françaises » (Campra, Bouzignac) ou la splendeur « parisienne » de M.A.Charpentier, voire l’originalité espagnole ou…irlandaise de « deux artistes globe-trotters, Carolan et Santiago ».
La discographie de l’Hostel Dieu est d’ailleurs pour l’instant davantage marquée par les parutions italiennes (Stradella, Haendel…en Italie, le récent A.Scarlatti, Martyre de Sainte-Ursule, Ligia Digital), et l’à-paraître (début 2008) de O’Carolan, ou leurs plus anciens Français (Rameau ; J.B.Gouffet). Les intentions de travail sont nettement indiquées : « valorisation du patrimoine régional baroque, trait d’union entre Italie et France ; programmes musicaux interdisciplinaires, musique savante et populaire XVIIe et XVIIIe ; relecture des grandes pages du répertoire baroque ». Et le volet « recherche » figure bien parmi les priorités permanentes, notamment pour les manuscrits de toutes dates et provenances inclus dans le si riche fonds des bibliothèques lyonnaises. Dimanche après-midi, on pourra même faire précéder le concert d’un « rendez-vous patrimoine », ambulation dans le paysage, « sur les pas des protestants à Lyon »… Cap plus au nord, donc, pour ce premier concert, et vers le soleil intérieur du J.S.Bach le plus rayonnant, en ce lieu austère mais propre au recueillement de l’âme musicale qu’est le Temple Lanterne de Lyon…

Concert de l’Hostel Dieu, dir. F.E.Comte. Motets de J.S.Bach (1685-1750) :BWV 225, 227, 229, 230 ; cantates pour alto (BWV.53 et 54), avec Paulin Bündgen. Dimanche 21 octobre (17h), mardi 23 et mercredi 24 (20h30), Temple Lanterne, 10 rue Lanterne, 60002 . Lyon. Rendez-vous patrimoine dimanche 21, à 15h. Information et réservation : T. 04 78 42 27 78 ou www.concert-hosteldieu.com

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