jeudi 24 avril 2025

Benjamin Britten: Death in Venice, 1973 Bruxelles, La Monnaie. Du 15 au 29 janvier 2009

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Benjamin Britten

The Death in Venice
, 1973

Du 15 au 29 janvier 2009
Bruxelles, La Monnaie

A Venise sur les traces de Thomas Mann
Dès janvier 1971, Britten exprime son souhait d’un nouvel opéra, en particulier pour offrir à son compagnon, le ténor Peter Pears, un nouveau rôle qui lui permette de remonter sur scène, tout en considérant la réalité de sa voix et le chemin parcouru. Britten qui a fréquenté Golo, le fils de Thomas Mann savait que l’écrivain mort en 1955, avait désiré que si l’on devait mettre en musique son Doktor Faustus, cette tâche en reviendrait à n’en pas douter à Benjamin Britten.
Au moment où Visconti adapte pour le grand écran Mort à Venise (Death in Venice), Britten, encouragé par Golo, se penche sur le roman qui met en scène la vie et les réflexions du vieil écrivain Gustav von Aschenbach.
On sait que le sujet de la nouvelle mannienne a pour objet une expérience personnelle quand, alors en villégiature à l’hôtel des Bains au Lido de Venise, Thomas Mann éprouve un choc esthétique et visuel face à un jeune adolescent, «  beau comme un tendre jeune dieu qui émerge des fonds de la mer et du ciel, courant contre les éléments, cette vue conjurait des mythologies... »

Magie musicale de l’ambiguité
L’écrivain en évoquant ce lieu d’une révélation à la fois sensuelle, mystique mais aussi philosophique, suscitée par le spectacle de la beauté pure, écrit encore « la magie musicale de l’ambiguité » qui a scellé son expérience à Venise, une cité sans équivalent dans le monde, et dans l’imaginaire, qui comme l’a dit avant lui le poète admiré August von Platen, « réside dans le domaine des rêves« . Mélomane, Thomas ajoute aux résonances musicales de son oeuvre : il écrit sa nouvelle vénitienne à l’occasion de la mort en 1911 de Gustav Mahler.

Le beau jeune dieu s’appelle dans le texte de Mann, Tadzio: incarnation d’Apollon qui suscite comme Bergotte devant le petiti pan de mur jaune de Proust, un état de transe spirituel: l’auteur/Le narrateur (Mann/Eschenbach) éprouve dans cette vision, une prise de conscience brutale et nécessaire, essentielle et viscérale qui porte sur la vie et la mort, désir et anéantissement, beauté et réalité, existence et art, idée et mortalité. D’autant que dans la nouvelle, le témoin de cette expérience profonde et intime, est au bord de sa vie, au terme d’une existence contemplative qui recherche encore son sens comme sa finalité. Eschenbach saisi, atteint, qui a rendez vous avec le destin à Venise, succombera d’une épidémie. Britten lui-même, dans la composition de l’opéra est gravement malade, se sait condamné et ses jours désormais comptés.
En octobre 1971, le couple Britten/Pears se rend à Venise. Malgré le froid, le compositeur s’entête à prendre gondoles sur gondoles, errer dans les rues noyées de la Sérénissime, afin d’y noter les vieux airs des gondoliers chanteurs. Autant de matériau musical pour son oeuvre à venir.

Le dernier voyage
En 1972, Myfanny Piper, fidèle librettiste sollicitée pour les opéras d’après Henry James, adapte la nouvelle de Mann. Dès le départ pour distinguer les longs monologues réflexifs d’Aschenbach (en prose), Britten imagine un accompagnement secco au seul piano, quand tous les autres recitatifs en vers sont accompagnés différamment. Toute l’action de l’opéra découle de la progression des pensées du poète protagoniste: le rôle est l’un des plus important dans la carrière de Peter Pears, depuis le temps où il créait en 1965, Peter Grimes. Le monde de Tadzio et de sa famille, sujet de contemplation du vieil écrivain, est muet, silencieux sur la scène lyrique: ils sont ainsi incarnés par des danseurs et des mimes. Britten distingue de façon claire et fluide, les 2 mondes qui se superposent, dont Aschenbach est le point de compréhension et de rencontre: la réalité et le rêve révélateur, l’existence désenchantée qui s’écoule selon le temps mesuré de sa vie, l’initiation grâce à laquelle le héros atteint un autre espace de conscience.

Aux personnages réels: un voyageur, un vieux dandy, le « leader of the Players », chef d’une troupe de théâtre itinérante, le barbier, le directeur de l’hôtel, correspond d’autres « visions » exclusives. Aschenbach voit en rêve, Apollon dont il consigne aussi sur son carnet la parole visionnaire. En définitive, le séjour de Mann/Britten/Aschenbach à Venise est un ultime voyage: chaque personnages n’est qu’un avatar du passeur, celui qui les aide à passer le Styx, jusqu’au rivage éternel.

Approfondir
Lire notre dossier The Death in Venice, Mort à Venise de Benjamin Britten, d’après Thomas Mann

Illustrations: Benjamin Britten et Peter Pears. Nu masculin, étude de Jacques Louis David, Thomas Mann. Couros archaïque (DR)

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