mardi 22 avril 2025

Bruxelles. 100% Schubert, le 8 février 2007. Récital du pianiste Michel Dalberto

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Précédé d’une réputation flatteuse, la participation de Michel Dalberto à 100% Schubert était d’autant plus attendue que les mélomanes belges n’ont pas fréquemment l’occasion d’applaudir ce pianiste qui – lauréat en 1975 du Concours Clara Haskil – compte assurément parmi les meilleurs de sa génération et que, très tôt, le monde musical n’a pas hésité à comparer tantôt à Schnabel, tantôt à Arrau ou Perlemuter. Le public était donc venu nombreux à Flagey, ce 8 février 2007, pour entendre Michel Dalberto nous conter Schubert. Et de fait, avec Michel Dalberto on assiste à du grand piano, du très grand piano même. Une technique infaillible, un jeu d’une précision méticuleuse, une puissance physique étonnante qui autorise des contrastes dynamiques vertigineux, du fortissimo le plus affirmé au pianissimo le plus ténu. Mais par-dessus tout, et au-delà de toutes ces qualités, ce qui frappe le plus chez Michel Dalberto, c’est l’inébranlable concentration et l’extrême maîtrise, intellectuelle et pianistique, du musicien.

Dès les Klavierstücke D.946, l’impression est celle d’un Schubert héroïque, dramatique. Le Schubert de Michel Dalberto déconcerte, et souvent nous prend de court, car les climats sont sombres, violents, tourmentés, à l’opposé d’un Schubert plus intimiste et plus feutré. La tendance à l’extériorisation se confirme dans la Sonate D.959 : les plans sonores sont contrastés, architecturés, la charpente est vigoureuse. La ligne mélodique est sûre, articulée avec netteté, mais le tout est présenté sur un mode qui nous semble hyper-dramatisé, et qu’un rien pourrait faire virer au flamboyant – à tel point que par moment on croit assister à 100% Dalberto, plutôt qu’à 100% Schubert.

A mi-parcours du récital, une évidence semble s’imposer : malgré l’intensité du propos et la densité intellectuelle, Dalberto ne sera pas, ce soir, l’ami complice qui nous fera explorer les sentiers schubertiens, ceux du coeur et de l’âme. Son approche, plus structurée et rigoureuse que chaleureuse, nous prive d’une part de charge affective, d’évasion et de rêve. Certes, Dalberto a le don de captiver l’auditeur, le beau succès couronnant sa prestation en est la preuve éclatante, mais dans la Sonate D.960, ultime étape du voyage schubertien, oeuvre où à chaque instant la beauté crépusculaire confine au sublime, on a attendu, souvent en vain, que se produise le miracle de l’empathie. L’on aurait aimé que Michel Dalberto nous fasse arpenter, avec davantage d’innocence et de tendresse, les paysages intérieurs de Schubert, qu’avec une plus grande économie de moyens peut-être, il nous fasse partager plus intensément le dernier rêve pianistique de Schubert.

Bruxelles. Flagey. 100% Schubert, le 8 février 2007. Franz Schubert (1797-1828):  Klavierstücke D.946, Sonate n°20 en la majeur D.959, Sonate n°21 en si bémol majeur D. 960. Michel Dalberto, piano.

Crédit photographique
Michel Dalberto (DR)

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