Cd, critique. HAYDN : Symphonies « Lamentatione », n°26 / n°79, n°30 « Alleluia » (Antonini, 2017 – 1cd Alpha, coll « Haydn 2032 »). Suite de l’intégrale HAYDN par le directeur musical du Giardino Armonico, dont l’achèvement sera effectif en 2032 (pour le tricentenaire du compositeur autrichien). Le milanais Giovanni Antonini ne dirige pas ici les instrumentistes de son ensemble mais l’Orch de chambre de Bâle (sur instruments modernes donc) / Kammerorchester Basel : un travail particulier sur l’articulation, la tenue d’archet, l’expressivité et l’agogique (historiquement informée comme l’on dit dans le milieu concerné) que le chef, en expert, transmet à ses collègues plus habitués à jouer les romantiques et post romantiques que les classiques viennois. Classiquenews avait distingué le vol 4 de la présente collection (intitulé alors Il Distratto, d’un CLIC de classiquenews, convaincant et superlatif même). Peu à peu, le chef et flûtiste, soigne l’intonation, se montre soucieux de la clarté architecturale tout en ciselant les nuances de l’écriture si poétique et souvent imprévue de Haydn (éclairs dramatiques dignes de l’opéra, un genre dans lequel il a excellé comme son cadet Mozart) ; il en dévoile toutes les vibrations intérieures, restituant leur cohésion organique : une approche qui approche l’excellence de l’intégrale Haydn par son confrère Ottavio Dantone, lui aussi très inspiré par les arêtes et climats des massifs Haydniens (Lire notre critique de l’intégrale des Symphonies de HAYDN par Ottavio Dantone).
Aux côtés du vieux Werner (qui meurt en 1766), Haydn dès 1761 devient vice maître de chapelle à la cour d’Esteraza (Eisenstadt), auprès des princes Esterhazy. Il fournit toute la musique lyrique, symphonique, et donc sacrée mais comme d’une seconde main.
Obligé de rédiger l’inventaire des œuvres qu’il a en cours en 1765, le compositeur atteste ainsi qu’il est déjà l’auteur d’une Symphonie intégrant l’alleluia grégorien de la liturgie du Samedi Saint (Hob I:30), référence à l’église qui d’abord caché, devient explicite (aux vents surtout) ; même incursion du sacré dans le tissu symphonique dans la Symphonie n°3 en sol majeur (écriture dense de la fugue dans son final, claire révérence au français Rameau qu’admirait le prince Paul III Anton Esterhazy, après son séjour parisien de 1756).
Même résonances liturgiques pour la Symphonie I:26 dite « Lamentatione » (1768) dans laquelle Haydn recycle deux mélodies de choral (cantilation de la Passion, et Lamentation de Jérémie).
Giovanni Antonini s’intéresse à ces Symphonies chorales d’une nouvelle profondeur mystique : où l’évangéliste, Jésus, Judas semblent par le truchement des effets d’écritures et des instruments solistes prendre la parole dans la déroulement orchestral, tout à coup investi d’une dramaturgie souterraine. La méditation, sur la mort du Christ, annonçant le miracle pascal à suivre étant contenu dans l’Adagio postérieur. Le chef dévoile combien 15 années avant les symphonies de pleine maturité, cette Lamentatione, entre autres dans le menuet conclusif, développe une densité et une intériorité grave, inouïe même qui préfigure les opus les plus ambitieux, dont la Symphonie que Antonini place à sa suite, la n°79, en fa majeur, modèle classique en 4 mouvements mais dont la facétie inventive du Maestro, assure l’étonnante modernité, comme l’originalité puissante. On reste convaincu par l’intelligence du programme et la sélection des pièces dans leur enchaînement qui fait sens.
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Cd, critique. HAYDN : Symphonies « Lamentatione », n°26 / n°79, n°30 « Alleluia » (Antonini, 2017 – 1cd Alpha 678, coll « Haydn 2032 » vol 6)
LIRE aussi notre critique complète du cd HAYDN : Il Distratto par Giovanni Antonini (1 cd Alpha)
Des 3 symphonies ici traitées, ne prenons qu’un épisode emblématique. Non pas la première de la sélection, n°60 qui donne son nom au programme (conçue pour la comédie intitulée « Il Distratto »), mais nous préférons demeuré sur notre excellente impression, produite par l’Adagio de la n°12 qui s’impose par sa profondeur et son rayonnement simple. Sublime introspection (plage 12), tel un désert sans issue et au cordes seules, qui touche par son épure quasi austère …