CD. Coffret événement. The Originals, 50 cd Deutsche Grammophon. Retour en une boîte enchanteresse, de 50 galettes à déguster sans modération, proposant une synthèse étourdissante de l’écurie Deutsche Grammophon : dans leurs atours réactualisés, où chaque compact disc est réhabillé comme s’il s’agissait de l’ancien vinyle (mais en plus petit) de l’époque de sa publication originelle, – avec visuel de couverture originale: les interprétations légendaires s’y bousculent faisant de cette nouvelle somme THE ORIGINALS, un coffret discographique événement, confirmant le nez des directeurs artistiques de la firme jaune… Pour cultiver votre bon goût, ces 50 cd sont de délectation et d’une consommation que nous recommandons particulièrement. La prestigieuse marque jaune ne pouvait faire mieux pour commémorer ses 20 ans.
Si vous pensez que l’interprétation classique fut surtout défendue (et comment!) par la firme Deutsche Grammophon, comptant entre autres interprètes devenus (à juste titre légendaires) : Eugen Jochum, Karl Böhm, Claudio Abbado, Marta Argerich, Carlos Kleiber, Karajan évidemment ou Gundula Janowicz, Fritz Wundelrlich ou Dietrich Fischer Dieskau… alors ce coffret incontournable est pour vous. La sélection opérée par l’équipe de Deutsche Grammophon offre un plateau d’interprètes qui donne le vertige : c’est assurément les meilleurs artistes retenus chacun dans une œuvre qu’il aura marquée. Voyez plutôt parmi une large palette de lectures mémorables : les Symphonies 5 et 7 de Beethoven par Carlos Kleiber (1974-1976), la Pastorale par Karl Böhm (1979) – le coffret rétablit le chef au rang des meilleurs maestros de son époque : sa légende n’est pas usurpé loin de là-, le 9ème par Karajan (Berliner Philharmoniker, 1962 : un must absolu!), Chopin par Maurizio Pollini (12 études opus 10 et opus 25, 1972), le Dvorak de Rafael Kubelik (Symphonies 8 et 9, Danses slaves de 1972, 1973, 1974), la Titan de Mahler par le même Kubelik (1967, couplée avec les Lieder eines fahrenden Gesellen par Dietrich Fischer Dieskau en 1968), les pièces pour pianos de Grieg par Gilels (1974), le violon embrasée de la jeune Mutter avec Karajan en 1980 (Concertos pour violon de Mendelssohn et Bruch)… Parmi nos préférés et nos coups de coeur d’un coffret à l’inestimable valeur : les Symphonies de Mozart dont la trilogie finale (39,40, 41) par Böhm (Berliner Philharmoniker, 1961-62-66 : enjouées, élégantissimes, poétiquement très abouties), surtout du même Böhm, une Flûte Enchantée à tomber, enregistrée avec le Berliner Philharmoniker en 1964 (d’une élégance lyrique et poétique … viennoise : c’est à dire subtile,racée, ciselée avec un goût rare), de surcroît avec un casting de rêve : Roberta Peters en Reine de la nuit, Evelyn Lear en Pamina, surtout Fritz Wunderlich en Tamino, et Dietrich Fischer Dieskau en Papageno… sens du drame, profils psychologiques assumés, orchestre en fièvre, noblesse et hiératisme mystérieux des intermèdes et marches maçonniques… tout relève de la direction de Böhm alors à son meilleur, cultivant classicisme et dramatisme. La lecture est irrésistible et avouons le mal connue jusqu’à cette réédition légitime. Côtés perles à écouter de toute urgence également : Carmina Burana de Carl Orff par Jochum en 1967 (Janowitz, Stolze, Dieskau), …. le même Dieskau s’affirme au firmament dans le Winterreise D911 avec Jörg Demus (1965) comme Fritz Wunderlich dans Die Schöne Müllerin (avec Hubert Giesen au piano, 1966).
