Vincenzo Bellini
I Capuletti e Montecchi
Opéra Bastille
Du 24 mai au 15 juin 2008
Robert Carsen, mise en scène
Evelino Pido, direction
Drame des amants
Avant les oeuvres abouties de Donizetti, l’oeuvre bellinienne offre une première manière romantique italienne. Opéra en deux actes sur un livret de Felice Romani, I Capuleti e Montecchi s’inspire du mythe véronais de Roméo et Juliette légué moins par Shakespeare que par l’abondante littérature italienne de la Renaissance. En ce sens, le portrait des protagonistes est moins fouillé que chez le dramaturge anglais. Dans l’opus Bellinien, Mercutio et Paris sont supprimés. Roméo est certes l’ardent galant, ce jeune coeur épris jusqu’à la mort: il est surtout un chef de guerre, fier représentant des Montaigus. Dans ses veines s’écoulent l’arrogance des chefs de clans. Le drame est résolument politique: pas de scène de la rencontre entre Roméo et Juliette. Leur amour préexiste à l’action théâtrale. Aboutissement d’une première période comptant de louables ouvrages dont Bianca e Fernando (1826), Il Pirata (1827), La Straniera et, Zaira (1829), I Capuleti inaugure un cycle de pleine maturité marquée par les chefs d’oeuvres contemporains: Norma, surtout La Sonnambula de 1831, et Beatrice di Tenda (1833).
Décalage fatal
La passion amoureuse ne connaissant pas de limites à son expression, donne de multiples visages d’une radicale ampleur tragique. Comme Pyrame croyant que Thisbé a été dévorée par un félin, se donne la mort par dépit, Roméo découvrant Juliette à la troisème et ultime scène de l’acte II, et la croyant morte, s’empoisonne. La jeune femme en s’éveillant découvrant à son tour le corps agonisant de son aimé, se donne à son tour la mort. L’opéra a abondamment puisé à cette chute mortelle qui s’accomplit en cascades. L’action est d’autant plus fascinante que le point ultime de l’opéra donc de la musique culmine sur ce désaccord fatal: décalés, les amants courrent à leur perte. Si Juliette s’était réveillée lorsque Roméo la découvre, en pénétrant dans le caveau des Capulet, les deux auraient peut-être fait l’économie de leur mort. Mais le propre des amants n’est-il pas de ne pouvoir s’accomplir ici bas, dans l’autre monde justement?
La mise en scène présentée par l’Opéra Bastille remonte à 1996. Evelino Pido dirigeait déjà la première de la mise en scène de Robert Carsen.
Illustration: William Dyce, Francesca da Rimini (Edimbourg, National Gallery), Madeleine pénitente (DR)