dimanche 4 mai 2025

Carl Czerny (1791-1857), portrait

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Czerny, grand pianiste, compositeur et illustre pédagogue, reste surtout connu pour son immense production didactique dédiée au piano. Cet artiste qui eu le double privilège d’être le plus fidèle disciple et l’ami de Beethoven, qui fut aussi le professeur du phénoménal Franz Liszt, demeure malgré tout, peu connu.
Issu d’une famille de musiciens originaires de Bohème, Czerny naquit à Vienne en 1791 où il passa la majorité de sa vie. Universellement connu des pianistes, ce compositeur fécond, -plus de mille numéros d’opus à son actif-, fait partie des musiciens laissés dans l’ombre par les historiens de la musique. Il fut pourtant le maillon manquant entre Beethoven et Liszt, dont il fut le professeur de piano (à titre gratuit étant donnés les dons du jeune prodige). Czerny côtoya ainsi les plus grandes figures artistiques de son temps. Il réalisa des éditions d’œuvres de Jean-Sébastien Bach et de Beethoven qui restèrent des références pendant plus d’un siècle.
Dans la lignée des classiques et plus particulièrement de son maître, Beethoven, Czerny aborde la plupart des genres. Son catalogue impressionnant, variée et abondant aborde symphonies, concertos, musique de chambre, 24 messes, 4 requiems et environ 300 graduels. Bien que considérées comme des compositions légères et souvent inconsistantes, certaines œuvres sont injustement tombées dans l’oubli. Certains lui reprochèrent de s’être laissé aller par ses facilités innées pour la musique, reproches souvent injustifiés dont des compositeurs comme Mendelssohn sont encore aujourd’hui parfois victimes.

Le fidèle disciple
C’est avec son père, excellent pianiste, que le jeune Carl débute le piano. Ayant commencé son apprentissage à trois ans, composant ses premières œuvres à sept, son talent est tel qu’à 10 ans, il joue déjà par cœur un grand répertoire des maîtres classiques, en particulier Haydn et Mozart.
Après avoir entendu et reconnu son talent, Beethoven, alors pianiste réputé à Vienne, propose de lui donner des leçons. Ainsi de 1800 à 1803, Czerny travaille avec le musicien le plus célèbre de l’heure. Les leçons, au début irrégulières, sont au nombre de deux par semaine. Bien qu’il soit déjà à un niveau très avancé, l’enseignement s’avère difficile et Beethoven lui fait reprendre toutes les bases de la technique moderne pour piano, Czerny se souvient avec chaleur de ses débuts : « Pendant les premières leçons, Beethoven m’occupa exclusivement à faire des gammes dans tous les tons, me montra la seule bonne position des mains et des doigts, alors encore inconnue de la plupart des exécutants, et particulièrement l’usage du pouce – règle dont je n’ai appris que plus tard à comprendre l’utilité … » (1).
Czerny restera en très bons termes avec Beethoven, ses témoignages sur l’illustre compositeur sont nombreux et précieux, il participa activement à la diffusion de ses œuvres. Il fut l’interprète privilégié de ses œuvres pour piano, partitions dont il fournit un nombre considérable d’informations aux éditeurs sur l’interprétation, en particulier concernant les 32 sonates.


Pédagogue de plusieurs générations de pianistes européens

Malgré sa réputation d’exécutant, Czerny donnera très peu de concert durant sa vie entière à Vienne, lui-même considérait qu’il lui manquait la flamme nécessaire, ce « je ne sais quoi » à tout interprète qui se respecte. C’est donc vers la composition et surtout l’enseignement qu’il décide d’exercer son activité musicale. Demeuré célibataire, son activité s’avère prodigieuse : il donnait plus d’une dizaine de leçons par jour et composait pendant la nuit afin de répondre aux incessantes demandes des éditeurs.
Dès ses 15 ans, Czerny s’avère un professeur de piano très demandé. Son élève le plus célèbre demeure Franz Liszt qui deviendra le plus célèbre des virtuoses, le premier artiste unanimement adulé de son vivant partout en Europe.
Comme professeur, Czerny consacre environ 900 opus à l’étude du piano. « L’école de la virtuosité », « l’école du virtuose » ou encore « l’art de délier les doigts », sont autant de recueils qui s’adressent à tous les niveaux de pianistes et dont la pertinence pédagogique reste indémodable. Consacrées à la technique pure, ses études, à la différence d’un Liszt ou d’un Chopin sont absentes de toute valeur musicale intrinsèque, ce qui lui vaudra parfois les moqueries de ses contemporains, parmi lesquels Chopin et Schumann. Mais tel n’était pas l’objectif du pédagogue qui considérait la seule manière de résoudre une difficulté par la répétition intensive.


Le grand professeur de Liszt

Lorsque Franz Liszt arrive avec ses parents à Vienne en 1819, Czerny est un des professeurs les plus demandés de la capitale autrichienne. Bien que son emploi du temps soit déjà surchargé, il est tellement impressionné par le talent de Liszt qu’il se décide de le former le soir afin de parfaire sa technique déjà impressionnante. La méthode utilisée sera presque la même que celle reçue de son maître Beethoven, Liszt passera à son tour par les gammes ennuyeuses, les exercices de Cramer et Clementi qui font parfois souffrir l’enfant par leur style purement didactique. Mais le travail se révèle bénéfique puisque le jeune prodige donne un premier concert retentissant à Vienne et fait déjà figure de pianiste accompli, l’égal de Moscheles et Hummel, alors concertistes les plus en vogue en Europe.

Czerny se souvient avec affection de son jeune protégé : « Je n’avais jamais eu jusque là d’élèves aussi zélé, aussi génial, aussi travailleur… la gaîté et la bonne humeur constante du jeune Liszt, à coté du développement si extraordinaire de son talent, firent que mes parents l’aimèrent comme leur fils, et moi comme un frère et que non seulement je lui donnais des cours gratuitement mais je lui soumettais toutes les partitions musicales qui représentaient ce qui avait existé jusqu’à cette époque de bon et d’utile… »
Liszt reconnaîtra avoir beaucoup appris de Czerny, en particulier la rigueur, la discipline, l’extrême précision du rythme, ou encore la maîtrise parfaite du clavier pour se défaire de toutes les difficultés techniques afin de pouvoir se concentrer intensivement sur la musicalité. Il lui rendra hommage en lui dédicaçant ses « études transcendantes », œuvres d’une virtuosité extrême.

(1) Les compositeurs parmi lesquels Jean-Sébastien Bach généralisaent l’emploi du pouce dès la première moitié du XVIIIeme siècle, mais c’est surtout Carl Philippe Emmanuel Bach qui propagea son usage dans son traité « l’art de la manière de jouer du clavier », que Beethoven fit étudier à Czerny.

Approfondir
Lire aussi la critique d’Alexandre Pham de l’enregistrement des deux Symphonies « Grande » et N°6 de Carl Czerny, sous la baguette de Grzegorz Nowak (Hänssler), un cd événement de juin 2006.

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