Côtés pianistes difficile de rester de marbre face aux Concertos de Rachmaninov et Tchaikovski par Richter (et Karajan pour le Tchaikovski de 1963, avec le Wiener Philharmoniker)… et que dire des « débuts » au disque de l’immense et fauve Martha (Martha Argerich), d’une fulgurance inquiète (Chopin), d’un métal noir et profond, véhément, halluciné dans la Sonate de Liszt (récital de 1961 et 1972 pour ce Liszt syncopé, haletant, d’une urgence hypnotique).
Au rayon Abbado, vous reprendrez bien ses Prokofiev (Concertos pour piano n°3 avec Argerich, 1967) et surtout l’admirable cantate oratorio Alexandre Nevsky opus 78 avec Elena Obraztsova, London Symphony Orchestra, 1979). Au rayon Karajan, ses Strauss avec le Berliner Philharmoniker s’imposent définitivement, telles des références toujours savourées jamais écartées, d’un symphonisme tendu et intense, à la fois épique et profond qui passe aussi par l’extraordinaire prise de son, tout autant façonnée par le chef lui-même : Also sprach Zarathustra, Till Eulenspiegels, Don Juan, Danse des 7 voiles de Salomé (1972-1972), Mort et transfiguration, Metamorphosen, et donc les légendaires Quatre dernier lieder (avec l’incomparable diamant vocal de Gundula Janowitz, 1973). Au registre symphonique tout autant ciselé et d’une éloquence intérieure intacte, prenez surtout Evgeny Mravinsky, dévoilant un Tchaikovski éruptif et tendre (Symphonies 4, 5 et 6) avec les instrumentistes de Leningrad Philhamronic Orchestra en 1960 (prises studio Londoniennes et viennoises), prodigieux de finesse et noir en son ténébrisme existentiel prenant, irrésistible. Dieu que cette lecture tchaikovskienne fait mouche : on comprend que 50 ans après sa réalisation, elle demeure rien de moins que légendaire ! Autre révélation du coffret et de la sélection Deutsche Grammophon dans un catalogue décidément inégalable : la Messa da Requiem de Verdi par l’immense Ferenc Fricsay ici génialement inspiré en septembre 1953 à Berlin (dès le Dies irae initial et surtout le Recordare suivi de l’Ingemisco, le souffle et la profondeur d’une vision urgente et intérieure vous saisiront littéralement)… pour accréditer encore un coffret plus que recommandable, le Tristan und Isolde de Wagner par Böhm (Bayreuth 1966), décidément très en vogue avec Karajan dans ce coffret, demeure inoubliable, l’une des réalisations bayreuthiennes les plus saisissantes qui confirment malheureusement par comparaison l’indigence du Bayreuth actuel (laideur et déséquilibre des productions 2014!). Wolfgang Windgassen et Birgit Nilsson (sans omettre une incandescente Brangäne, celle de Christa Ludwig) n’y font pas que brûler la carte d’une amour empoisonné : portés par un orchestre d’une éloquence millimétrée (instinct musical de Böhm le dramaturge), les deux chanteurs expriment jusqu’à la langueur extatique de l’amour impossible, irréductible, énigmatique signé du grand Richard (la morsure du poison s’y entend, comme percé au grand jour dans le timbre étal des cors dès l’ouverture d’un embrasement progressif presque insoutenable). Aucun doute, Böhm, maîtrise Wagner comme il ressent Mozart : cf. le souffle et l’aspiration dans le Prélude des phrases étendues, enivrées des cordes et des cuivres… Voici assurément une version méconnue, orchestralement somptueuse et ciselée, à l’égal de ce qu’est au rayon des versions studio, celle de Kleiber (tout autant vénérée par la Rédaction cd de classiquenews). Sans réserve, ce coffret est une somme incontournable. Consulter le tracklisting complet sur le site de Deutsche Grammophon. Voici le meilleur de Deutsche Grammophon en 50 cd incontournable. Des perles que tout mélomane se doit d’écouter.
Coffret The Originals, 50 cd Deutsche Grammophon.
Illustration : Karl Böhm (maestro éloquent, dramatique… révélé dans le coffret The Originals 2014 qui souligne la justes poétique de sa Flûte Enchantée de 1964, de son Tristan une Isolde de Bayreuth 1966…)