mardi 22 avril 2025

Bruxelles. Bozar, le 10 mars 2007. Récital Matthias Goerne et Christoph Eschenbach

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Matthias Goerne fait partie des quatre ou cinq étoiles au firmament du lied et de l’oratorio. Incontournable et presqu’inégalable dans Schubert, Schumann, Brahms et Wolf, les superlatifs sont de mise lorsque le baryton allemand est à l’affiche. Le récital qu’il a donné à Bozar le 10 mars 2007 en compagnie de Christoph Eschenbach, nous en a donné une nouvelle preuve.

Dès les premiers Schumann sur des poèmes de Heinrich Heine, la voix est posée, épanouie, à peine ternie par une légère pointe d’amertume qui suffit à saisir toute l’ironie sous-jacente du monde onirique de Heine. Le timbre, idéalement placé, chaleureux, est plus beau encore que dans le souvenir d’un Winterreise chanté par Goerne à Bruxelles il y a quelques années.

Dans le Liederkreis, Matthias Goerne décompose les méandres de l’âme de l’amoureux qui attend, souvent en vain, l’arrivée de la jeune fille de son coeur. Chaque inflexion du texte issu de la plume du poète est articulée, chaque note imaginée par le compositeur vient transcender l’âme du poète, peignant toutes les nuances de l’amour rêvé par Heine et par Schumann: l’anxiété de l’attente, qui se fait tour à tour désarroi (Morgens steh’ich auf und frage) ou rage volcanique (Es treibt mich hin, es treibt mich her), et puis la fatalité de l’amour inassouvi, effrayante dans sa morbide lucidité (Lieb’ Liebchen, leg’s Händchen auf Herze mein).

L’alliance avec Christoph Eschenbach nous laisse d’abord perplexes, car le pianiste se fait par moment plus soliste que partenaire. Il est vrai que chez Schumann la partie de piano constitue une voix à part entière, invitant à une certaine liberté. Ce léger sentiment d’inconfort se dissipe heureusement dans Brahms, les Lieder und Gesänge Op. 32 multipliant les occasions de fusion et d’effusion, avec un Wie bist du, meine Königin miraculeux de tendresse et d’affection.

Les Vier ernste Gesänge viennent clôturer la soirée avec grandeur, gravité et abnégation. Matthias Goerne restitue ces quatre chants sérieux avec une maîtrise vocale et intellectuelle absolue, scrutant, analysant les textes bibliques avec une acuité telle qu’ils en deviennent proprement terrifiants (O Tod, o Tod, wie bitter bist du). Impressionnant, et troublant. Apaisement toutefois, lorsque, tel Saint Paul aux Corinthiens, le duo Goerne-Eschenbach adresse au public bruxellois pétrifié un message de « foi, espérance, amour, la plus grande de ces choses étant l’amour » (Wenn ich mit Menschen und mit Engelszungen redete). Un récital d’exception qui confirme un Matthias Goerne en pleine maturité.

Matthias Goerne et Christoph Eschenbach présenteront le même programme Salle Pleyel à Paris, le vendredi 16 mars 2007

Approfondir
http://www.matthiasgoerne.de
http://www.christoph-eschenbach.com

Bruxelles. Bozar, le 10 mars 2007. Robert Schumann (1810-1856) : Abends am Strand Op. 45 n°3 (extr. de Romanzen und Balladen Op. 45), Es leuchtet meine Liebe Op. 127 n°3 (extr. de Fünf Lieder und Gesänge Op. 127), Mein Wagen rollet langsam Op. 142 n°4 (extr. de Vier Gesänge Op. 142), Liederkreis Op. 24. Johannes Brahms (1833-1897) : Lieder und Gesänge Op. 32, Vier ernste Gesänge Op. 121. Matthias Goerne, baryton. Christoph Eschenbach, piano.

Crédit photographique
Matthias Goerne (DR)

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