Frank Braley « en résidence » à Bozar Music, à Bruxelles. Coup d’envoi du mini-cycle dédié au pianiste français ce 9 décembre 2006, avec un récital d’anthologie qui nous mène de Schubert à Gershwin, en passant par Ravel et Mozart. Le public belge adore Frank Braley et Frank Braley adore son public belge. Tout a commencé un soir de juin 1991 avec une interprétation miraculeuse du Quatrième Concerto de Beethoven, lors de l’épreuve finale du Concours Reine Elisabeth. Proclamé premier parmi les douze lauréats, il se voit également récompensé du Prix du Public : le début d’une passion fusionnelle ! Passion qui n’est pas prête de s’estomper, la spectaculaire ovation à l’issue du récital donné par Frank Braley au Conservatoire Royal de Bruxelles le 9 décembre 2006 prouvant que l’attachement du public à « son » pianiste, est intact.
Sur les pas du Wanderer… Quelques notes de Kurtag suffiront à créer un bonheur qui enveloppera toute la soirée. Programmées moins pour elles-mêmes qu’en guise d’introduction à l’ultime sonate de Schubert, enchaînée sans interruption, ces courtes esquisses, par leur caractère tranchant et contrasté, apportent une dimension inédite à l’une des oeuvres les plus sublimes du répertoire. Braley nous livre la Sonate D. 960 avec un sens de l’architecture très aiguisé, mais c’est surtout la pureté du style et la variété des climats sans cesse renouvelés, qui nous ont enchanté. Du molto moderato introductif au final allegro ma non troppo, Frank Braley nous fait entrer dans plusieurs mondes, celui de Schubert assurément, le sien peut-être, le nôtre aussi. Un monde multiple fait tour à tour de charme, de rêves, de promesses innocentes, de questionnements qui parfois restent sans réponse. En cheminant dans Schubert avec Frank Braley, on entend aussi un bruissement, celui des feuilles d’automne, un crissement, celui des pas du Wanderer. Trop courte, « l’interminable » D. 960 : en compagnie de Frank Braley on aimerait qu’elle ne finisse pas, tant la promenade est agréable, la journée lumineuse, le ciel serein.
La deuxième partie du programme est tout aussi enthousiasmante. Après Mozart (le Rondo K. 511, si mélodieux et si plein de tristesse retenue sous les doigts de Frank Braley, dont le Steinway se fait presque pianoforte) et Ravel (les Valses Nobles et Sentimentales, à la fois piano et orchestre, restituant avec caractère, les rythmes syncopés et les couleurs chatoyantes de Ravel), c’est un autre Frank Braley qui apparaît, avec Rhapsody in Blue, de Gershwin. Dans cette musique au caractère improvisé dont il raffole manifestement, quelque peu rabâchée à l’orchestre mais pleine de raffinement et d’attraits dans sa version d’origine pour piano, Frank Braley s’en donne à coeur joie. Plus encore que dans Ravel, il joue le jeu des rythmes et des sonorités, et nous fait osciller entre la salle de concert désuète d’un conservatoire XIXe et un club de jazz new-yorkais des années 30. C’est en triomphe que s’achève la prestation de ce séducteur du clavier avec, en bis, le célèbre The man I love, de Gershwin également, composé en 1924 pour le musical Lady, Be Good.
Bruxelles. Bozar, le 9 décembre 2006. György Kurtag(1926) : Jeux (extraits). Franz Schubert (1797-1828) : Sonate n° 21 en si bémol majeur D. 960.Wolfgang Amadeus Mozart(1756-1791) : Rondo en la mineur K. 511.Maurice Ravel (1875-1937) : Valses Nobles et Sentimentales. George Gershwin (1898-1937) : Rhapsody in Blue, The man I love. Frank Braley, piano.
Le programme complet du cycle Frank Braley au Bozar
Crédits photographiques
Frank Braley (DR)
George Gershwin en 1937 (DR)
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