mercredi 23 avril 2025

CD, critique. MAHLER : Wunderhorn-Lieder (Thielemann, VOLLE, 2011 – 1 cd Münchner Phil).

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mahler wunderhorn lieder und adagio Symphony-n-10 christian thielemann munchner philharmoniker munich review cd critique cd par classiquenews mars 2018CD, critique. MAHLER : Wunderhorn-Lieder (Thielemann, VOLLE, 2011 – 1 cd Münchner Phil). MAHLER l’enchanteur, explorateur de l’au-delà… Pour le centenaire Mahler 2011, Thielemann dirigeait l’adagio de la 10è, précédé (surtout) par le cycle des lieder d’après Des Knaben Wunderhorn, chanté ici par un voix mâle, celle de Michael Volle. On connait l’éblouissante version de Jessye Norman , des 8 séquences de ce cycle inclassable, d’une infinie poésie, pour voix et orchestre : la voix héroïque souligne les contrastes de climats, entre épopée et songe. Sommet de cette diction spécifique entre action, expression et narration, la voix étant à la fois celle des personnages évoqués et celui du narrateur qui pilote l’histoire, le n°4 : le plus long des airs accompagnés : « Wo die schönen trompeten blasen »… (plus de 6 mn). Mahler par un orchestre d’un raffinement poétique extrême parvient à exprimer tous les degrés du désir, aspiration consciente ou non d’une soldatesque éprouvée. Soldat sacrifié, emprisonné, toujours martyrisé… Tout converge inexorablement vers l’extermination et le massacre organisé, en particulier dans le dernier poème de 1901 (n°7, précédent l’urlicht), « Der Tamboursg’sell » / Le jeune tambour, figure même de l’innocence instrumentalisée et assassinée, et au delà, emblème d’une humanité manipulée et exterminée sur l’autel de la guerre. De nombreux thèmes qui ainsi jalonnent l’imaginaire mahlérien, reviennent ensuite dans son oeuvre symphonique (l’Urlicht est recyclé dans le 4è mouvement de sa 2è Symphonie). C’est une vision du paradis soudainement promis pour tous et chacun (chant proche d’une contine enfin apaisée et tendre).
Thielemann comprend l’enjeu dramatique et universel des Wunderhorn-lieder : il en cisèle le relief instrumental très détaillé qui au début du XXè, avant les grands cycles symphoniques, prépare déjà les caractères de sa langue et de sa palette orchestrale. Le chef prend le temps, respire, nuance aussi : soulignant les intonations et les allusions, d’autant que le baryton Michael Volle (wagnérien ès mérite), en acteur diseur, sait ciseler lui aussi des couleurs humaines irrésistibles, entre tendresse, profonde compassion, terreur et panique, et aussi extase lyrique, entre action, détermination et fragilité. Osant même des passages aigus à la limite de la craqure. Tout le genre humain est donc ici synthétisé (en effet, à la façon d’un Teatrum Mundi) et l’on reste saisi par la justesse de la lecture, la délicatesse de la baguette qui trouve toujours une balance idéale avec la voix soliste.

Grand concert Mahler par l'Orchestre OSE. Daniel Kawka, directionAvec les ultimes symphonies de Tchaikovsky, le 6è principalement, les opus de Mahler offrent une traversée au delà du miroir, assurant un passage avec l’autre monde. La plupart se concluent sur la vision salvatrice, réconfortante des éthers célestes illuminés de lumière ; la 10è est concentrée dans son seul mouvement le plus abouti, l’Adagio (Mahler n’aura le temps que d’écrire complètement les 3 premiers mouvements, laissant incomplets les 2 derniers…) : Thielemann a revers de beaucoup de versions plus séduisantes voire apaisée, renforce le caractère âpre, le voile tissé dans l’épreuve et la douleur comme la lutte (référence directe à la maladie qui ronge le corps épuisé du compositeur en 1910 / 1911, lui faisant subir d’atroces souffrances physiques jusqu’à sa mort à Vienne le 18 mai 1911). Toute la partition de cet opus ultime (93 pages manuscrites conçues à Toblach, sa résidence d’été familière dédiée à la composition solitaire, dans la nature), conçoit l’épaisseur de ce voile ténu qui retient à la vie et déchiré, permet la vision de l’audelà : une vision à la fois grandiose, terrassée, effrayée et d’une brûlante ardeur. Tout le mérite du chef est d’en retisser l’armure suspendue, de l’étirer jusqu’à la rupture consentante, aux confins de l’aigu (dans l’unisson des cordes) : une page d’une déchirante résignation, pleine de noblesse et de rayonnante maturité qui dessine par sa sensualité réelle, une aube nouvelle, révélatrice d’une conscience supérieure du monde et de la vie au delà de la vie. Très beau programme réalisé avec un orchestre d’une plénitude détaillée captivante (le jeu des cordes troublé, strident, d’une déchirante langueur finale). Ailleurs très bon wagnérien et straussien, Christian Thielemans, sur les traces d’un Claudio Abbado s’affirme mahlérien passionnant ; il cisèle chaque timbre de l’harmonie, avec une finesse souvent envoûtante.

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CLIC_macaron_2014CD, critique. MAHLER : Wunderhorn-Lieder, Symphonie n°10 (Adagio). Münchner Philharmoniker / Christian Thielemann – 2011 – 1 cd Münchner Philharmoniker – enregistrement réalisé à la Philharmonie de Gasteig, les 18-21 mai 2011, en commémoration du centenaire de la mort de Malher.

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