Benjamin Britten
The Rape of Lucretia, 1946
Opéra en deux actes
LIvret de Ronald Duncan
d’après André Obey
Paris, Théâtre de l’Athénée
Du 26 au 30 juin 2007
Les Solistes de l’Atelier Lyrique
de l’Opéra National de Paris
L’Ensemble de Basse Normandie
Neil Beardmore, direction
Stephen Taylor, mise-en-scène
Premier opéra de chambre
qui revisite le théâtre baroque des passions humaines : Lucretia, opus 37, donne prétexte au compositeur d’édifier une scène intense où s’exacerbent en un huit-clos presque étouffant, la force et la violence des sentiments. Clarté voire épure de l’expression et allègement du style oeuvrent pour la sensation directe et franche des émotions. Avec Lucretia se précise le projet de Britten qui entend redéfinir le genre lyrique. Comme il y a le quatuor aux côtés du grand orchestre et du cadre symphonique, Britten réinvente l’opéra de chambre, aux côtés de l’opéra. C’est que pour lui, une petite formation sert parfois au plus près, l’incandescence des sentiments. La forme chambriste sert idéalement son propos, intimiste et intense.
Britten fait appel à son ami, Ronald Duncan, qui écrit à sa demande le livret de The Rape of Lucretia : leur amitié s’est trouvé renforcée après que Duncan, comme Britten se soit déclaré pacifiste. D’ailleurs, leur collaboration n’en est pas à son premier coup d’essai puisque l’écrivain a travaillé pour Britten lorsqu’il fallait résoudre la dramaturgie finale de Peter Grimes. Pourtant après Lucretia, même si Britten demande à Duncan de préparer de nouveaux sujets dans la même veine, la collaboration des deux hommes s’achèvera là : pour son prochain opéra, Albert Herring, Britten fera appel à Eric Crozier, lequel d’ailleurs sera à son tour, exclu du clan que forme le compositeur et son compagnon, le ténor Peter Pears.
Premières distributions
Sur la scène, 8 chanteurs et dans la fosse, 13 musiciens. Comme Grimes, l’opposition de la foule hostile et de l’individu se réalise dès le début de Lucretia : l’héroïne chante sa fidélité à son époux Collatinus face à la foule corrompue. Mais le Roi étrusque Tarquin saura rompre le pacte vertueux de l’épouse en excitant sa frustration, et le viol exercé sur la jeune femme, offerte, est à demi consenti. Britten enrichit son propos en brouillant les limites du bien et du mal. Les mots de Lucretia et de Tarquin sont rehaussés et contredits, tour à tour, par le choeur et le chant des instruments. Le trouble double l’action de l’horreur et de la trahison. La création a lieu le 12 juillet 1946 à Glyndebourne. Lucretia est une oeuvre dense, intense, violente. Britten y cisèle l’arête vive des sentiments. Si Lucrèce, épouse fidèle, se laisse corrompre par le pervers Tarquin, le compositeur ne s’en tient pas uniquement à l’opposition du bien et du mal. La musique pénètre les corps et les âmes, révèle le tissu des contradictions souterraines, dévoilant sous le masque de l’horreur, un trouble plus terrifiant encore. A Paris, les Solistes de l’Atelier Lyrique dévoilent leur travail vocal accompagnés par l’Ensemble de Basse Normandie
Pour les premières représentations, Britten qui obtient que son opéra soit représenté trois mois, fait alterner deux distributions. La première est dirigée par le chef qui avait créé Peter Grimes, Reginald Goodall, avec Nancy Evans (alors marié à Walter Legge, futur époux d’Elisabeth Schwarzkopf) ; la seconde est placée sous la baguette d’Ernest Ansermet et est illuminée par l’interprétation de Kathleen Ferrier qui fut choisie par Peter Pears. La cantatrice marquera le rôle de façon mémorable à de nombreuses reprises, après la création en 1947 puis 1951.
Approfondir
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Illustrations
Titien, Tarquin et Lucrèce (deux versions)