lundi 21 avril 2025

CD, compte rendu, critique. MOUSSORSGKI / MUSSORGSKI : Pictures at an exhibition / Tableaux d’une exposition (Philippe Jordan, mai 2016 — 1 cd ERATO)

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mussorgski pictures at an exhibition tableaux d'une exposition philippe jordan orchestre opera paris cd review critique de cd CLASSIQUENEWSCD, compte rendu, critique. MOUSSORSGKI / MUSSORGSKI : Pictures at an exhibition / Tableaux d’une exposition (Philippe Jordan, mai 2016 — 1 cd ERATO). Peu à peu, le chef attitré de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris se taille une solide réputation de chef symphoniste outre ses responsabilités in loco comme chef lyrique. Les vertus expressives et la cohérence sonore auxquelles parviennent les instrumentistes français sont bien réelles, en particulier dans des péripéties antérieures, dont les choix de répertoire, plus hédonistes et introspectifs qu’ici (Daphnis et Chloé de Ravel entre autres, CLIC de CLASSIQUENEWS, comme Prélude à l’Après-midi d’un faune de Debussy…) ont démontré la haute capacité. Le chef chambriste, au geste souple et atténué, toujours contrôlé par tempérament, cisèle son élocution générale, en faveur d’une direction millimétrée, impeccable quant à la mise en place, souvent captivante dans l’émergence d’une subtilité allusive, toujours élégante, qui reste à l’écart de toute tapage démonstratif.

ELOGE DE LA FINESSE ET DU DÉTAIL INSTRUMENTAL

Evidemment cette retenue en tout, et cette mesure esthétique continument défendue ont leur désavantage dont une certaine cérébralité abstraite qui porte et développe une sonorité parfois froide, d’une absolue précision, mais dont la richesse des couleurs et la perfection des accents comme de la dynamique laissent admiratifs.
Qu’en est-il précisément dans les Tableaux (rétrospectifs) de l’Exposition narrée par épisodes par Modeste Moussorgski – ici dans la transposition orchestrale de Maurice Ravel ? le plus occidental et typiquement russe des Romantiques russes, – et on l’oublie souvent, contemporain de Tchaikovski demeure un génie des contrastes dramatiques, alternant l’infini mystérieux au majestueux grandiloquent… Dans les séquences retenues, planantes tel « Il vecchio castello », la charge intérieure, résolument majestueuse et mélancolique convient idéalement à la pudeur de Philippe Jordan.
Et la précision riche en couleurs calibrées et d’une finesse pointilliste resplendit dans le tableaux des Tuileries (Dispute d’enfants après un jeux). Le bouillonnement souterrain et grave, voire lugubre de Bydlo qui suit, prend des dimensions funèbres d’une majesté, au souffle irrésistible, traçant des proportions… colossales. Beau contraste avec le caquetage cinglant qui a lieu dans le Ballet des poulets, précision là encore et finesse sonore, qui offre à la brillante orchestration de Ravel de 1922, toute sa subtilité clinique, justifiant pleinement le choix du chef pilotant la phalange des instrumentistes français (bois et vents rutilants, excellemment exposés).
jordan - Philippe-Jordan-008La confrontation plus expressionniste et dramatique de Samuel Goldenberg et Schmuyle saisit par sa coupe mordante voire grimaçante. Idem pour le marché de Limoges (léger, facétieux) dont l’énergie est soudainement rompue par la majesté solennelle et grandiose (fracassante) de la fanfare (réellement impressionnante) des Catacombes, aux visions d’outre-tombe… La pudeur et l’élégance intérieure font les délices de la plage 13, l’une des mieux calibrées selon cette apologie de la suggestion poétique propre au chef (Con Mortuis in lingua mortua).
Evidemment cette retenue y compris dans un tempo large, « épique » peut parfois écraser et diluer la masse orchestrale, mais l’attention aux détails et aux nuances de couleurs compensent ici et là la perte de tension (surtout dans le dernier épisode, au son du glas). L’intérêt se portant surtout sur cette brillante alchimie d’une orchestration à la subtilité saisissante malgré la pesanteur majestueuse du dernier portique (la porte de Bogatyr) sur lequel se referme le sublime livre pictural.

Couplage bénéfique. Une telle attention renforce la cursivité de la Symphonie n°1 du jeune Prokofiev (25 ans en 1916), à laquelle Philippe Jordan assure une lisibilité structurelle et une vitalité rythmique d’une mécanique impeccable. Toute la concentration et le travail du chef et de ses instrumentistes ciblent la parfaite articulation des premières cordes (chant et fluidité, avec maîtrise des crescendos dans le mouvement 2 : « larghetto »), d’une tonicité élastique… beethovénienne. La Gavotte, néoclassique, style danse française baroque est pleine de caractère – entre parodie et grâce objective : remarquable travail là encore dans le souci de lisibilité littérale. Enfin le dernier mouvement sonne comme une remontée des eaux, un allant rétrospectif de tout ce qui a été dit, énoncé, développé, mais enchaînée avec une excitation première, préservée, printanière. Très convaincant.

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CD, compte rendu, critique. MOUSSORSGKI / MUSSORGSKI : Pictures at an exhibition / Tableaux d’une exposition / PROKOFIEV : Symphonie n°1 « classique », opus 25. Orchestre national de l’Opéra de Paris (Philippe Jordan, mai 2016 — 1 cd ERATO).

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