samedi 19 avril 2025

Catel: Sémiramis (1802). Hervé Niquet 2 cd Glossa

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Créé en 1802 à l’Opéra de Paris, Sémiramis de Charles-Simon Catel qui fut l’assistant de Gossec, comme les opéras de Vogel (La Toison d’or…), Sacchini, Spontini ou Cherubini, illustre à l’aube romantique, les derniers feux de la tragédie lyrique héritée de Gluck.
Voici donc un nouveau jalon pour comprendre comme le grand genre lyrique et tragique français a su évoluer depuis la fin du règne de Louis XVI jusqu’à l’avènement de l’Empire. Du néoclassicisme à l’aube romantique…
Pathétique, héroïque, sublime… toutes les nuances du théâtre des passions hérité de la scène baroque s’enflamment ici faisant de Catel, un auteur aussi important que Cherubini, et surtout Spontini dans le perfectionnement de l’opéra tragique du XIXè.

Babylone tragique

Vaguement exotique dans ses évocations musicales (la scène se déroule à Babylone au bord de l’Euphrate), soulignant surtout le pathétique d’une âme solitaire, comme par contraste, la grandeur de collectifs spectaculaires, Sémiramis marque la fin du règne de Louis XVI, l’essor de l’esthétique héritée de la Révolution, le passage dans le plein XIXè, donc l’amorce du romantisme bientôt conquérant. Le sujet noble fait sa révérence à l’idéal néoclassique propre à l’époque prénapoléonienne.
Comme de coutume, l’ouvrage est instrumentalisé par les querelles contemporaines. Catel, champion du tout nouveau Conservatoire (il y dirige de la classe d’harmonie) attendait lors de la création à l’Opéra de Paris, une volée de critiques et de huées orchestrées par ses ennemis jaloux… dont l’incontournable Lesueur.
Le livre disque met l’accent sur les enjeux esthétiques et musicaux de l’ouvrage, regroupant plusieurs textes documentés sur les éléments déterminant la valeur d’une partition à torts oubliée: entre autres, le choix d’un livret tiré d’un texte de Voltaire, le contexte politique et musical défavorable à Catel…
Reste le témoignage ici enregistré à l’été 2011, par Hervé Niquet et ses troupes: chanteurs solistes et instrumentistes du Concert Spirituel. L’engagement du maestro y est toujours aussi palpable, et sa motricité ardente et expressive, formidablement articulée; toujours apte à caractériser et parfois subtilement nuancer un texte dont les épisodes sont conçus pour le théâtre.

La force de l’opéra tient à la figure vocale capable d’incarner Sémiramis, reine déterminée et femme seule (veuve de Ninus), soit de reprendre le flambeau après la créatrice du rôle-titre, l’exceptionnelle Melle Branchu, héroïne du chant français et mezzo dramatique d’envergure, continuatrice de son aîné Melle Maillard, dans le sillon gluckiste: chant puissant et sonore, projection sidérante d’un texte exalté/exaltant. C’est une mère aveuglée (qui ne reconnaît pas son propre fils Arsace, en fait Ninias), prête à l’épouser et qui ne voit pas le piège que lui tend le cruel Assur. Si Azema et Ninias pourront se marier, Sémiramis paie très cher son manque de discernement quasi incestueux même si l’ignoble crime n’a pas été commis: elle reparaît seule en une scène finale particulièrement saisissante, poignardée par son fils qui s’est trompé de cible: scène ultime, coloré du plus noir des sentiments d’affliction et qui revisite en pleine époque post révolutionnaire et néoclassique, les grandes déplorations baroques et ramistes, comme celles gluckistes. Le pathétique tragique de Catel y fusionne avec l’horreur la plus terrifiante, préludant à l’esthétique des Médée de Cherubini et surtout de La Vestale ou de Statire de Spontini…

Si la Sémiramis de Maria Riccarda Wesseling ne manque pas d’intensité, son français demeure très perfectible. La dimension tragique, sombre et blessée de la Babylonienne perd de facto en évidence et en immédiateté; Mathias Vidal fait à l’inverse un Arsace/Ninias, riche en évidences linguistiques: par son français impeccable, le ténor excelle à caractériser le fils ardent et tendre, soucieux de venger la mort de son père…

Charles Simon Catel: Sémiramis, 1802. Le Concert Spirituel. Hervé Niquet, direction. 2 cd Glossa GES 921625. Enregistré le 25 juillet 2011 à Montpellier. Parution annoncée le 23 septembre 2012.

Illustrations: Charles Simon Catel, Sémiramis reine de Babylone par Edgar Degas (détail, DR)
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