Les Puritains, 1835
Samedi 24 novembre 2012, 19h
France Musique
Le dernier opéra de Bellini indique clairement de nouvelles évolutions pour l’opéra italien romantique des années 1830: rôles plus aigus, foisonnement dramatique de l’orchestre et vocalità aérienne et suspendue voire crépusculaire d’une pureté absolue, celle là même qui captiva Chopin.
Le vrai défi des Puritains comme pour Norma, reste les chanteurs… vrais détenteurs de ce bel canto si difficile à réaliser. Comment retrouver cette couleur et ce style qui n’a rien de commun avec Rossini, qui ne peut se satisfaire de l’abattage verdien ou du vérisme pathétique puccinien?
Il s’agit bien de retrouver cet art fragile entre vocalità et agilità qui s’éloigne de l’idéal rossinien, sans posséder encore le dramatisme verdien. L’art bellinien étant par excellence celui de la mesure, de la finesse: on est en droit d’attendre de vrais interprètes acteurs et chanteurs, pour qui chanter signifie articuler, phraser, colorer, dire le texte.
Qu’en sera-t-il par exemple du rôle d’ Arturo Talbot, qui exige un ténor d’agilità et dramatique, alliant vaillance et angélisme, naturel et articulation ? De même pour Elvira, âme loyale et pure, incarnation fragile des héroïnes féminines en proie au déséquilibre mental ? Le personnage de cette jeune âme romantique qui est abandonnée par son fiancé, le jour de ses noces, offre une composition des plus captivantes: Ophélie déchirante, anéantie… son dernier air au I où l’abandonnée, trahie, sombre dans la folie reste un très grand moment psychologique: la soprano reste musicale mais … pas déchirante. Et qu’espérer tout autant du rôle de Giorgio Valton (l’oncle d’Elvira); à la fois protecteur et père de substitution pour une Elivra dont le baryton basse capte les pulsions de folie grandissante…
Les Puritains à Paris
Il y eut I Capuletti e i Montecchi ; ici, les clans opposés, Puritains réformistes menés par Cromwell, Cavaliers royalistes partisans des Stuart (Valton), défenseurs comme Arturo de la Reine veuve, se déchirent. A ce titre, bien que fiancé à la première fille des Puritains, Arturo le monarchiste sait jurer sa foi et sa fidélité à la Reine qu’on emmène à l’échafaud… Bellini resserre l’effet des contrastes en faisant paraître la jeune fiancée, étendard émotionnel des Puritains en présence du duo des royalistes (la Reine et son champion Arturo): exposition simultanée des tempéraments, totalement génial.
Ecouter les Puritains permet de mesurer le génie lyrique et dramatique de Bellini: il ambitionnait de créer à Paris, l’équivalent de Guillaume Tell, un opéra romantique français digne de ce nom. Les Puritains marquent évidemment un cap dans son écriture: l’exposition des caractères n’y est jamais artificielle, comme le seront parfois les premiers opéras de Verdi. En choisissant d’intituler son opéra Les Puritains, Bellini se place du côté des « méchants », ces antiroyalistes (les Valton) dont la métamorphose est le sujet central de l’opéra: pour sauver la santé mentale d’Elvira et son amour, ils savent pardonner à leur pire ennemi Talbot. Un aspect psychologique que l’on oublie souvent et qui fait cependant toute la modernité de cette action inspirée du roman gothique romantique…
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DVD. Vincenzo Bellini: I Puritani, 1835. Juan Diego Florez (Arturo Talbot). Nino Machaidze (Elvira), Gabriele Viviani (Riccardo Valton)… Orchestra e coro del teatro comunale di Bologna. Michele Mariotti, direction. Pier’Alli, mise en scène (DECCA)