Concerto
pour orchestre, 1942
France 2
Clair de lune. Les Clefs de l’orchestre
Lundi 16 février 2009
Dernière partie de soirée. Autour de minuit…
A 62 ans, Bartok compose son Concerto pour orchestre, en 1942, en pleine guerre mondiale. L’oeuvre résonne évidemment de la rumeur des armes et du climat humain, tendu et mordant.
Sur le plan de la forme, l’idée de Bartok semble saugrenue, tout au moins surprenante voire révolutionnaire: comment écrire un Concerto pour orchestre quand la tradition développe ce genre musical pour mettre en avant la virtuosité solistique d’un seul instrument, confronté/dialogué avec la masse orchestrale? Pourtant l’idée n’est pas exceptionnelle puisque Hindemith, Kodaly et aussi Albert Roussel se « risquent » dans l’exercice!
Il s’agit en fait de mettre en avant les musiciens de l’orchestre comme s’il s’agissait de solistes. Toutes les facette de l’écriture orchestrales sont sollicitées et méticuleusement déployées: chaque soliste instrumental pris isolément, ou le rang entier d’un pupitre (bois, cordes, vents, percussions…), tutti aussi, sont ainsi sollicités.
Placé au sommet de l’orchestre, se promenant entre les pupitres, maître Jean-François Zygel papillone, habité par son sujet: il présente chacun des 5 mouvements, avec la complicité des musiciens du Philharmonique de Radio France sous la baguette de Myung-Whun Chung: début comme un commencement de conte…, ciselure dramatique souvent énigmatique et mystérieuse de chaque instrument solo, phrase rythmique qui circule d’un pupitre à l’autre (aux flûtes, puis aux trompettes, et aux violons…), architecture symétrique qu’affectionne tant la plume de Bartok… , et dans le deuxième mouvement, « présentation des couples »… d’instruments… mais aussi régénération de la culture néotonale grâce à une curiosité pour les folklores. Bartok apprécie beaucoup en 1940, les mélodies populaires dalmates… et s’ingénie non sans malice à accoupler les instruments (bassons, hautbois, clarinette un rien aigrelettes et crues…), tout en intégrant les motifs collectés dans son oeuvre…
Avec sa mine enjouée, l’aimable professeur Zygel qui appelle chacun des instrumentistes par son prénom… casse les convenances de mises par ailleurs devant l’orchestre, grosse machine à sons que l’insolent astucieux aime à adoucir, caliner… Les musiciens selon leur personnalité se prêtent différemment au jeu télévisuel et pédagogique.
Le plus souvent ce sont des mines tendues, sombres, voire agacées… voire impénétrable concernant le maestro chef Chung: le contraste avec cet air émerveillé et candide de Zygel fait mouche et perce l’écran. Vous nous direz concentration: certes. Mais nous connaissons des orchestres aussi talentueux voire meilleurs que la phalange parisienne capable de sourires et de visages autrement épanouis… Il faudrait préparer les instrumentistes et leur dire, avant le tournage que passer devant la caméra nécessite une décrispation basique de la mâchoire. L’image de la « grande musique » par essence inaccessible et impressionnante est en jeu.
Messieurs les instrumentistes quittez vos airs sérieux! Le classique souffre trop de ses convenances d’un ancien temps. Merci au maître Zygel de toujours jouer au piano, debout, dans l’orchestre, parmi les musiciens, son rôle de révélateur et de provocateur !
Nonobstant, le documentaire qui alterne explications puis interprétation intégrale de chaque mouvement nous plonge au coeur de la musique. Voyage et immersion garantis.
Illustrations: Jean-François Zygel, Bela Bartok (DR)